- mar, 26/09/2017 - 08:29
Un courrier daté du 21 septembre 2017 reçu en nos bureaux le lendemain 22 septembre émanant de Me Romain Battajon, avocat au Barreau de Kinshasa/Matete adressé au Soft International, transmet «le texte du droit de réponse» que son client «Michel Losembe, ancien DG de la BIAC», a signé.
Le texte fait suite à l’article portant sur l’arrestation le 13 septembre, l’incarcération et l’assignation à résidence de l’ancien propriétaire de la BIAC, Elwyn Blattner poursuivi par la justice congolaise pour escroquerie. Rien de moins! Ce n’est pas, comme c’est de coutume, l’avocat qui signe ce texte pour son client mais Michel Losembe lui-même, Me Romain Battajon n’ayant offert que le service de port à l’adresse.
Depuis le déclenchement de cette affaire en mars 2016, mieux, «depuis que les médias congolais ont commencé à diffuser des mensonges et calomnies» à son encontre, c’est la première fois que l’ancien Directeur Général de la BIAC s’adresse à un média pour «réagir face à autant d’allégations attentatoires» (à son) honneur et (sa) réputation». Cette «réserve» dont Michel Losembe a fait preuve, «n’a eu pour raison que le respect de la procédure en cours, aucunement la «cavale» ou la culpabilité», écrit-il. Le Soft International publie ce texte sans plus de commentaires faisant droit en la matière en attendant de nouveaux rebondissements dans un dossier qui implique au moins 400.000 épargnants lésés, l’état congolais autant que l’image du service public bancaire. Le lecteur lira à la fin de ce «droit de réponse» l’article in extenso du Soft International auquel ce texte se rapporte.
Droit de réponse.
Je viens de lire l’article intitulé «Elwyn Blattner fin de cavale» que vous avez publié le 18 septembre 2017, et je ne peux rester sans réagir face à autant d’allégations attentatoires à mon honneur et ma réputation, de contre-vérités à mon égard dans cet article, sans parler de termes injurieux, ce dont par ailleurs je me réserve le droit de saisir les juridictions compétentes.
Je n’ai participé à aucune malversation au sein de la BIAC durant mon mandat, y compris celles dont votre article m’accuse à tort (je cite de votre article: faire de la BIAC «une vache laitière», d’être un «homme clé», faire partie d’une «collusion maffieuse»...). Comme je l’expose ci-dessous, la crise de la BIAC est antérieure à mon arrivée dans cette banque en 2013 et les équipes de direction et de gestion de la banque n’ont pas pu mener à bien le plan de redressement de la BIAC entre 2013 et 2016 car elles n’avaient pas le soutien financier nécessaire des actionnaires de la BIAC, de l’état congolais et de la BCC. C’est donc essentiellement le manque de ressources financières de la banque, dont les origines se trouvent avant ma prise de fonction à la BIAC, qui est la source de la crise continue de cette banque.
Ma venue à la BIAC était essentiellement motivée par la nécessité de redresser une banque en difficulté. En concertation avec la Banque Centrale du Congo et les actionnaires de la BIAC, j’ai rejoint la BIAC en 2013 avec pour objectif d’identifier les faiblesses déjà existantes de la banque, de mettre en place un plan de redressement et de démarrer son exécution en vue du rétablissement des fondamentaux de la banque. Cette mission était contractuellement arrêtée pour 3 années, qui ont pris fin en avril 2016, ce qui dément l’information selon laquelle j’aurais été «limogé».
La complexité et la délicatesse d’une telle mission nécessitaient des ressources techniques, financières et humaines, en ce compris la venue de spécialistes de tous les métiers bancaires qui manquaient à la BIAC. Chacun de ces cadres dont vous affirmez que le salaire était arbitrairement fixé par un seul individu, étaient recrutés après une procédure de sélection stricte au niveau du Conseil d’Administration de la banque, puis agréé par la BCC comme membre du Comité de Direction de la BIAC. De plus, le montant de salaire évoqué dans votre article de «120.000 dollars» ne correspondait pas du tout à ma propre rémunération mensuelle mais à celle de l’ensemble des membres du Comité de Direction.
Dans le cadre du nettoyage du bilan de la banque, l’équipe a mis à jour une série de fraudes, parfois anciennes, dont celle de M. «Melotte» à laquelle votre article fait référence. Contrairement à ce que vous écrivez, la BIAC a poursuivi cet ancien cadre, sur mon instruction, et, au moment où j’en cédais la direction, début 2016, ce dernier faisait encore l’objet d’une requête en extradition auprès de la France, où il avait été interpellé. Je n’ai donc fait preuve d’aucune complaisance envers cette personne, et ne saurai vous laisser m’outrager en parlant de «collusion maffieuse».
Une restructuration coûte cher et la ressource financière qui est essentielle a manqué à la réussite de la restructuration de la BIAC pour trois raisons. Premièrement, le capital que devaient injecter les actionnaires de la BIAC ne l’a pas été durant cette période.
Deuxièmement, les actionnaires de la BIAC ont manqué au remboursement des créances des entreprises de leur groupe comme emprunteurs de la banque.
Troisièmement, l’état Congolais (au sens large), qui était l’un des principaux débiteurs devait également des sommes importantes à la BIAC et a, comme les actionnaires, refusé de rembourser sa dette échue, ce qui a été la cause essentielle de la crise de liquidité que la BIAC connaît encore - et non la «faillite».
Le Gouverneur de la BCC vient d’ailleurs de réaffirmer cette vérité lorsqu’il a fait état du rôle de l’état dans cette situation lors d’une conférence fin août. Face aux défaillances de ses principaux débiteurs, la BIAC a dû se refinancer auprès de la BCC - dont c’est le rôle en tant que prêteur en dernier ressort - pour mener à bien sa restructuration et sauver la banque.
La décision de se tourner vers la BCC a été prise pour éviter de suspendre le redressement de la banque et pour sauvegarder l’épargne de ses clients.
La BIAC se refinançait donc auprès de la BCC jusqu’à ce que, début 2016, ait été prise, sur la pression politique du Chef du Gouvernement, une décision non concertée et brutale de cessation de ce refinancement. C’est la cessation du refinancement de la BIAC par la BCC qui a achevé de ruiner les efforts de redressement entrepris auparavant, causé la panique des épargnants et la ruée sur les dépôts qui s’en est suivie.
à ce jour, la Banque Centrale du Congo a choisi de se référer à la Justice pour faire la lumière sur les circonstances de la crise de la banque, et jusque là nous restons dans l’attente du résultat des investigations.
La réserve dont je fais preuve depuis 2016, quand les médias congolais ont commencé à diffuser des mensonges et calomnies à mon encontre, n’a eu pour raison que le respect de la procédure en cours, aucunement la «cavale» ou la culpabilité. J’invite votre journal à faire de même plutôt que de désinformer ses lecteurs et de salir mon nom et, par ricochet, celui des membres de ma famille, et ce, au mépris flagrant de la déontologie des journalistes.
Désormais, je ne resterai plus sans réagir, y compris par voie judiciaire, si qui que ce soit se permettait à nouveau de nuire à ma réputation.
Michel LOSEMBE
le 21 septembre 2017.
L’article du Soft International.
Il a été pris. Finalement...
Ouf! Tombé dans le filet de la justice. Nos pauvres 400.000 petits épargnants congolais peuvent se mettre à rêver...
D’origine juive, l’Américain Elwyn Blattner qui a bâti, parti de rien, à Kinshasa, un groupe qui a réalisé des années durant plus de €250 millions de revenus, dont la troisième banque commerciale du pays BIAC fut une affaire de famille, avait été pris la veille mercredi 13 septembre «quelque part dans la ville». Libéré le lendemain jeudi 14 septembre après une nuit passée au CPRK-Makala (Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa).
Enfin...
Pas avant d’avoir versé au titre de caution, rubis sur l’ongle - il n‘en manque pas - contre note de perception du Trésor public n°H06564417 du 14 septembre, auprès du Greffier comptable de la Cour Suprême de Justice, CDF 10 millions (l’équivalent de US$ 8.000 au taux Tshibala, hélas!). Inculpé, Elwyn Blattner a été laissé en liberté... provisoire. Tant que durera ce régime carcéral spécial, ordre strict lui a été signifié et remis séance tenante en mains propres, devant ses avocats, aux termes de l’ordonnance de mise en liberté provisoire, de ne pas entraver l’instruction, de ne causer aucun scandale, de se présenter chaque mardi et chaque vendredi à 11 heures, devant l’officier du Ministère public, le magistrat instructeur. Inculpé Elwyn Blattner? Du chef d’escroquerie (art 98, CPLII). Nous sommes au pénal. Ordonnance de mise en liberté provisoire signée par l’officier du Ministère Public, Joseph Nsabua Kapuku, avocat général de la République, visée par le Procureur Général de la République lui-même Flory Kabange Numbi.
Enfin une affaire qui, avec cette fin de cabale rocambolesque, tend sinon vers l’épilogue du moins vers plus de lumière...
Magistrat instructeur, Joseph Nsabua Kapuku, va tenter de démêler l’écheveau de cette vaste escroquerie qui a vu la troisième banque commerciale du pays - la Banque Internationale pour l’Afrique au Congo - devenir la banque folle après avoir été littéralement siphonnée. Un matin d’avril 2016, la BIAC s’est retrouvée sans cadre de direction. Le président du Conseil d’administration, patron tout puissant avant l’arrivée du Congolais Michel Losembe limogé peu avant, le Français Charles Sanlaville avait quitté la banque et quitté le pays. Le Belge Keuren Falesse, directeur commercial, l’homme qui aimait à se présenter comme le troisième fils Blattner, avait le visage hagard quand les bâtiments de la banque à travers le pays furent ceinturés par des petits épargnants ne pouvant retirer un seul dollar de leurs comptes, avait quitté la banque et le pays. Actionnaire majoritaire - en fait le propriétaire Elwyn Blattner - volait déjà entre les états-Unis et Israël sans faire signe de vie à la BIAC.
Au Congo, la famille avait liquidé avoirs et biens. Le vaisseau amiral, la firme Cobra (pneus), route des Poids Lourds, vendu. La compagnie aérienne CAA, avec une petite belle flotte du pays, était sur le point de changer de mains... La somptueuse villa familiale, avenue du Haut Commandement, quartier huppé de la Gombe, vendue. L’homme bling-bling, le Congolais Michel Losembe dit Mike - le plus fort salaire du pays avec US$ 120.000/mois - , avait quitté, sur la pointe des pieds, le pays. Parti aux états-Unis. Comme l’ancien directeur des opérations, Robert Melotte, qui détient une action des 500.000 parts à la BIAC, ne valant pas un penny, avait planqué US$ 7 millions! Un Français dont la fuite avait été médiatisée par Mike Losembe lui-même assurant que la bête était encore assez forte pour ne pas succomber après cette tentative de mise à mort...
Aucune action judiciaire n’avait été intentée contre cet homme. Aucune commission rogatoire. Au contraire, du temps de Losembe, Melotte avait conservé tous ses contacts à Kinshasa et à la BIAC. «Avec M. Losembe, tout comme avec M. Blattner, ils se parlaient régulièrement. Ils se rencontraient à chacun des passages de l’un d’eux en Europe», témoigne un cadre de la BIAC. La collusion mafieuse!
L’ouragan.
à sa nomination, trois ans auparavant, le Congolais, ancien Citi, avait reçu mission de «restructurer» la BIAC. En fait, d’en faire une vache laitière en la transvasant... Dès le lendemain de sa venue, il prend, au vu et au su des Blattner, l’option d’engager à prix d’or du personnel nouveau. S’il passe de US$ 10.000 à US$ 120.000 de salaire/mois sans compter les rétro-commissions en passant de la Citi à la BIAC, il écarte à tous les postes clés, engage ses hommes à lui, qui lui doivent tout - des avocats - et distribue des salaires mensuels de US$ 30.000 à US$ 40.000 en réclamant une part en retour, accuse-t-on. «Des tels niveaux de rétribution face à des produits inférieurs, font grimper les charges de plusieurs étages. C’est jouer avec l’épargne publique», se scandalise-t-on.
Parmi les nouveaux engagés, quatre directeurs viennent d’Afrique de l’Ouest dont trois ont quitté le pays avant l’ouragan... Blattner.
Nommée Directeure générale a.i, l’ancienne Directeure Kinshasa (un marché de 73% de la BIAC) et Directeure Secteur public, Anne Mbuguje Marengo Giala Mobutu passe du temps à négocier à la BCC (Banque Centrale du Congo) qu’à travailler à son bureau du boulevard du 30 juin. Ne sachant jamais payer leurs dûs à plus de 1.000 agents. Si le premier ministre Augustin Matata Ponyo Mapon affirme, devant la plénière de l’Assemblée nationale, en direct sur la chaîne publique nationale Rtnc, que la BIAC «n’est pas totalement en faillite», c’est pour dire que la BIAC est en faillite.
L’affaire BIAC renvoie à une autre affaire des années Mobutu. Celle de la BK qui fit couler beaucoup d’encre et coula son initiateur, un talentueux self made man zaïrois Augustin Dokolo Sanu, qui créa en 1969 la BK (Banque de Kinshasa). Devant des membres du Gouvernement, le vice-président du patronat congolais Kiwakana a pu avoir ces mots: «Une BIAC peut en cacher une autre», avant de poursuivre, s’adressant directement au gouverneur de la Banque Centrale, Déogratias Mutombo Mwana Nyembo: «On ne peut être banquier et, en même temps, importateur, distributeur, grossiste». Le rapport d’audit de la Banque Centrale du Congo sur la BIAC est mortel.
Daté de février 2016, rédigé par une équipe de mission composée de Bhedy Lubanda Kabambi, Donat Kayeye Katumba, Bénjamin Tshinene Kabengele, Michel Bafiba Kukabu, Constant Mwepu Lulu, aucun doute n’est possible dans ces pages. Avec la complicité du Congolais Mike Losembe payé pour et toujours en cavale et, sans aucun doute, l’homme clé, la BIAC et les Blattner avaient pris l’option de reproduire le modèle Dokolo-BK en conduisant à la faillite la troisième banque commerciale du pays.
Alunga Mbuwa.
Le Soft International n°1409 daté lundi 18 septembre 2017.