- jeu, 05/12/2019 - 04:05
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES. Le Soft International n°1474|JEUDI 5 DECEMBRE 2019. Katanga Mining Ltd pousse à l’extinction ses petits souscripteurs congolais. Fratricide guerre des affaires où, à la suite des souscriptions multiformes, le droit de préemption crée des préférences, le jeu du capital obéit à la loi du plus fort quand la morale politique est au plus mal si le cas de figure est une rapace et gloutonne multinationale comme le groupe minier anglo-suisse Glencore et l’une de ses filiales congolaises Katanga Mining Ltd dont le fondateur au nom bien nommé Marc Rich poursuivi aux Etats-Unis pour plus de 50 chefs d’accusation, condamné par le Grand Jury Fédéral pour violation d’embargo, prend la poudre d’escampette vers une Suisse bienveillante avant d’aller se faire adouber à Moscou par Vladimir Poutine. Dans un Congo ignorant sa stratégie de développement agressive voire prédatrice assumée, ni la Gécamines, ni le Trésor n’ont jamais rien reçu de ce géant minier. Quant aux petits investisseurs séduits à l’idée de devenir un jour millionnaires, ils n’ont désormais que leur yeux pour pleurer. Grand Angle. Un crime! Nul doute. Un énième dans l’impitoyable guerre des affaires. Mais certainement le pire des crimes! Certes, partout dans le monde où il conclut des contrats, que de dossiers sales, que de crimes immondes perpétrés dans les pays d’accueil, contre les peuples au sein desquels le géant prend pied et que des ONG dénoncent sans cesse, contre les souscripteurs parmi les plus petits qui se sont sacrifiés, ont mis de côté un petit bas de laine, ont amicalement acquis des parts d’actions mises en vente espérant licitement multiplier des gains, avancer dans la vie, intégrer une classe moyenne nationale introuvable et, au final, pourquoi pas, rêver de devenir millionnaires tel au Nigeria où des nationaux fortunés pullulent, mais qui sont sacrifiés sans le moindre remords, sans que les dirigeants politiques stipendiés ou de connivence n’interviennent aux côtés des faibles dépossédés... En Bolivie, l’Etat en a un jour fort de café. Le président hausse la voix, décrète la nationalisation «avec effet immédiat» de l’une des mines du géant anglo-suisse. Les milliards ont peur du bruit... Glencore déclare que la décision du président de gauche Eva Morales «soulève un certain nombre de questions sérieuses au sujet de la politique du gouvernement envers les investisseurs étrangers» mais opte pour l’apaisement plutôt que d’ester en justice. La multinationale de négoce, de courtage et d’extraction de minerais et hydrocarbures basée en Suisse, ne paie pas de mine. Elle veut nouer le dialogue avec les autorités du pays. Que de morts dans le monde causées par Glencore et sa kyrielle de filiales locales! En Bolivie, son objectif premier, avait expliqué la firme mutinationale, fut de «permettre une transition ordonnée de la mine aux autorités en s’assurant du bien-être de ses employés». VOYOU EN FRANCE... Une mine occupée des semaines durant par des mineurs locaux survoltés, réclamant la reconnaissance de leurs droits, revendiquant son exploitation. Si, face à la meute, Glencore recule, la multinationale ne cède rien... Eva Morales ne se fait pas conter fleurette. Accusant le géant de s’être payé le site minier en payant illégalement l’ancien président du pays Gonzalo Sánchez de Lozada, le président intègre la mine dans le groupe public Comibol. Un groupe poursuivi en France pour avoir provoqué la faillite de l’usine Metaleurop Nord (plomb, zinc, métaux rares et précieux); a oublié dans le département du Pas-de-Calais, au nord de la France, une vaste friche polluée; a refusé d’assumer le moindre petit engagement environnemental, ni la moindre petite situation sociale et sanitaire locale; fut, last but not least, qualifié de «voyou» par la ministre française de droite en charge de l’Environnement Jocelyne Bachelot... En Zambie, mêmes crimes perpétrés avec toujours la même violence: dégradation de l’environnement, mise en danger des populations, pillage des ressources minières, évasion fiscale, transferts illégaux vers des paradis fiscaux,... A Kankoyo, quartier pauvre de la ville cuprifère de Mufulira, sa filiale Mopani Copper Mines (70% Glencore et 30% First Quantum Minerals Ltd Canada) gérée par des sociétés intermédiaires basées dans des paradis fiscaux, il n’y a que pollution sur pollution alors qu’au même moment, Glencore prive le pays d’accueil et les communautés locales de recettes fiscales. La moitié des travailleurs n’ont ni salaire, ni soins de santé... En Colombie, la multinationale rase un village, exproprie des habitants, brûle des tombes. Aidée par les autorités et l’armée! A Bahia Portete, elle chasse le peuple indien, massacre la population, expulse les familles. En Afrique du Sud, le groupe minier est au cœur du scandale Oil Gate. Des journaux dénoncent des manœuvres frauduleuses de connivence avec Petro SA, la société para-étatique. Au Sud-Soudan, en Irak, en Libye, etc., Glencore fait affaire, sans état d’âme, dans ces pays en guerre. Dans l’affaire pétrole contre nourriture, un rapport l’épingle. La multinationale a versé des commissions occultes à... Saddam Hussein. RACE DES RENARDS. Mais c’est au Congo que la multinationale via sa filiale katangaise Katanga Mining Limited, a perpétré le pire des crimes. «Le casse du siècle», surenchérissent les milieux d’affaires locaux. Fondé par un Belge au nom bien nommé de Marc Rich, ce n’est pas l’«expertise» congolaise qui fait défaut au groupe financier sous la direction d’un «noko» (oncle, comme Mobutu appelait les Belges). Un homme aux multiples cellules olfactives. Marc Riche a tôt compris que la meilleure recette de passer les frontières par les mailles du filet, c’est de disposer de plusieurs passeports, le plus iconique étant le passeport américain. Cela ne l’empêche pas d’avoir le pire pétrin qu’un chef d’entreprise puisse avoir avec l’administration américaine. Poursuivi à plusieurs reprises, un grand jury fédéral énonce à son encontre plus de 50 chefs d’inculpation. Dont corruption et évasion fiscale. Condamné pour violation d’embargo, le Belge se fait exfiltrer vers une Suisse bienveillante. N’empêche! Son nom figure sur une liste de dix fugitifs les plus recherchés par le FBI. Marc Rich est de la pure race des renards... Il ne croise pas les bras. Contre Washington qui le réclame, il joue Moscou, rencontre le président russe Vladimir Poutine qui le met sous sa protection, tisse des liens avec l’entreprise russe Sual (Siberian-Urals Aluminium Compagnie), pousse ce leader russe de l’aluminium à fusionner avec son groupe, puis, un autre leader du secteur, Rusalk les rejoint, et sanctifié par Poutine, propulse Glencore au rang de numéro un mondial de l’aluminium. Evénement «historique» pour le président du conseil d’admistration de Sual, Viktor Vekselberg... Dès le départ, Mister Rich a affiché une ambition. Elle est planétaire. Il a irrémédiablement les yeux tournés vers l’étranger. Il ouvre des bureaux à travers le monde, installe un «accès unique à l’information sur la production et la distribution», prend le contrôle d’installations portuaires. Le Belge ne cache pas sa stratégie de développement: elle est agressive voire prédatrice... Son modèle: la plus grande entreprise minière du monde BHP Billiton (fer, diamant, uranium, charbon, pétrole, bauxite, etc.) outre qu’elle est intégrée verticalement. S’il a le contrôle de l’aluminium, il veut ajouter à ces segments d’autres métaux, cuivre, nickel, quand déjà le cobalt, ce minerai prisé pour son utilisation dans les batteries de smartphones et les voitures électriques, se fait parler de lui, devient stratégique. Son cours a décollé jusqu’à atteindre un pic de US$ 94.500 la tonne. Or, le Katanga détient, à Kolwezi et ses environs, les réserves les plus fabuleuses du monde de ce minerais... Le Katanga est l’avenir du monde. A 25 km à l’ouest de la ville de Likasi, le site de Shinkolobwe fournit l’uranium de la bombe atomique larguée en 1945 sur Hiroshima. Là encore, un Belge, avec une connaissance éprouvée du sous-sol katangais, fut à la manœuvre. Directeur de l’UMHK, Union minière du Haut Katanga, Edgar Sengier a de la chance. Il fait la rencontre à Shinkolobwe où il dirige l’Union Minière, d’un Britannique. Celui-ci lui explique ce que le produit gris argenté contenu dans deux fûts laissés au hasard, représente pour l’humanité. S’il ne veut pas un jour voir disparaître son pays - le royaume de Belgique - de la surface terre, le Belge a intérêt à garder ce produit dans un lieu secret et sécurisé. L’homme ne se fait répéter ce conseil deux fois. Il expédie à New York en toute urgence et en clandestinité les deux fûts avant d’aller en négocier la vente, en pleine guerre du Japon et au bénéfice de la Belgique, avec l’état major de l’armée américaine décidée d’en finir avec l’un des plus terribles conflits mondiaux. Comment Glencore dont le chiffre d’affaires oscille entre US$ 170 et 180 milliards et dispose de US$ 80 milliards de biens et de US$ 20 milliards de participations dans diverses entreprises, a mis pied au Katanga, s’octroyant les mines de cuivre et de cobalt les plus riches du monde créant du coup de l’intérêt parmi des petits souscripteurs locaux dont des Congolais désireux de se hisser à leur tour sur le toit de millionnaires? EXPATRIES A LA RESCOUSSE. Tout commence entre 2004 et 2005... Le Congo est à la veille d’élections générales, présidentielle et législatives nationales et locales, les premières libres, démocratiques et ouvertes qui aient eu lieu depuis l’indépendance du pays en 1960. L’enjeu est majeur. Le Congo est sous embargo international. Soupçonné de crimes de guerre et de crimes économiques et de violations massives de droits de l’homme, sous la menace de sanctions internationales, le régime, le régime recroquevillé sur lui-même, se méfie comme de la peste de tout ce qui vient de l’extérieur. En dépit de son potentiel économique (un territoire aussi vaste que celui de l’UE, un fabuleux sous-sol, 80 millions d’habitants, etc.), le Congo n’est pas attractif pour les investisseurs. Dépourvu d’infrastructures de base, il est affronté à des guerres et à des attaques récurrentes de multiples groupes armés locaux et étrangers dans des zones minières, un environnement des affaires inexistant (le pays vient à la 182ème place sur 183 pays du classement Doing Business, qui dépend de la Banque mondiale, de la Société financière internationale et de Palgrave MacMillan). Impossible de lever les fonds sur quelque marché privé que ce soit. Comment, sans financement, organiser les élections? Mais cette situation de chaos offre des opportunités pour des financiers de cran. Ceux qui savent prendre des risques. Deux familles étrangères installées au Congo sont littéralement attirées. George Arthur Forrest est né en 1940 et a grandi à Kolwezi, au Katnga dont il parle la langue Swahili. L’homme s’est fait remarquer depuis les décennies Mobutu quand, dans les années 1970, à son retour de Belgique où il étudie à l’Université Libre de Belgique avec des membres de l’élite mobutiste dont Léon Kengo wa Dondo, l’un des hommes forts du régime, plusieurs fois ministre et premier commissaire d’Etat (premier ministre), il reprend, avec so frère, l’Entreprise Générale Malta Forrest, EMF en sigle (génie civil et BTP) créée en 1922 par son père, George Malta Forrest. En 1973, lors de la guerre de Kolwezi, «l’ami de Mobutu et des Mobutistes» est pris pour cible par les rebelles. Arrêté par les ex-gendarmes katangais menacent de le fusiller comme plusieurs autres cadres européens. Forrest est sauvé par ses travailleurs qui s’interposent. Quand tous les investisseurs et cadres étrangers quittent le Katanga, Forrest reste sur place. Il tente de sauver l’entreprise familiale. Le Belgo-néo-zélandais ne quitte pas non plus le pays lors des pillages de 1990, ni pendant la rébellion de l’AFDL de Laurent-Désiré Kabila qui met fin au régime de Mobutu. Il entreprend la diversification de ses investissements (Congo Energy, Société pour le Traitement du Terril de Lubumbashi, Cimenterie de Lukala, banque, etc.) et s’impose comme le dernier investisseur historique du Katanga, l’un des plus grands employeurs privés du pays. En 1997, à la prise du pouvoir par l’AFDL Forrest est catapulté à la tête de la Gécamines de tous les rêves par le tombeur de Mobutu. Le «Roi du Katanga» en profite pour consolider ses affaires notamment dans le secteur minier. En 2006, il est la première grosse fortune du Congo, selon le magazine américain Forbes. Ses avoirs personnels sont estimés à US$ 820 millions. La présence au Congo de Dan Getler (Daniel Getler) est plus récente. Né en 1973, l’homme qui vit, avec sa femme et ses neuf enfants, à Bnei Brak, à Tel Aviv, est issu d’une famille de diamantaires. Petit-fils d’un émigré roumain Moshe Shnitzer co-fondateur en 1947 et premier président de la bourse de diamants en Israël qui porte son nom, sa mère dirige une station de radio pop et son père, est gardien de but d’une équipe professionnelle de foot à Tel-Aviv avant de se lancer dans le commerce de diamants. Son oncle Shmuel Schnitzer est président de la fédération mondiale des bourses de diamants. LE CASSE DU SIECLE. Dès l’âge de 22 ans, Dan Getler achète et vend des diamants, fait des va-et-vient entre Israël et des pays producteurs de diamants, Inde, Angola, États-Unis, Libéria. A en croire le journal français Le Monde, pendant la guerre du Liberia, Gertler viole l’embargo décrété par les Nations en échangeant des diamants contre des armes. En 1997, alors que la guerre de l’AFDL contre Mobutu fait rage, le jeune Israélien de 24 ans débarque au Congo, décidé de briser le monopole de De Deers, la firme sud-africaine sous contrat avec la société des diamants, la Minière de Bakwanga à Mbuji Mayi, en prenant possession de l’industrie locale du diamant. Face à un Mobutu affaibli par la maladie et un régime miné abandonné par ses soutiens extérieurs, Getler prête main forte à une rébellion armée qui vole de victoire en victoire, soutenue par des puissances étrangères via des pays voisins. Très vite, Getler acquiert sa première mine. En 2000, Kabila en signe de reconnaissance, lui donne l’exclusivité des exportations congolaises des diamants contre US$ 20 millions. L’accord implique-t-il des livraisons d’armes? Joseph Kabila Kabange qui succède à son père et avec qui Getler consolide ses liens, renégocie cet accord qui passe à US$ 15 millions en même temps que la société canadienne Emaxon Finance International, propriété de l’homme d’affaires israélien, reçoit l’autorisation de vendre 88% de la production officielle de diamants pour une période de quatre ans. En 2009, Dan Getler met l’une de ses sociétés écran, Emerald Star Enterprises, à profit pour permettre au kazakh ENRC de mettre la main sur l’autre moitié du capital de la Société Minière de Kabolela & Kipese SPRL (SMKK), propriété de la Gécamines. Il achète 50% de la SMKK pour US$ 15 millions et la revend à ENRC six mois plus tard contre US$ 75 millions. En 2011, à la veille du nouveau cycle électoral, plusieurs de ses sociétés rachètent des mines à l’État, sans que ce dernier ne communique sur ces acquisitions. En 2012, le FMI l’accuse d’opacité dans ses contrats miniers et interrompt son programme de prêts à l’Etat (US$ 532 million). Le 23 janvier 2013, Global Witness dévoile que l’État congolais a racheté auprès de Nessergy, autre société de Dan Gertler, les droits pétroliers qu’il avait concédés à cette société en 2006 pour un prix de 380 fois moins. Si Gertler reconnaît les faits, il en nie l’illégalité. En 2016, la fortune personnelle de Getler est évaluée à US$ 1,26 milliard, selon le classement de Forbes. Grâce au Katanga, Getler devient le 1476ème milliardaire du monde et le 14ème d’Israël. Forrest et Getler qui se vouent une cordiale inimitié - le premier accuse le second de ne respecter dans les affaires aucune règle internationale d’éthique - sont au rendez-vous électoral. Ils ont mis la main à la poche. Est-ce pour les en remercier que le régime leur offre les premiers PPP issus du dépeçage du patrimoine de la Gécamines? La mine souterraine de Kamoto et son usine de production reviennent à Forrest qui a créé la KFL, Kinross Forrest Limited. La gigantesque et très riche mine à ciel ouvert de KOV (Kamoto Oliveira Virgule) va à Nikanor, l’entreprise de Gertler. «Tant George Forrest que Dan Gertler ont obtenu les concessions sans pour autant devoir quoi que ce soit à l’État congolais. Certes, aux termes du contrat, un loyer devait être payé pour les installations et des dividendes versés sur les 25 % de la Gécamines. Or, nous avions prédit que la réalisation effective ferait long feu et nous avions raison: aucun loyer n’a été payé et aucun dividende n’a été versé», explique un proche du dossier. Ni Forrest ni Getler n’a ni connaissance suffisante, ni capacité financière pour exploiter les immenses richesses du sous-sol congolais. «Tout ici est tellement gigantesque que les montants nécessaires doivent se calculer non pas en dizaines de millions de dollars, mais bien en milliards de dollars», confie un proche un autre. Les deux expatriés se mettent à la recherche des financements. Objectif: reprendre la production au plus vite. NOUVEAU SHERIFF EST LA. En 2006, le Groupe Forrest crée la KCC, Kamoto Copper Company sans que l’entreprise familiale ne parvienne à mobiliser les capitaux. Kinross Forrest Limited change de nom pour prendre KML, Katanga Mining Limited au capital duquel la KCC garde 75 %, la Gécamines disposant des 25 % restants. En décembre 2007, la KML produit sa première cathode. Un mois auparavant, Grencore a mis sur la table US$ 150 millions. Mais, la perspective de révision des contrats par Gécamines ne garantit plus le maintien des conditions initiales. Conséquence: les difficultés financières s’accumulent. L’action Katanga Mining plonge. De US$ 50,00, elle passe à moins de US$ 1,00. Quand Getler coule des jours heureux avec la Gécamines qui conclue de nouveaux contrats avec les sociétés de l’homme d’affaires de Bnei Brak. La crise financière internationale sévit de plus belle mais la mine de Forrest réclame de fonds astronomiques. «Nous nous sommes efforcés de persuader les investisseurs d’acheter des actions en échange de capital, mais cela n’a pas marché», s’explique Pierre Chevalier, homme politique libéral belge devenu Vice-Président du Groupe Forrest International. Côté relations avec le pouvoir, rien de très enthousiasmant «l’ex-Roi du Katanga» et l’homme fort du régime, l’ambassadeur Augustin Katumba Mwanke tué plus tard dans un crash aérien. Au sommet de l’Etat, clairement, Forrest n’est plus en odeur de sainteté. Aucun projet qu’il porte n’est autorisé à fonctionner. Le projet de la compagnie Korongo Airlines (avec le belge SN Brussels Airlines et l’allemande Lufthansa) ne décolle pas dans un pays qui en a bien besoin. Outre cela, l’ex-«Roi du Katanga» est mis sous pression pour qu’il cède à un proche du régime ses parts majoritaires au capital de la deuxième banque du pays, BCDC. Forrest décide de plier bagage et de quitter le pays. En attendant, il dépose plainte à la Cour internationale d’arbitrage à Paris qui lui reconnaît ses droits. «Dans ce pays, si vous ne jouez pas le jeu comme les autres, vous allez au-devant de difficultés», se morfond Chevalier qui voit en Getler «le new sheriff in town», regrettant le vieux beau temps où les Forrest régnaient en maîtres dans le pays. En janvier 2009, Glencore qui a le cash flow à en revendre, injecte quelque US$ 100 millions quand la Katanga Mining Ltd qui veut apurer sa position financière et poursuivre son plan de développement, en redemande. Au moins US$ 250 millions encore... PAS NE DE LA DERNIERE PLUIE. Arrivée près de son but, maîtrisant le jeu à la perfection, la multinationale injecte cette somme mais convertit ses prêts en nouveau capital, diluant les parts de la famille belgo-néo-zélandaise qui chute de 40 à 1 %. Mis hors jeu, Forrest quitte la scène cédant les dernières miettes de sa part à des souscripteurs résiduels séduits par des cours en bourse mais qui bientôt n’auront que leurs yeux pour pleurer. «J’étais millionnaire. Voire multi-millionnaire. Je ne suis plus. Il y a quinze ans, j’ai mis entre US$ 1 et US$ 2 millions et mes actions valaient US$ 7 millions. Maintenant, elles valent US$ 300.000», confie, visage défait, l’un de ces «petits» souscripteurs. Une politique de jungle consistant à l’injection de fonds massifs résultant de l’envolée des cours avec pour conséquence l’appréciation des actions - le secteur minier est à forte intensité technologique et capitalistique - ajoutée à l’émiettement des actionnaires, en l’absence d’une certaine morale des affaires, a pour effet l’éviction des petits souscripteurs. Entre-temps, la multinationale est passée à la vitesse supérieure. Elle administre un coup de massue au secteur minier en imposant la fusion entre KML et Nikanor donnant naissance à un groupe de niveau mondial. «Ce pays est considéré comme un terrain de jeu par les multinationales», confie un diplomate. «Un nouveau Sheriff» est désormais en place. C’est de lui que viennent les problèmes. L’entrée sur le marché des minerais katangais a boosté le chiffre d’affaires de Glencore via sa filiale Katanga Mining Ltd même si son encombrant partenaire de plus de dix ans, l’homme d’affaires israélien cité dans moult scandales dont dans Panama Papers et plusieurs de ses sociétés sous sanctions américaines, lui donne des maux de tête. Début 2017, Glencore a racheté ses parts dans un accord à valeur de US$ milliard sans cesser aucune entente. N’en déplaise au Trésor américain, Getler qui n’est pas né de la dernière pluie, continuera de toucher des redevances dans au moins deux mines de Glencore au Katanga. US$ 150 millions par an à partir de 2019-20. Ces paiements se poursuivront pendant toute la durée de vie de ces mines. Ce n’est pas Glencore ou la katangaise Mining Limited qui en diront le contraire au risque de se voir réclamer des milliards par des tribunaux à Hong Kong. T. MATOTU.