- mar, 15/11/2016 - 03:28
Moqué comme jamais par toute une plénière unanime le jour de sa venue le 2 novembre, le projet de loi portant reddition des comptes de la loi de Finances pour l’exercice 2015 retoqué tout logiquement a été rappelé huit jours plus tard le 10 novembre par la même plénière après qu’un Député Henri-Thomas Lokondo eût fait une motion contraire à une précédente faisant faire une courbe rentrante à l’Assemblée nationale et, du coup, sauvant l’image d’une Chambre dont la majorité détient la majorité!
Ce mercredi 2 novembre, la délégation gouvernementale composée du ministre des Finances Henri Yav Mulang, son collègue en charge des Relations avec le Parlement Tryphon Kin-kiey Mulumba et le vice-ministre aux Finances Albert Mpeti, était en effet bouche bée.
SAVOIR ET COMPRENDRE.
Comment une Chambre parlementaire au sein de laquelle la majorité détient une majorité confortable avait pu se comporter de la sorte?
C’était sans précédent. Particulièrement touché, avant de quitter l’hémicycle, le ministre en charge des Relations avec le Parlement sollicite - «sur le banc» - à être reçu avec ses collègues membres du Gouvernement par le président de l’Assemblée Nationale Aubin Minaku Ndjalandjoku. Tryphon Kin-kiey Mulumba voulait savoir et comprendre le mystère de ce rejet. La majorité détient-elle (toujours) la majorité? En clair, le Gouvernement issu de l’Assemblée nationale avait-il toujours le contrôle de l’Assemblée nationale et pouvait-il (toujours) compter sur sa Chambre? Par bonheur, la rencontre avec le président de l’Assemblée nationale a lieu immédiatement après. Tryphon Kin-kiey Mulumba n’avait pas voulu quitter le siège de l’Assemblée nationale sans cette rencontre! Passerelle entre l’Exécutif et le Législatif, c’est son travail de savoir. Car en effet, l’acte posé par l’Assemblée Nationale avait des suites. Et d’importantes suites. Le rejet - la surséance, qu’importe! - du projet de loi de reddition des comptes 2015 conduisait ipso facto au refus de la Chambre basse de recevoir le projet de loi de Finances de 2017. Or, précisément, selon le calendrier annoncé, le Premier ministre Augustin Matata Ponyo Mapon était attendu deux jours plus tard pour présenter et défendre le projet de budget 2017. Le président de l’Assemblée nationale avait à peine pris la parole pour proposer à l’adoption le projet de l’ordre du jour envoyé la veille par texto aux élus que des demandes de parole fusaient de tous les bancs.
Nul doute, l’hémicycle n’était pas d’humeur à accueillir l’équipe gouvernementale ou, mieux. Une motion présentée par un Député de l’opposition invitant les élus à refuser d’examiner le projet de loi, applaudie sur tous les bancs, n’était pas donnée aux voix qu’une autre «version améliorée» - entendez plus caustique encore - présentée cette fois par un Député de la Majorité, faisait triomphe sur tous les bancs. Le projet gouvernemental était retoqué...
Pour quelles raisons donc? L’Accord issu du Dialogue Politique National Inclusif qui a annoncé la mise en place d’un gouvernement d’Union Nationale, à en croire les Députés. «Il sera procédé, dans les 21 jours de la signature du présent Accord, à la formation d’un nouveau Gouvernement d’Union nationale. Sans préjudice des dispositions constitutionnelles et législatives nationales en vigueur, le Premier Ministre est issu de l’opposition politique signataire du présent Accord», écrit l’accord de la Cité de l’Union Africaine. Or, les Députés électriques se sont déjà lancés dans le décompte des jours. Du coup, ils estiment que le gouvernement en place n’a plus qu’à peine une semaine - sinon moins - à vivre... Du coup, il ne saurait prendre des actes de disposition, c’est-à-dire, engager le gouvernement à venir... Mieux: à quoi bon avoir affaire avec eux, autant les attendre s’ils sont reconduits... dans la nouvelle équipe annoncée! Si un Député téméraire tente de faire fléchir la position de ses collègues, il ne reçoit que des huées de tous les strapontins!
L’ARGENT CRAINT LE BRUIT.
L’équipe gouvernementale quittait la salle accueillie à la sortie par une presse déchaînée.Henri Yav Mulang sait que l’argent craint le bruit. Quand il a pris la parole devant le pupitre face à la pléinière, il n’a jamais voulu en rajouter devant les médias. Encore que ce mercredi 2 novembre sent à mille lieues l’odeur du soufre! L’argentier national évitera soigneusement la presse envahissante.
L’annonce d’une équipe gouvernementale anéantit-elle de facto l’équipe gouvernementale en place? Ce n’est pas l’avis du constituant. Un gouvernement n’expédie les affaires courantes et, dès lors, ne saurait prendre des «actes» que si et seulement si il est en régime d’expédition des affaires courantes. Pour qu’il bascule dans ce régime, il faut que le Chef du Gouvernement ait remis sa lettre de démission au Président de la République et que le Chef de l’Etat en ait pris acte, lui demandant du coup, de rester en place en expédiant les affaires courantes.
Or, mercredi 2 novembre, le Gouvernement Matata était et restait un Gouvernement de plein exercice. Pourquoi l’Assemblée Nationale l’empêche-t-elle de poser des actes de gestion normale? Il n’y a aucun doute, ce 2 novembre, les élus n’ont pas fait montre de mauvaise humeur. Ils ont exprimé leur refus de voir l’équipe gouvernementale en place continuer de conduire les affaires de la Nation. Et, de ce fait, a créé un incident. La veille déjà, deux projets de loi présentés, le premier par le ministre de la Fonction publique, le second par celui de l’Enseignement primaire et Secondaire, ont été rejetés. Sans doute pour d’autres raisons. Mais ce triple rejet adresse un message politique sans équivoque à l’Exécutif.
Vendredi 10 novembre, changement de décor. L’argentier national est de retour devant la plénière, avec l’une de ces répliques - comme les aiment les élus. Candide, comme le reconnaît le président de l’Assemblée Nationale, sa bienveillance plaît. Il avait espéré disposer des 48 heures comme à l’accoutumée, le ministre s’est contenté des 24 heures et a mis les bouchées doubles. A l’arrivée, c’est à des applaudissements nourris des élus qu’il a droit ce Yav Mulang «Monsieur Candide».
T. MATOTU.