Me Thambwe Mwamba V/C Me Tshibangu Kalala
  • ven, 30/10/2015 - 03:42

Le ministre de la Justice reçoit quitus des élus: les intérêts de la République doivent prévaloir…

C’est un réquisitoire en règle que le ministre de la Justice et Droits Humains, Me Alexis Thambwe Mwamba a dressé mercredi 28 octobre contre un autre avocat, professeur par ailleurs, Me Jean Tshibangu Kalala,
Député National honoraire, président du parti Notre Beau Pays, NBP en détention depuis près de trois semaines à la prison centrale de Makala à Kinshasa pour détention illicite de documents relatifs au contentieux entre l’Ouganda et notre pays devant la Cour Internationale de Justice. S’appuyant sur un dossier de près de 80 pages bourré de pièces en annexe, Alexis Thambwe Mwamba a obtenu des élus la sauvegarde «avant tout» des intérêts de la République. Ci-après, la présentation de cette «affaire RDC C/Ouganda devant la Cour internationale de Justice, dossier opposant la RDC à Me Tshibangu Kalala.

A. CONTEXTE.
En effet, en raison des activités armées de l’Ouganda, de 1998 à 2003, sur une partie du territoire de la RDC, la Cour Internationale de Justice, saisie du litige par la RDC, a condamné la République d’Ouganda à réparer tous les préjudices causés du fait de son occupation et desdites activités.
Cependant, la Cour s’est limitée à déterminer la responsabilité de l’Ouganda, laissant aux deux Parties la latitude de fixer la hauteur de l’indemnisation, faute de quoi, les deux Etats devraient revenir par devant la Cour pour qu’elle règle cette question. Aussi, conformément aux Accords de Ngourdoto, en Tanzanie, et pendant près de cinq ans, les deux Parties ont-elles tenté de négocier, mais sans succès. Car, ainsi qu’en témoigne le communiqué conjoint signé à Pretoria le 19 mars 2015, les Parties ne sont pas arrivées à tomber d’accord sur la hauteur de l’indemnisation. Ceci a amené la RDC à saisir à nouveau la Cour Internationale de Justice par sa requête introduite le 08 mai 2015 et reçue par le Greffe de la Cour le 13 mai 2015. S’en est suivie l’invitation des Parties à la séance du 09 juin 2015, au cours de laquelle, de manière surprenante, la Partie ougandaise a soulevé l’exception de prématurité de la requête introduite par la RDC, au motif que les négociations étaient encore possibles.
Aux termes de son ordonnance rendue le 1 cr juillet 2015, la Cour a rejeté l’exception de l’Ouganda en ordonnant la poursuite de la procédure engagée, fixant le 6 janvier 2016 comme date butoir, pour le dépôt des mémoires et des pièces des Parties au Greffe de la Cour.
Il convient de souligner que cette deuxième phase, différente de la première, concerne uniquement l’évaluation des dommages.
S’agissant de la première phase, elle a abouti à l’Arrêt de la Cour du 19 décembre 2005, établissant la responsabilité de l’Ouganda (Cote 1).
Sans méconnaître ici les prestations de Me Tshibangu Kalala, il y a cependant lieu de relever qu’il les a accomplies dans le cadre d’un collectif d’Avocats et des Professeurs d’Universités, prestations pour lesquelles il a perçu près de 2.000.000 $ US à titre de provision sur honoraires. Certains parmi les membres de ce collectif attendent encore, à ce jour, leurs quotes-parts sur ladite provision d’honoraires et mon Ministère s’emploie à régulariser cette situation.
Conformément au dispositif de l’Arrêt de la Cour qui a privilégié les négociations entre Parties, la RDC, pour sa part, a mis en place, par Arrêté N° 002/CAB/MIN/J’&OHI2008 du Ministre de la Justice et Droits Humains du 26 février 2008, une Commission ad hoc de 23 Experts, chargée spécialement de la collecte sur terrain des preuves et autres éléments relatifs aux activités armées de l’Ouganda afin de permettre au Gouvernement de fixer la hauteur des préjudices subis.
La Commission a déployé des enquêteurs et des OPJ en Province Orientale, au Nord Kivu et à l’Equateur, et a pu réunir diverses pièces dont 34 documents classés par Province et 11.000 fiches d’identification des victimes contenues dans 26 classeurs, le tout aux frais du Trésor Public.
Ces pièces ont ainsi permis à la République Démocratique du Congo d’évaluer et de faire certifier tous les préjudices confondus à hauteur de 23.514.943.928 SUS.
Je vous signale, par ailleurs, que ces fiches, qui portent des mentions et sceaux officiels des autorités judiciaires des lieux où elles ont été collectées, constituent des pièces originales que détenait la République.
Le Ministre Mutombo Bakafua Nsenda, étant élevé au rang de Vice-Premier Ministre de la Défense et Sécurité, avait, par sa lettre du 16 février 2009, dont Me Tshibangu Kalala fut ampliataire, transmis ces pièces au Ministère de la Justice où elles furent gardées par le Secrétaire de la Commission, Mr Jean René BOONGI EFONOA. Et c’est auprès de ce dernier que Me Tshibangu Kalala a retiré, le 20 septembre 2012, moyennant décharge, lesdites pièces dans le but de permettre à la délégation Ougandaise, venue à Kinshasa, d’en tirer copies pour une contre-évaluation.
En prévision de l’audience de la Cour fixée au 6 janvier 2016, j’ai réactivé la Commission des Experts chargée de la défense des intérêts de la RD C, hormis Me Tshibangu Kalala dont le mandat avait déjà été révoqué depuis 15 décembre 2012 par mon prédécesseur, non seulement en sa qualité de Co-agent de la République près la Cour, de Coordonnateur de la Commission des Expel1s dans cette cause, mais également comme Avocat de la République dans d’autres affaires.

B. OBSTACLES.
Il y a lieu de relever que ce n’est pas d’aujourd’hui que Me Tshibangu Kalala met la République dans l’embarras au sujet de la présente cause. Tenez:
- En décembre 2012, les travaux prévus entre la Délégation ougandaise et la Partie congolaise, prévus le 09 décembre, n’ont pu démarrer que trois jours après, soit le 11 décembre 2012, par le fait de Me Tshibangu Kalala qui a refusé de mettre les pièces à la disposition des Expel1s des deux Délégations, tirant prétexte du non-paiement par l’Etat Congolais des honoraires, lesquels, du reste, n’avaient jamais été réclamés jusqu’à ce moment-là. C’est a posteriori et pour les besoins de la cause que Me Tshibangu Kalala confectionnera hâtivement une note d’honoraires qu’il déposera au Cabinet du Ministre de la Justice et Droits Humains, en date du 11 décembre 2012 à 13 heures 45, soit après avoir fait la rétention desdites pièces.Dans cette note, il réclame notamment les honoraires d’un import de 15% sur la somme de 23.514.943.928 $US, représentant le montant des prétentions de la RDC que non seulement la Cour n’a jamais alloué mais, bien plus, que la République d’Ouganda n’a jamais accepté de payer à la RDC.
- Comme si cela ne suffisait pas, Me Tshibangu Kalala s’est autorisé d’adresser des lettres à Mme la Ministre de la Justice et Droits Humains en des termes l’on ne peut plus discourtois. Il en est ainsi de sa lettre du 28 janvier 2013 par laquelle il a refusé de remettre les pièces en soutenant que celles-ci avaient été obtenues grâce à ses diligences; version totalement fausse et mensongère, au regard de la réalité des faits.
C’est dans ce contexte que mon prédécesseur a dû lui retirer son mandat. C’est donc une situation qui remonte à 2012 dont j’ai hérité, en vertu du principe cardinal de la continuité du service public, principe en vertu duquel j’ai réservé une fin de non-recevoir à la requête de Me TSHIBANGU KALALA du 20 avril 2015, sollicitant sa réadmission en qualité de Co-agent et d ‘ Avocat de la ROC dans ce dossier.
En effet, par ma lettre du 6 mai 2015, je lui ai signifié que je ne pouvais reconsidérer la décision de mon prédécesseur, tout en l’informant que je venais de pourvoir à son remplacement par la désignation d’un nouveau Co-agent. Par la même occasion, je l’ai invité expressément à restituer tous les documents et pièces de l’Etat qu’il continuait à détenir par devers lui.
- Entre-temps, avec la saisine à nouveau de la Cour Internationale de Justice en évaluation des dommages et intérêts, le besoin de la récupération, effective desdites pièces se fait de plus en plus sentir, compte tenu du caractère imminent de la date butoir du 06 janvier 2016, fixée pour le dépôt par les Parties de leurs pièces et mémoires respectifs.
- Etant entendu que ma première lettre de demande de restitution des pièces du 6 mai 2015 était demeurée sans suite de la pal1 de Me Tshibangu Kalala, d’une part, et devant, d’autre part, répondre aux préoccupations de la Commission des Experts actuellement à pied d’œuvre, je me suis trouvé dans l’extrême obligation de lui adresser une ultime mise en demeure, aux termes de ma lettre du 21 septembre 2015, dont copie avait été expressément réservée à Messieurs le Procureur Général de la République, le Bâtonnier National et le Bâtonnier du Barreau de Kinshasa/Gombe.
- Mais pour des raisons difficiles à comprendre, Me Tshibangu Kalala a gardé un mutisme total, voire une indifférence déconcertante.
C’est à ce niveau qu’il faut stigmatiser le fait que Me Tshibangu Kalala refuse systématiquement, non seulement de procéder à la restitution des pièces appartenant à la République, mais encore et surtout d’obtempérer à toutes les injonctions répétées, lui données dans ce sens aussi bien par le Bâtonnier National que par le Bâtonnier de son propre Barreau, donc par ses autorités ordinales.
- Devant cette résistance caractérisée, à l’instar de ce qu’avait déjà fait mon prédécesseur en 2012, je n’avais plus d’autres ressources que de saisir à nouveau Monsieur le Procureur Général de la République, en lui enjoignant cette fois-ci de faire tout ce qui est de sa compétence pour récupérer lesdites pièces des mains de Me Tshibangu Kalala, dans les délais utiles.
Voilà ainsi relatées les circonstances dans lesquelles Me Tshibangu Kalala se retrouve aujourd’hui en détention préventive pour notamment rétention illégale des documents officiels appaI1enant à l’Etat congolais.
Depuis lors, plusieurs avocats et personnalités de la place m’ont approché, me promettant de convaincre l’intéressé à restituer les pièces de la République. Malheureusement, force est de constater que, jusqu’à ce jour, personne n’a pu revenir vers moi. Les choses étant ce qu’elles sont, il appartiendra donc à Monsieur le Procureur Général de la République de poursuivre la procédure pénale ainsi engagée.
L’attitude affichée par Me Tshibangu Kalala laisse craindre qu’il ne serait plus en possession des pièces dont question. Je n’ose pas encore y croire.
Il convient enfin de noter que la procédure pénale n’est pas à confondre avec la procédure disciplinaire déjà initiée, en son temps, par mon prédécesseur auprès du Bâtonnier du Barreau de Kinshasa/Gombe où il n’existe, du reste, aucun conflit d’honoraires entre Me Tshibangu Kalala et la RDC jusqu’à ce jour.
Car, en effet, conformément à la loi organique qui régit le Barreau en République Démocratique du Congo, pour qu’il existe un conflit d’honoraires, le Conseil de l’Ordre doit être saisi par l’Avocat du refus de son client de lui payer ses honoraires, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
En définitive, j’aimerais souligner que, sans la production de ces pièces, la ROC, avec ses nombreuses victimes, risque fort de ne pas être indemnisée ou de ne l’être que très mal, avec tout ce que cela impliquerait comme conséquences néfastes et autres remous sociaux, pour les Provinces concernées, qui sont déjà sous très haute pression à ce sujet.
Pour le reste, la République qui a déjà payé près de 2.000.000 $ US, à titre de provision d’honoraires, n’a jamais refusé de payer le solde de la première étape de la procédure que réclame Me Me Tshibangu Kalala. Mais, en revanche, c’est ce dernier qui est resté en défaut de produire l’état détaillé des prestations accomplies, comme cela lui avait été demandé jadis par mon prédécesseur aux fins d’engager la procédure selon la voie usuelle. En ce qui concerne les 15 % qu’il réclame sur le montant d’évaluation unilatérale des préjudices subis par la RDC, vous conviendrez avec moi que l’Etat congolais ne peut être redevable d’un montant qu’il risque même de ne jamais toucher, la créance n’étant encore liquide, certaine, ni exigible. Somme toute, Me Tshibangu Kalala n’a aucun droit de rétention sur lesdites pièces, comme il le fait, à tord, puisque l’article 77 de la loi organique sur le Barreau, en son alinéa 1er, oblige l’avocat de restituer sans délai les pièces ou sommes dont il est dépositaire dès qu’elles ne lui sont plus nécessaires pour la défense de la cause, comme en espèce.
Fait à Kinshasa,
le 28 octobre 2015,
ALEXIS THAMBWE MWAMBA.


Related Posts