- mer, 24/09/2025 - 15:22
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES. Le Soft International N°1644 | LUNDI 8 SEPTEMBRE 2025 |
C’est la vérité, rien que la vérité. Prendre une initiative est une chose. C'est comme porter un projet ; atteindre le résultat recherché en est une autre. Cas d'une pétition et d'une contre-pétition, à en croire des rumeurs persistantes qui circuleraient ces jours-ci dans la ville et qui viseraient des membres du Bureau de l'Assemblée nationale, la chambre basse et ceux du bureau du Sénat, la chambre haute.
Le pays est-il en voie de vivre une folle rentrée politique?
Dans les travées de certains cénacles et/ou dans les profondeurs de certaines cellules, on assure que le président de l'Assemblée nationale Vital Kamerhe Lwa Kanyiginyi Nkingi et le 1er Vice-président Isaac Jean Claude Tshilumbayi Musawu tout comme le rapporteur Jacques Djoli Eseng'Ekeli ou la questeure Chimène PoliPoli Lunda et la questeure adjointe Grâce Neema Paininye seraient dans les mailles du filet.
Les pétitions auraient, dans certains cas, atteint ou dépassé le chiffre de 140 signataires. De quoi faire trembler ou, à tout le moins, inquiéter les personnalités politiques visées ? Oui, à en croire certains.
Les rentrées scolaires, politiques ou autres au Congo ou partout dans le monde ont toujours été l'objet d'inquiétudes. Elles demandent à être préparées, mieux, à être bien préparées. Elles projettent en effet dans l'avenir les uns et les autres qui se regardent en face. Demain se prépare aujourd'hui. En France, certains préparent le départ de Macron aujourd'hui ou demain. L'auront-ils ? Celle de son premier ministre François Bayrou paraissait déjà acquis. Ce qui ouvrirait toutes les portes. Dans le cas du Congo, comment s'annonce la rentrée de 2025 ? D'après ce qu'on y lit sans que cela ne soit confirmé par un document quelconque - et même alors, qui peut exclure quoi dans la vie ? - jamais dans la vie un point de non-retour n'a été atteint. Il n'empêche ! Il se chuchote une remise à plat du bureau de l'Assemblée nationale. Une motion de destitution aurait réuni plus de 130 signatures. En comptant 500 membres élus au suffrage universel direct et secret qui forment la Chambre basse du Parlement, est-on si proche de la destitution?
QUE DISENT LES TEXTES?
Sur la forme, que disent les textes ? La déchéance du Président du Bureau de l'Assemblée nationale ou d'un membre de ce Bureau de l'Assemblée nationale est prévue et régie par le Règlement intérieur de l'Assemblée nationale (ou du Sénat) et, parlant particulièrement de la chambre basse, celui de la Législature 2023-208 en cours jugé conforme à la Constitution de la République par l'Arrêt de la Cour constitutionnelle R. Const. 2192 et publié au Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, qui relève du Cabinet du Président de la République, à la date du 16 août 2024.
Ainsi, «... les fonctions d'un membre du Bureau de l'Assemblée nationale prennent fin par (...) déchéance par suite d'une pétition (...)», art. 30, op. cit. «La pétition pour la déchéance d'un membre du Bureau n'est recevable que si elle est signée par au moins un dixième des membre composant l'Assemblée nationale. Lorsque la pétition concerne le Président de l'Assemblée nationale, elle est signée par le quart au moins des membres composant l'Assemblée nationale. Aucune signature ne peut être ni retirée ni ajoutée après le dépôt de la pétition». art. 31, al. 1, 2, 3.
Puis : «Dans tous les cas, l'Assemblée nationale constitue une Commission spéciale et temporaire composée d'un délégué par groupe parlementaire et d'un non-inscrit», art. 31, al. 4.
«... La Commission spéciale et temporaire constitue son Bureau conformément à l'article 55 du présent Règlement intérieur», art. 31, al. 4.
«La Commission spéciale et temporaire entend les parties et dépose son rapport au Bureau de l'Assemblée nationale», art. 31, al. 6. «Dans les soixante-douze heures qui suivent son dépôt, le Bureau soumet le rapport à l'Assemblée plénière pour examen», art. 31, al. 7. «Passé ce délai, la pétition est de droit mise à débat». art. 31, al. 8.
«Une fois le débat engagé, il ne peut être interrompu jusqu'au vote», art. 31, al. 9. «Les membres du Bureau ne peuvent être mis en cause collectivement», art. 32, al. 1. «Lorsque la pétition vise le Président de l'Assemblée nationale, les séances plénières consacrées à cet effet sont convoquées et présidées par le membre preséant du Bureau», art. 32, al. 2. «Lorsque la pétition vise individuellement tous les membres du Bureau, la séance est convoquée et présidée par le Secrétaire général à l'Assemblée national qui annonce et installe le Bureau provisoire constitué conformmernt à l'article 7 du président Règlement», art. 32, al. 3.
«Le vote pour la déchéance d'un membre du Bureau est acquis à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale», art. 32, al. 4. «Aucune déchéance ne peut intervenir pendant la session extraordinaire ni au cours d'une même session lorsque la première pétition a été rejetée», art. 32, al. 5.
Qui sont ces membres du Bureau de l’Assemblée nationale de la législature en cours, 2023-2028, qui furent installés le 22 mai 2024 ? Ils sont sept. D'abord Vital Kamerhe Lwa Kanyiginyi Nkingi, président, parti politique (ou regroupement politique), UNC, Union pour la Nation Congolaise, né à Bukavu, élu de Bukavu, Sud-Kivu ; Isaac Jean Claude Tshilumbayi Musawu, 1er Vice-président, parti (ou regroupement) UDPS/Tshisekedi, Union pour la Démocratie et le Progrès Social, né à Kananga, élu de Luiza, Grand Kasaï ; Christophe Mboso N'Kondia Pwanga, 2ème vice-président, regroupement AACRD, Alliance des Alliés de la Convention pour la République et la Démocratie, né à Kasongo Lunda, élu de Kenge, Kwango ; Jacques Djoli Eseng'Ekeli, rapporteur, regroupement politique ANB, À Nous de Bâtir le Congo, né à Boende, élu de Boende, Tshuapa, Grand Équateur ; Dominique Munongo Inamizi, rapporteur Adjoint, parti politique (ou regroupement politique) Ensemble pour la République, née à Lubumbashi (actuel Haut-Katanga), élue du Lualaba ; Chimène PoliPoli Lunda, Questeure, regroupement AFDC-A, née à Lubumbashi, originaire du Haut-Lomami, élue de Malemba-Nkulu; Grâce Neema Paininye, Questeure Adjointe, regroupement PCR, Pacte pour un Congo Retrouvé, parti CODE élue de Ango, Bas-Uele, Grande Orientale.
Qui pense que les initiateurs de la pétition de déchéance de ces personnalités pourraient réaliser leur forfait ? Certes, dans la législation congolaise, il n'existe pas de mandat de parlementaire qui lie un élu à son parti politique («tout mandat impératif est nul», art. 101, al. 5 de la Constitution de la République).
Un arrêt de la Cour Constitutionnelle martèle : «Le mandat du député est un mandat politique et représentatif possédant la caractéristique d'être général, libre et non révocable. C'est-à-dire que le représentant peut agir en tous domaines à sa guise au gré des intérêts non pas de son parti politique, mais plutôt de la nation, sans être obligé ni de ses électeurs, ni de son parti politique, encore moins du regroupement politique auquel appartient son parti politique. Le mandat qu'il exerce appartenant à la nation, son exercice ne peut être que libre. Aucun intermédiaire entre la nation et lui ne devant s'interposer. Ainsi, la règle de nullité du mandat impératif donne lieu à celle de la liberté d'exercice du mandat par le parlementaire», précise l'arrêt.
En clair, un député de l'UNC ou de l'UDPS par exemple peut se départir dans tout vote, sur un sujet quelconque, du mot d'ordre de son parti et ainsi par exemple sanctionner une personnalité dont le sort est en jeu.
Les pétitionnaires parviendront-ils à déchoir tel ou tel membre du Bureau de l'Assemblée nationale ou du Sénat? Même s'ils ont récolté 140 signatures, est-on si de «la majorité absolue», c'est-à-dire de 251 voix sur 500 députés que compte par exemple la chambre basse ? La loi impose la règle et, en l'espèce, celle-ci : «Le vote pour la déchéance d'un membre du Bureau est acquis à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale», art. 32, al. 4.
Sur le fond, les initiateurs de cette pétition ont-ils raison ? On dit que le caliméro - l'homme qui se plaint - a toujours raison. Ses plaintes et lamentations montrent que la vie est plus dure pour cette personne que pour d'autre. Les plaintes expriment un sentiment d'injustice...
Que faire face à ça ? Comment réagir face à une personne qui se plaint tout le temps ? Comment gérer un collègue qui ne fait que se plaindre ? «Écouter et analyser les vraies raisons de ses plaintes ; faire émerger des solutions».
Les députés disent par exemple que leurs problèmes ne sont pas pris en compte (tels les soins de santé) ; que leurs émoluments et autres droits ne sont pas toujours versés quand des membres de leur bureau sont en permanence dans des missions ; que peu de députés ont pu se rendre, pendant les vacances parlementaires en cours, dans leurs circonscriptions électorales, art. 144 et 145; op. cit. L'article 144 dispose ce qui suit : «Pendant les vacances parlementaires, chaque député séjourne, d'une façon ininterrompue, pendant un mois au oins dans sa circonscription électorale. Il bénéficie, à cet effet, des titres de voyage à charge de l'Assemblée nationale. Le titre de voyage représente l'équivalent des frais vers la circonscription électorale la plus lointaine ».
A-t-on remis ces titres de voyage aux députés? Il semble que 70% d'entre eux n'auraient pas fait le déplacement de leurs circonscriptions électorales.
Lors de son discours prononcé juste après son élection le 22 mai 2024, le président du bureau de l’Assemblée nationale avaient demandé aux députés d’intérioriser et appliquer la diplomatie parlementaire pour le retour de la Paix dans les Kivu. Qu'est-ce que cela voulait dire ? Il avait aussi promis de travailler pour «la démocratie parlementaire agissante et la police de débats équilibrée». Est-il tombé dans son propre piège ?
D. DADEI.