- jeu, 23/03/2017 - 04:38
Les chaînes d’alimentation Kin Marché et Peloustore documentées dans le faux.
Ce jour-là, ils étaient tous réunis en comité familial restreint, voulant fêter un jour anniversaire quand une bouteille de Laurent-Perrier Cuvée Rosé - une référence dans le monde notamment grâce à sa bouteille si particulière d’inspiration Henri IV - est extraite de l’armoire à vins! Puis... l’effrayante découverte!
L’EXPLOIT PELOU STORE.
Debout, le chef de famille s’emploie à déboucher ce magnum prisé en s’activant sur son armature métallique et s’étonne d’y être parvenu plus vite que d’habitude et sans l’habituelle résistance...
Mais l’homme qui n’est pas du genre suspicieux pour un sou, décide de continuer son chemin. La bouteille désormais prête à être servie, il ne lui reste qu’à remplir les quatre flûtes posées en rangs serrés sur la table d’une cuisine américaine en verre fumé.
Charité bien ordonnée commençant par soi-même, l’homme remplit sa flûte et, surprise, ce pinot noir, issu d’un cépage issu d’une dizaine de crus de la Montagne de Reims dont la réputée Côte de Bouzy, classée en Grand Cru, n’a pas son arome de framboise qui colore sa robe.
Il faut pourtant pousser jusqu’au bout du chemin pour s’assurer du scandale déjà visible: si la robe est de rose, le nez ne sent pas le parfum framboise et la bouche est loin d’attester cette incroyable fraîcheur qu’on reconnaît à cette cuvée. Ni le goût. Ni la bulle!
Aucun doute n’est possible: ce liquide ne provient pas de cette Cuvée Rosé née en 1968 de l’audace et du savoir-faire de la Maison Laurent-Perrier issu de ses vins tranquilles appelés Coteaux Champenois qui, selon le producteur, a pour exigence la recherche de perfection à toutes les étapes d’élaboration.
La confirmation arrive par le bouchon qui n’est pas ce célèbre bouchon de liège à tête renflée. C’est l’exploit de l’alimentation kinoise Pelou Store (trois magasins dans la Capitale, boulevard du 30 juin, route de Matadi à Binza Pigeon et boulevard Lumumba à Limete) qui l’a vendu en vantant au passage ses produits d’origine contrôlée, importés directement d’Europe!
L’INDIEN DE KIN-MARCHE.
Le gérant de l’alimentation Pelou Store à qui le comité familial a retourné la bouteille n’a eu qu’à reconnaître le crime, expliquant qu’il en ferait rapport à son patron...
La question qui se pose est celle de savoir combien de ce faux «magnum» ont été ainsi «produits», combien ont été injectés dans le commerce, combien ont été vendus et consommés et avec quels dégâts...
Selon un rapport de l’Union Européenne, près de 85% de produits alimentaires et pharmaceutiques vendus au Congo ne seraient pas d’origine, seraient impropres et dangereux à la consommation humaine.
Aux postes frontaliers, les services des douanes - quand ils savent ou peuvent se surpasser - mettent la main sur des quantités de produits «impropres à la consommation». Mardi 6 septembre, la Rtnc, la chaîne nationale de télévision, a fait état d’une saisie de 5 tonnes de produits impropres à la consommation au poste frontalier de Lufu, à la frontière angolaise.
Dans la Capitale, dans l’arrière-boutique de nombre d’échoppes tenues par des colonies libanaises ou indo-pakistanaises - surtout les Indiens, précisent des connaisseurs - existent des usines de produits illicites ou de malfaçon approvisionnant des réseaux de commerce mafieux.
Même les eaux de boisson aux diverses étiquettes présentes sur le commerce congolais sont puisées et reconditionnées de nuit par des trous de forage dans des lits de rivières stagnantes par des réseaux de malfaiteurs.
Vendredi 17 mars, un homme se présente à la caisse de la nouvelle alimentation indienne Kin-Marché, propriété d’un Indien. Celui qui vient d’ouvrir il y a peu au rond point de Kintambo Magasin, croisement des avenues Transversale et Dr Factoreries au nr 36126. Les rayons sont impressionnants. Bien rangés. Tous achalandés de babioles. Des chinoiseries... Ça sent le pimpant. Du tape à l’œil. Le petit personnel de rayon est vêtu d’uniforme... Le même que porte les petits agents de rayon du magasin de la route de Matadi, quartier de Delvaux.
Le souci de bien faire y est. A chaque caisse, ils sont deux assis comme dans une cabine de pilotage. Il y a au devant la personne qui saisit les produits sur l’ordinateur, donne l’addition, se fait parfois assister et assis derrière, un autre qui encaisse la monnaie avant que le contrôleur - un jeune Indien - qui va d’une caisse à une autre ne lève le contenu de la caisse aussi vite que possible pour la salle des coffres! On n’est jamais plus prudent!
A l’heure de pause à midi, les petits agents reçoivent chacun une baguette de pain sec et une bouteille de Coca-cola pour tout déjeuner...
L’homme entré dans ce Kin Marché (dont des affiches vantent des prix du «grand marché») n’est venu que pour l’eau... en bouteille: une marque locale connue et une marque étrangère, la belge SPA Reine, une eau minérale naturelle plate sans aucun doute la plus préférée des Belges. Une eau souterraine à l’origine 100% naturellement, n’a subi aucun traitement chimique ni microbiologique, mise en bouteille directement à l’Eaudysée de Spa dans cette ville de la Wallonie en vue de préserver sa pureté jusqu’à la consommation. Seule la nature de ce site de Spa dont la terre entière connaît les bienfaits naturels, a purifié l’eau, puisée dans les sources d’un environnement protégé contre tout risque de pollution.
«L’eau minérale naturelle Spa véhicule une image d’excellence, aussi bien dans notre pays qu’au-delà des frontières», expliquait son CEO Marc du Bois à l’aube du 125ème anniversaire du premier périmètre protégé des sources d’eau de Spa, précurseur en Europe. «Sans doute Lamartine aurait-il vu ici le temps suspendre son vol si l’homme avait choisi de tremper sa plume dans l’eau de source plutôt que dans des verres d’alcool», témoigne un journaliste émerveillé par une success story belge de préservation d’une nature.
Changement climatique oblige!, il fait chaud, très chaud ces jours-ci à Kinshasa. Il faut des provisions d’eau au risque de tomber dans la déshydratation et, la suite! Les petites bouteilles d’eau que l’homme a fait prendre dans le magasin des stocks paraissent suspectes! Il a déjà une amère expérience. Ces petites bouteilles ressemblent étrangement à celles qu’il avait achetées il y a peu dans une alimentation à la Gombe... et dont le liquide parfumé avait tout sauf le goût de cette eau minérale naturelle!
EVACUE D’URGENCE.
Un autre homme raconte comment il avait fait une intoxication quasi mortelle après avoir consommé du whisky acheté à la Cave de Bacchus - un magasin de vins et spiritueux qui ne manque pas non plus d’éclat - et comment il avait dû être évacué en extrême urgence en Afrique du Sud, avait subi aussitôt au sol une opération délicate; s’en est sorti par miracle!
Depuis, il choisit ses magasins et a juré de ne «jamais faire un magasin tenu par un Indien... Ces Indiens sont des spécialistes dans la contrefaçon...», explique-t-il.
Les petits agents de rayon à Kin Marché - certains des diplômés d’université - se livrent à des petites confidences. «Notre patron indien est un spécialiste de la contrefaçon; il fabrique beaucoup de ses produits exposés lui-même, souvent localement; les étiquettes sont fausses... Et pour tout ça, il ne nous paie à peine 100 dollars...».
Le chauffeur d’un VIP à Kinshasa témoigne: «Un jour, une grande fête de mariage se tenait dans une salle à la Gombe. Un homme est venu nous proposer de récupérer bouteilles et bouchons des Champagne jetés. On ne savait pas pourquoi... Mais on l’a fait. A la fin de l’opération, il nous a remis 500 dollars quand on lui a remis une grande quantité de bouteilles de Champagne et des bouchons Laurent Perrier. On était tout heureux mais surpris par cette générosité. On ne savait pas ce qu’il allait en faire. Je sais maintenant qu’on aurait pu nous poursuivre pour association de malfaiteurs...».
Les petites bouteilles SPA Reine étaient trop suspectes que vendredi 17 mars, l’homme a mis en garde le caissier resté impavide. «Si ce n’est pas une eau Spa, je reviens...», a-t-il martelé.
Dès le soir, il commence par goûter, l’eau n’a pas le goût de SPA. Exactement le goût de cette eau qu’il avait achetée dans le passé et dont il s’était méfié... Il a gardé son ticket d’achat précieusement et samedi 18 mars, il fait une entrée dans le magasin, prie l’Indien d’avaler une goutte de cette eau et de donner son avis.
Aucune discussion possible: l’Indien se rue vers les caisses et, le ticket à la maison, rembourse le prix.
Avant de s’en aller, une petite campagne aux caisses contre cette fausse eau vendue. Qu’importe! Placidement, la clientèle défile. Elle n’a rien entendu, rien vu. Circulez, il n’y a rien à voir... Le Congolais est vacciné; il ne meurt pas de ça! Du moins s’en vante-t-on!
D. DADEI.