- ven, 25/08/2006 - 14:34
MISE EN LIGNE LE 25 AOÛT 2006 | LE SOFT INTERNATIONAL ÉDITION PAPIER DATÉE 25 AOÛT. VERSION REVUE ET CORRIGÉE.
Au lendemain de la proclamation des résultats du 1er tour de la Présidentielle de R-dC qui ont confirmé JPBG comme challenger du deuxième tour, «le Soft International» cerne au plus près l’homme qui a fait une impressionnante campagne électorale de séduction basée sur le «nationalisme congolité».
L’article qui suit est une photographie authentique du sujet. Il a été rédigé à partir d’événements imparables vécus par l’auteur en témoin oculaire, de déclarations dûment sourcées, en premier, celles du Vice-président en charge de l’ÉCOFIN Jean-Pierre Bemba Gombo, l’un des deux protagonistes au deuxième tour de la Présidentielle r-dcongolaise, faites directement à l’auteur, à la demande de M. Jean-Pierre Bemba Gombo lui-même, en son cabinet officiel.
Sur le sujet, l’auteur aurait pu écrire sur nombre d’aspects hideux qui permettraient une meilleure compréhension des débats et des enjeux. Il le fait dans un livre à paraître et dont le texte ci-après n’est qu’un extrait.
Par ces temps de débat électoral vif, moment de communication citoyenne par excellence, la presse est mise à raison face à ses responsabilités historiques. Nombre de médias et de professionnels de notre pays s’égarent trop souvent. Les journalistes deviennent de petits soldats défendant des causes inconnues. Plus d’une fois, nous l’avons écrit.
Si le libéralisme dont le débat électoral en cours doit être la préfiguration est antinomique à l’érection des digues de l’expression et que tout doit être dit au Citoyen responsable qui seul en fera son propre jugement, la presse doit veiller à l’éthique - la sienne propre - et au professionnalisme, la première règle étant la précision de ce qui est rapporté et la source de ce qui est donné.
C’est sans doute cela le problème de la presse, sa qualité et sa qualification. Les mauvais journalistes n’ont rien à faire dans ce métier... Ils doivent être écartés.
Entre complaisance et devoir d’informer, entre propagande et impitoyable obligation d’éclairage des actes citoyens à poser, il y a une voie, celle du devoir de vérité.
Quand la presse devient catalogue de nouvelles conformistes ou de fades communiqués de presse, quand elle n’apporte aucune information originale, quand elle ne sait faire aucune analyse tangible pour orienter la réflexion des Citoyens, quand elle maquille la vérité en invoquant la sauvegarde de l’essentiel, elle devient stalinienne et cesse d’être au sein de la société. «Le Soft International» n’a pas cela pour vocation.
La «collaboration» qui ces derniers temps est demandée à la presse autant par la HAM que par la MONUC ou le CIAT est trop suspecte pour être comprise.
Qui est ce challenger?
Jusqu’à la caricature, il a tout pris du vieux Léopard sauf l’humanité. Sa férocité n’a d’égale que sa fureur de domination.
Il adore autant qu’il déteste Mobutu. Comme lui, il affectionne le pouvoir et la domination autant que le métier des armes qu’il pratique depuis 1991.
Le Président avait un fort besoin de compagnie en même temps que d’un homme qui puisse faire le pont entre lui et le reste du monde afin de le sortir de l’ostracisme.
Il lui arrivait d’atterrir sur un aéroport d’Europe aux commandes d’un avion en tenue de commandant avant de dévaliser les supermarchés de produits d’Ardennes.
À Port-Louis, en marge d’un Sommet, le fils Mobutu et le fils Bemba faillirent en venir aux mains en public dans une ténébreuse affaire liée au financement de sa firme Comcell.
Là où il repose, le vieux Léopard doit se mordre les doigts: cet enfant Bemba qui faillit être le sien, a tout pris de lui et a tout bâti sur lui. En le reniant publiquement.
Pour JPBG qui ne sait ce que état d’âme veut dire, la page est à jamais tournée pour les Mobutu qui doivent venir moudre à son moulin. Sauf à accepter de disparaître.
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Dans les derniers jours de sa vie au pouvoir, Mobutu ne le quitta pas d’une petite semelle. Comme deux tourtereaux, on les voyait à Kawele, le nouveau palais présidentiel de marbre érigé à Gbado-lité par son ami Pierre Atepa Goudiaby, très officiel architecte sénégalais, comme dans de petits coins du monde, éloignés de tous, en confidents absolus.
On peut désormais dire pourquoi.
L'ARTICLE.
Il avait une adoration infantile de l’Europe et de tout ce qui est blanc. Le Léopard aimait à voyager et à découvrir le monde.
Quand l’Occident le frappa d’ostracisme, dégoûté d’un pouvoir décadent, il vécut cela comme une déshérence. Pour survivre, il recourut à des succédanés. Dont le fils Bemba constitua la pièce maîtresse.
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À la veille du Congrès international de l’Uijplf qui se tenait à Kinshasa, il voulut savoir, alors que l’Afdl et Laurent-Désiré Kabila déferlaient dans l’Est du pays, si les préparatifs allaient bon train et si le pays serait en mesure de relever le défi: celui de la tenue dans la Capitale d’un Congrès international de la presse de langue française - le premier du genre - qui réunirait une centaine de journalistes, Belges et Français compris, alors que le territoire national était ravagé par une rébellion soutenue par la Communauté internationale.
Entre deux voyages, le Président me reçut, introduit par son fils Nzanga, dans son complexe immobilier de Roquebrune-Cap-Martin, sur la Côte d’Azur, entre Monaco, le Cap-Martin et Menton, acquis à prix d’or auprès de son ami, le milliardaire saoudien Adnan Kashoggi.
Devant l’écran télé installé en son bureau, une petite pièce au rez-de-chaussée attenante au vaste salon, alors que la télévision française montre des fonds sous-marins, Mobutu se prend à rêver. Avant de s’émerveiller: «Et on nous raconte que le monde pourra un jour mourir de faim!»
Le Léopard était déjà atteint de la maladie qui l’emportera quelques mois plus tard et revenait d’une de ces visites médicales secrètes à Lausanne, en Suisse.
IL S’Y PERDAIT INCOGNITO.
La télévision montrait ces multiples poissons qui traversaient l’écran de part en part. Mobutu interminablement les fixait des yeux. Comme un bébé, incapable de s’en détacher...
Roquebrune-Cap-Martin, département des Alpes-Maritimes, région Provence-Alpes-Côte d’Azur qui ouvre son site Internet avec une phrase de Louis Nucera: «Le Monde, dit-on, est une pensée de Dieu. Quand il pensa Roquebrune-Cap-Martin, le Tout-Puissant devait être bien luné. Conscients de ce privilège, les habitants, semble-t-il, se sont évertués à ne pas briser l’harmonie des commencements».
Avant que l’éloge de la commune française ne poursuive: «Il existe une élégance et un raffinement que l’on ne retrouve que dans l’harmonie des couleurs et des lignes. Roquebrune-Cap-Martin vous en offre le plus parfait exemple».
Puis: «Ici, se conjuguent avec originalité tons lumineux et colorés, sculpture des formes, architectures audacieuses. Le soleil verse des gouttes d’or sur la richesse de la végétation, face à la mer sur fond de palmiers».
Puis: «Roquebrune-Cap-Martin a toujours aimé et attiré les têtes couronnées et les artistes, ambassadeurs d’un style de vie qui marie détente et délicatesse».
Puis: «À Roquebrune-Cap-Martin, le mythe ne meurt pas, la légende est toujours vivante».
Attiré par ce romantique bourg médiéval que la mer et des falaises enveloppent, Mobutu n’avait pas acquis une maison. Sur cette cime de colline, ce sont plusieurs maisons, de vrais chefs-d’oeuvre architecturaux bâtis face à la Méditerranée qu’il a acquis et légués par testament à l’un de ses petits-fils, qu’il chérissait le plus, et dont il chérissait autant le père, le fils Niwa.
Sur cette riviera française, à un jet de pierre du pays du casino Monaco et de l’Italie, le Président aimait à jouer au milliardaire en dollars. Le méchant film «Mobutu Roi du Zaïre» du réalisateur belge Thierry Michel le montre avec des membres de la jet set, de la haute finance et des hommes politiques européens de premier ordre, en tête, l’ancien Premier ministre français Raymond Barre venus à l’anniversaire de son épouse, Mama Bobi Ladawa.
Au sommet de sa puissance, l’homme se prenait pour Louis XIV. Il offrait de somptueux repas comme le monarque français à ses innombrables convives.
Il avait rêvé s’y éteindre. Interdit de séjour en Europe, surpris que la France ne lui ouvre souverainement pas ses portes, il ne put avoir le droit d’y venir quand l’Afdl le poussa à fuir la Capitale et le pays. Il erra au Togo, puis termina sa course à Rabat, au Maroc. Où son corps repose.
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À la nuit tombée, le vieux Léopard avalait les petites ruelles escarpées de Roquebrune-Cap-Martin et de ses environs, faisait la battue des restos dont en fin gourmet il connaissait par coeur les tables et les caves.
Incognito, le Président s’y perdait en de nombreux endroits avec Jean-Pierre, le fils du millionnaire Jeannot Bemba Saolona, le patron des patrons zaïrois, à la tête d’une société holding qu’il monta, dit-on, avec des fonds de Mobutu.
À deux, ils s’y terraient longtemps sans que personne ne sache les dénicher.
La famille du Président prenait ombrage de cette compagnie qui occupait tant le mari, le papa et l’oncle. Elle ne cachait plus sa mauvaise humeur et fit souvent fermement éconduire l’intrus comme lors de cette soirée familiale très fermée dans le night club de la maison de Mama Kosia, la soeur jumelle de Mama Bobi, l’une des épouses Mobutu.
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Que pouvait Jean-Pierre? Directeur général de la société holding de son père Scibe Zaïre (Société commerciale et industrielle Bemba), il aurait voulu rester à Kinshasa, à son poste de commandement où il avait coutume de passer des journées entières, se nourrissant d’un simple pot de yaourt, au premier étage, le long du fleuve, sur la route des poids lourds ou, au centre-ville, dans l’ex-immeuble Comcell qui abrite aujourd’hui son empire des medias où le Berlusconi des bords du fleuve Congo a aménagé au premier étage un niveau pour son seul bureau, ou au volant de son tout terrain Land Rover Discovery en connectivité, qui lui permettait, grâce à ses multiples portables et à ses talkies-walkies, de donner des ordres aux employés de ses différentes sociétés.
ROI LÉOPARD DÉGOÛTÉ.
Aucun avion de l’impressionnante flotte de Scibe Airlift, la compagnie aérienne familiale construite avec des avions indûment pris à la compagnie nationale Air Zaïre, ne décollait sans qu’il n’assiste à son départ.
Ses journées commençaient tôt le matin et se terminaient tard le soir.
Organisé, il aurait pu réussir honnêtement dans les affaires.
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«As-tu le choix quand c’est le Chef de l’État qui t’appelle et qui te dit, de sa voix de baryton et comme un ordre: «Jean-Pierre, demain on décolle!»», me dit dans son bureau de Vice-président de la R-dC, le «Chairman» du MLC.
Jean-Pierre Bemba Gombo venait de décider de s’ouvrir à moi, des heures durant, à son cabinet de travail qui fut le bureau du Premier ministre Patrice Lumumba, comme jadis quand il me retenait dans ses bureaux des Poids lourds ou de l’ex-Comcell, ou dans sa villa de Rhode-saint-genèse, convaincu de l’amitié que me porte son beau-frère, François Joseph Nzanga Mobutu Ngbawale, le fils aîné en vie du défunt chef de l’État, et avec qui il est en conflit dont il dit ne pas connaître très bien les tenants et les aboutissants.
Sans rien me dévoiler de son plan, je soupçonne qu’il pense que je peux faire le relais ou tenter de passer une autre version de ce conflit qui les déchire...
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Les enfants, Mobutu en a eus de plusieurs lits. Au point d’en constituer, s’il le voulut, des équipes de foot. Nul n’est pourtant en mesure d’en donner le nombre. Longtemps durant, plusieurs mois après sa disparition, l’Internet grouillait de revendications liées à la filiation. Des personnes traitées de plaisantins juraient couler dans leur sang l’ADN du feu Maréchal. L’héritage a été difficile à gérer.
«Assis devant lui, autour d’une petite table, dans un petit resto d’une rue obscure de Menton, pendant des heures, je l’écoutais longtemps se plaindre de tout: de sa famille, de ses enfants, de son beau-frère (ndlr l’atypique Fangbi Popolipo) et je n’avais le moindre commentaire... Je percevais toute la douleur qui perçait cet homme...», me confie le Vice-Président, voici plusieurs mois.
Le roi Léopard n’avait jamais été vraiment fier de ses proches.
À un moment, il n’avait que du dégoût pour tous: sa famille, son entourage professionnel, militaire comme politique.
Il supportait mal le poids qu’il portait. Il avait besoin de parler mais ne trouvait personne avec qui parler.
Il s’était bruyamment séparé de ses plus proches collaborateurs, son ancien bras droit Seti Yale - l’homme de l’ombre de tous les temps - mais aussi celui qu’il nomma trois fois Premier ministre Léon Kengo wa Dondo.
Son brillant directeur de cabinet, Me José-Patrick Nimy Mayidika Ngimbi, l’homme qui parle comme un marteau donne des coups, l’a quitté sur la pointe des pieds et a rejoint l’exil. Avant d’animer à l’étranger des conférences anti-Mobutu. Le Président lui a conservé du respect...
J’ai assisté à Kawele par un concours de circonstances à une rencontre qu’il lui accorda un matin lors d’un petit déjeuner au jambon de Parme et pâté de foie qu’il dévorait sur l’herbe alors que Nimy vivait déjà son exil.
La veille, un jet privé Challenger, propriété des Bemba que Kengo et Alexis Thambwe Mwamba alors tout puissant patron des Douanes voulurent clouer au sol à N’Djili pour fraude douanière avérée, avait décollé du petit aéroport parisien Le Bourget. Destination: Gbadolité. À son bord un seul objet: un énorme gâteau d’anniversaire pour les Mobutu.
Le Léopard avait aussi perdu son intendant français Buisine, un homme de très petite taille mais de grande vertu, fort dévoué, qui rendait tous les services, gérait le harem de femmes et des groupes d’hommes tel l’actuel Vice-président Arthur Z’Ahidi Ngoma, frais, émoulu et démuni de l’Unesco.
Mobutu s’était éloigné de son ami de tous les temps, son financier Jonas Mukamba Kadiata Nzemba, ancien ambassadeur en Angleterre à qui il avait confié la gestion des stratégiques mines de diamant de Bakwanga, à Mbuji-Mayi, et avec qui il avait conclu un pacte portant élimination de Lumumba.
Le Léopard qui affectionnait la compagnie était soudain livré à lui-même.
En même temps, ses capacités manoeuvrières sensiblement réduites du fait du tarissement de ses ressources financières le rendaient vulnérable.
Finalement, il avait résolu de retourner dans sa tanière de Kawele-Gbado-Lité, ne mettant plus jamais les pieds à Kinshasa où les femmes Luba, furieuses de ses relations désastreuses avec son opposant Étienne Tshisekedi wa Mulumba lui montraient leur nudité en signe de malédiction à chacun de ses passages sur le boulevard.
VÉHICULE UNIMOG.
Depuis Gbado-Lite, aux abois, le Léopard négociait douloureusement tout: argent en vue de survivre physiquement et politiquement, amitiés politiques, contacts avec les chancelleries, etc. Les temps n’étaient plus à l’amitié fraternelle, rien ne lui était offert...
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Mobutu avait un fort besoin de compagnie en même temps que d’un homme qui puisse faire le pont entre lui et le reste du monde.
Introduit dans la cour présidentielle comme par effraction par Georges Bundu-te-Litho, fils du richissime oncle de Mobutu, l’ancien ministre des Finances Litho Moboti, Jean-Pierre se tenait sur ses gardes. Le renard faisait mine de se contenter de voir, d’écouter et s’imposait le silence. C’était pour lui l’unique façon de durer. Il en avait grand besoin. Il savait le Léopard d’une férocité imprévisible et ignorait quand arriverait son heure de disparaître. Il essayait de repousser le temps autant qu’il pouvait.
En attendant, Jean-Pierre Bemba Gombo a conquis le coeur du félin. Peu à peu, il réussit à s’introduire dans le saint des saints. Apparaissant à la fois comme intendant, chef de la maison civile, chef de la maison militaire, conseiller privé et financier.
La Conférence nationale souveraine pro-démocratie fait rage. À sa tête, Mgr Laurent Monsengwo Pasinya, elle menace de destituer le Maréchal. Alors, des stocks d’argent entrent en scène via son nouveau bras droit. Au mieux qu’il peut, pour demeurer en place, le Président organise une farouche résistance. Contre espèces sonnantes et trébuchantes distribuées à tour de bras à tout ce qui représente une influence quelconque: personnalités politiques, membres de la société civile, ceux du clergé, fonctionnaires internationaux, journalistes nationaux et étrangers, chefs coutumiers, etc.
«Un véhicule Unimog faisait des va-et-vient quotidiens entre la Banque du Zaïre et le bureau de Jean-Pierre», se souvient un proche de la famille.
«Ce sont des billets de Zaïres qu’il fallait changer contre des dollars pour le compte du Président. Souvent, le Président faisait venir des politiciens qu’il pensait servir à mains pleines auprès de son nouveau conseiller. Si certains y trouvèrent leurs comptes, la suspicion était totale».
«Même si l’ordre du Maréchal avait été ferme, il fallait courber l’échine pour espérer recevoir une miette, et encore»!
Il y avait même des fonds à Tripoli, chez le colonel Kadhafi provenant des commissions sur le pétrole.
C’est le nouveau conseiller qui avait la charge de la question. Il y faisait des va-et-vient. Le réseau libyen et les contacts avec Kadhafi remontent à cette date.
Manda fut le premier à s’offusquer d’un tel père. L’enfant comprenait mal que son père fasse garder le trésor amassé ou à amasser par un autre que par un sien propre. Avec femme et enfants, le fils aîné de Mobutu alors en vie déserta le toit paternel et ne put réapparaître que quand il devint évident que son père était cliniquement mort.
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Mobutu adulait à ce point l’homme blanc et l’Europe que quand on lui parla d’Afrique du Sud ou de l’île Maurice, il bondissait: «Vous pensez donc!»
On lui proposa de s’y faire soigner de sa maladie de la prostate. «Il y a là d’excellents médecins et d’excellentes cliniques spécialisées. Vous pourriez même en acquérir une...», lui dit-on.
Le Maréchal écouta poliment. Il ignorait que ces deux pays avaient atteint un stade de développement comparable à celui de nombre de pays d’Europe.
PLANQUE AU SUD.
Mais quand il découvrit Port-Louis à l’occasion du Sommet France-Afrique quand Mitterrand décida de lui griller la politesse en le recevant sur le tard en présence de ses deux jeunes frères du Congo-Brazzaville et du Rwanda, Sassou Nguesso et Juvénal Habyarimana, Mobutu se paya quelques jours de vacances dans ces bungalows en paille qui portent des noms prestigieux et où le confort le dispute à celui des palaces de Londres.
Il se promenait de longues heures sur ces plages idylliques d’un pays construit sur la seule richesse du pays, la canne à sucre, alors que son pays qui regorge de tout, il n’a su lui faire prendre le départ. Il passait à regarder comme un artiste surveille son sujet une mer de Paradis qui change de couleur en plusieurs fois par jour.
Le fils Bemba toujours là. À Port-Louis, iI avait fait la démonstration de sa puissance en prenant en location une énorme Mercedes blanche dans une ville où règnent des petites japonaises et alors que les Chefs d’État et le président Mitterrand se déplaçaient à bord des Renault Safrane.
Il y fit une apparition très glamour aux côtés de Ngawali, l’une des filles Mobutu, lunettes noires au vent, alors en charge des Relations internationales au cabinet de son père.
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Puis vînt l’Afrique du Sud. Le fils Bemba toujours là.
«Là, pendant quatre jours, nul ne savait où se trouvait le Président. Nous y étions à deux. Au deuxième jour, le général Nzimbi (ndlr le chef de la redoutable DSP) parvînt à me localiser au téléphone. Il me pressa de questions, me menaça, invoquant des questions de sécurité, le danger pour la vie du Président! Il voulait que je lui dise où se trouvait le Président».
- «Vous vous rendez compte? Si quelque chose arrivait, nous serions sans réaction! Et c’est toi qui porterais la responsabilité!», tempêta le redoutable général au béret rouge!. Mais la consigne avait été stricte. Le fils Bemba ne put révéler le secret de l’antre. Ni membre de famille, ni collaborateur quelconque ne sut où Mobutu se terrait.
«J’étais seul à savoir. J’étais avec lui, en Afrique du Sud. Mais où?», se satisfait JPBG. Peu avant sa disparition tragique dans le Katanga, à Dilolo, l’ancien ministre devenu ambassadeur, Maximilien Sampassa Kaweta Milombe me raconte dans les salons d’un aéroport la scène à laquelle il assista alors qu’il était en poste à Ottawa, au Canada. La Première Dame littéralement prise de rage face à l’un de ses fils.
- «Vous vous rendez compte! Vous avez abandonné votre père entre les mains de Jean-Pierre! Qu’attends-tu pour le rejoindre et aller évoluer à ses côtés, te pénétrer de son intelligence? Comment peux-tu avoir si peur de ton propre père?»
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De tous les fils connus de Mobutu, la population retient les noms de Niwa, Konga, Manda, Kongulu. Tous disparus. Il y a Nzanga, Giala, Ndokula du lit de Bobi Ladawa. Et d’autres... Puis d’autres.
Celui qu’il chérissait le plus est Niwa. Mobutu tenta d’en faire un homme digne, respecté. Peut-être son dauphin. Bien avant la mode qui déferle sur le Continent... Au point de le nommer au Gouvernement. Il voulait qu’il apprenne sur le tas aux côtés des diplomates chevronnés! Mais Niwa qui fut ambassadeur itinérant de son père avant de devenir vice-ministre aux Affaires étrangères avait des limites théoriques intellectuelles trop évidentes. Si son désir de progresser était réel, souvent, il n’offrait que sa bonne foi.
Puis surgit la mort qui brisa le rêve du père...
C’est le fils Bemba qui ramena le corps d’Europe et rendit service aux obsèques. Le Président apprécia.
Pilote de Boeing, détenteur d’un passeport brésilien - du fait certainement de son épouse congolaise Lilya Mbombo Texeira mais brésilienne de père -, Jean-Pierre Bemba Gombo pouvait aller et venir alors que Mobutu et les siens étaient frappés de refus de visa et que même les Bemba étaient indexés en Belgique et en France à la suite d’une rocambolesque affaire de faux dollars saisis avec des tas de papier monnaie découpé et des machines à fabriquer l’argent lors d’une descente en force de la police belge, et filmée en live par toutes les télévisions belges, non à la résidence familiale de Lasne, mais dans une maison prise en location et pour cause à Rhodes St Genèse!
CAISSIER PILOTE.
L’ex-coach de foot Nozy Mwamba, notable contrefacteur aujourd’hui retiré en Afrique du Sud où il gère une boîte de nuit «le Sankaï» dans le quartier de Rosebank, était cité. Il fit la prison à Saint Gilles avant de s’évader spectaculairement peu de temps après. Il brigue aujourd’hui un mandat de député.
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Il arrivait à Jean-Pierre d’atterrir sur un aéroport d’Europe aux commandes d’un avion en grande tenue de commandant de bord. Il tirait profit d’une réglementation de l’IATA, l’Association internationale des transporteurs aériens, qui déleste du port de visa à la frontière certains équipages, sur certaines destinations, à certaines conditions. Le caissier de Mobutu transformé en pilote de ligne pouvait ainsi passer la frontière, faire la rafle de fines bouteilles de vin dans des caves d’Europe, remplir dans les supermarchés ses caddies de produits frais d’Ardennes que le Président ravageait au petit déjeuner.
Au passage, il faisait le tour de quelques vieux et derniers amis et plaidait la cause du Maréchal qui en avait grand besoin.
Le vieux Léopard édenté était aux anges.
Il n’y avait pourtant pas un membre du pré carré familial pour lui en donner le change...
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Et Konga est mort. Il restait Manda et Kongolu.
Mobutu voulut en faire des militaires, pour les punir d’une jeunesse truculente. Malgré le recours au fer, il ne réussit à les redresser.
Les deux enfants se reconvertirent dans les affaires, dans la douane, dans la maffia... Un Libanais ou quelque Indo-pakis avait-il maille à partir avec la police des frontières? Il n’avait qu’à faire appel à l’un d’eux et, via quelques gros bras, l’affaire était réglée. Tous les coups perpétrés à Kinshasa en ces années-là étaient signés d’eux.
Telle cette affaire de la BZCE, la Banque Zaïroise du Commerce Extérieur, reprise par Manda et son complice Aimé Atembina étêté et calciné dans son véhicule sur une autoroute en France par le réseau corse dans une affaire d’achat d’armes d’une République de l’ex-URSS. Cela les éloigna de la population et les fit se détester du père.
Peu avant, celui que ses amis appelaient Atem avait, avec Jean-Pierre Bemba Gombo, mené une attaque contre le dernier Premier ministre de Mobutu, le général d’armée Norbert Likulia Bolongo trouvé dans le lobby de l’établissement aristocratique hôtelier Le Crillon à proximité du Palais de l’Élysée à Paris.
Devant Jean-Pierre, Atem, officier d’armée, venait de promettre la mort au général. Pendant la guerre de l’Afdl, les deux hommes avaient assidûment collaboré dans l’achat d’armes aux Républiques ex-soviétiques.
Quand la question fut posée à Jean-Pierre par un proche joint immédiatement au téléphone par Likulia humilié, il expliqua s’être trouvé là par hasard! Pourtant, les deux amis faisaient ensemble route vers Bruxelles, à bord d’une Mercedes 500 conduite par le fils Bemba, qui comptait même une Porsche dans son parking bruxellois.
Quand Atembina fut trouvé décapité et calciné sur l’autoroute, à une station d’essence dans son véhicule, la rumeur raconte qu’un ami y échappa de justesse comme Mobutu dans l’attentat du Falcon qui donna la mort à son ami Habyarimana à Kigali.
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Nombre de témoignages rapportent l’échec familial du Président.
Ancien directeur de cabinet de Mobutu, le professeur Félix Vunduawe Te Pemako me murmure à l’oreille sur l’aéroport de N’Djili avant d’embarquer: «Le Chef s’était tellement consacré à son pays qu’il négligea l’éducation de ses enfants».
Il en serait resté mortifié.
Il tenta de confier la tâche à un collaborateur, ministre de l’Éducation nationale. La rumeur publique raconte que le chèque en blanc signé par le Léopard sur un compte en Suisse pour les études de ses enfants prit une direction inconnue aussitôt après que le ministre eût quitté le pays.
Mobutu en fit malade et pourchassa jusqu’à la fin de ses jours l’ex-collaborateur indélicat.
Avait-il trouvé en Jean-Pierre Bemba Gombo l’enfant qu’il aurait voulu avoir?
Jean-Pierre me raconte: «Un jour, dans un restaurant à Cape-Martin, il se lâche. Soliloquant, il tempête sur tout ce qui l’entoure: voilà celui-ci! Voilà celui-là! Eh bien, tous des demeurés!»
Puis, le Léopard de poursuivre: «Jean-Pierre! Oui. Oui...». Il hocha de la tête...
Diplômé de l’ICHEC, l’Institut catholique des hautes études commerciales, très certainement le must de Belgique dans le domaine, à Montgomery, Wollumé-st-Lambert, ancien stagiaire à la Citibank-Kinshasa, Jean-Pierre qui a compté comme condisciples et amis, l’ancien président de l’Assemblée nationale Olivier Kamitatu Etsu et le patron de la Citibank-Congo Michel Losembe, écoutait.
Et comme à son habitude, il faisait mine de ne rien entendre.
En réalité, il a beaucoup appris de cette période.
Son ex-rébellion du MLC à l’Équateur, montée à partir des soldats Tutsis Banyamulenge ayant fait défection du RCD à Kisangani pour mieux garantir la traçabilité, grouille d’indicibles histoires de cruautés qui poussent ses compagnons d’hier à lui barrer la route à tout prix aujourd’hui.
Il faillit égorger lui-même un collaborateur accusé d’être trop bien habillé à ses yeux. Un autre eût la surprise d’apprendre qu’il avait à s’expliquer sur l’origine d’une somme de 1.000 dollars qu’il était supposé avoir.
Un visiteur r-dcongolais, de retour de Gbado, se fit arrêter à Bangui et conduit dans une prison souterraine, accusé de fomenter un coup d’État avant l’heure en Centrafrique contre le président Ange-Félix Patassé, qui considéra Jean-Pierre comme son fils après l’avoir combattu. L’homme eût la vie sauve grâce à des réseaux actionnés jusqu’aux Nations unies.
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DICTATEUR FEROCE.
Face à lui en son bureau, je le vois rugir comme un lion dans la jungle sur son chef de cabinet Delly Sesanga Hipungu Dja Kaseng, un ancien d’Arthur Z’Ahidi Ngoma qu’il a fait nommer ministre du Plan après la démission médiatique d’Alexis Thambwe Mwamba.
La seconde après, il hurle sur son ministre du Budget François Mwamba Tshishimbi accusé de n’avoir pas été joignable un quart d’heure plus tôt. Je sens Tshishimbi tremblotter comme une feuille morte, tel cet hyène face à Mufasa, le lion de Walt Disney.
À Matadi, entre les deux Sun City, alors que son MLC affronte l’ex-Gouvernement dans un combat épique pour sauver l’accord de l’hôtel les Cascades qu’une bonne frange de composantes a refusé de reconnaître, il tonne sur le juriste Christophe Lutundula Apala qui lui cloue le bec: «Attention! Attention! Jean-Pierre, je ne suis pas celui que tu crois...» Avant que le Tetela outré n’interrompe la communication.
En réalité, Bemba n’est Bermba que quand on se prête à son jeu.
Pris pour un peureux de premier degré, il dysjoncte quand on lui résiste. Mais sa tentation de domination revient vite au galop dès qu’on relâche.
Même face à Bongo, Sassou, Kadhafi, Museveni, il refuse à garder la place du fils qu’il est, les considérant soit comme ses égaux, soit comme ses sujets.
À Goma où il séjourne pour la toute première fois depuis qu’il est VIPI, tous ses collaborateurs se grillent par un soleil d’aplomb alors que lui est couvert par une tente. Quand son mouchoir blanc vient à tomber, tous accourent à ses pieds pour le ramasser, chacun voulant être le premier à rendre au «Chairman» ce menu service.
Tous, sauf un: José Endundu Bononge, alors ministre des TPI, Travaux Publics et Infrastructures, qui préfère rester dans sa villa au bord du lac, estimant que «si le Président a besoin de moi, il me fera venir».
Il était écrit que les deux hommes ne sauraient vivre longtemps ensemble.
Son côté dictateur féroce, sa capacité de broyer lui-même ses adversaires de ses propres mains - même son beau-frère Jean Bamanisa dont il vient de confisquer sans ménagement un terrain aux bords du fleuve à Maluku pour y ériger un palais semblable à celui de Kawele -, le plaisir quasi sexuel que l’exercice lui procure.
Ancien chef du service Marketing à l’ex-Air Zaïre, Fumunzanza Muketa fait partie du personnel assaini à la faillite de la compagnie aérienne nationale dans laquelle les Bemba ont leur responsabilité. Muketa atterrit à Scibe Airlift où il a la charge du même service.
Lors d’une mission de contrôle initiée par Jean-Pierre qui le soupçonne de distribuer des billets aux siens, une charge est retenue contre lui. Sans autre forme de procès, Jean-Pierre ordonne sa mise en état d’arrestation.
L’homme, aujourd’hui sénateur sur les bancs du PALU d’Antoine Gizenga et l’un des proches du demi-Dieu, est conduit sous bonne escorte armée dans l’un des cachots privés de Jean-Pierre aux pieds du bureau du D-g. Le prisonnier restera quinze jours au trou, loin de toute visite, dans des conditions atroces, n’étant nourri que sur autorisation expresse de Jean-Pierre.
«Rien ne lui fait tant plaisir que la souffrance humaine», témoigne un ex-ami.
Son penchant militaire, homme coupé carré qui cherche à tout régler par les armes. En 1991, il enfile un treillis et s’entraîne à Kasangulu, dans les environs de Kinshasa. Il ne se déplace désormais qu’à la tête d’un détachement des commandos DSP, la Division spéciale présidentielle.
Nzimbi le surprend jubilant, ses prisonniers dans le coffre arrière de son énorme limousine Mercedes, les promenant dans les rues de la Capitale. Le général s’en émeut et tient informé Mobutu.
Le Léopard commence à prendre froid de cet enfant. Il s’en confie publiquement auprès de ses visiteurs.
LAVER L’HUMILIATION.
«Ça, c’est encore le coup de cet enfant Jean-Pierre...», pleurniche-t-il sur un autre chapitre quand une religieuse est attrapée au marché avec de faux dollars, que Mobutu lui a fait remettre lui-même!
Anéanti par la Communauté internationale, le Léopard ne poursuit pas moins ses courses avec ce fils Bemba, qui tire très grand profit de la compagnie.
«Pour être resté si longtemps aux côtés de lui, il ne pouvait être un simple financier. Il devait être maître dans l’art de la jonglerie. Comme son père, il a bu Machiavel jusqu’à la lie...», me confie un proche parent.
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Ses relations avec Nzanga qui épouse en 1994 sa soeur cadette Cathy demeurent mystérieuses. Les deux hommes se regardent comme chien et chat. À Port-Louis, ils faillirent en venir aux mains en public dans une ténébreuse affaire liée à la firme Comcell alors que Nzanga décide de rejoindre son père esseulé et de tenter d’organiser son image à la suite de Niwa.
Une garantie d’État de plusieurs millions de dollars aurait été arrachée au ministre des Finances après que le patron de Comcell eût invoqué le nom de Nzanga. Informé, Mobutu se jeta littéralement sur ce fils qui s’était juré de porter dignement son nom et le menaça de le renvoyer à l’étranger reprendre les études.
L’affaire lui était restée en travers de la gorge.
À la veille de la campagne électorale, Nzanga accusa son beau-frère d’avoir stocké à Gbado-Lité, dans l’Équateur, dans les anciens entrepôts de Coca-Cola, la concession familiale, un arsenal de guerre. Le fils Mobutu poussa son hostilité au point d’écrire à l’ambassadeur William Lacy Swing, le représentant de Koffi Annan en R-dC, avec copie conforme à toutes les autorités gouvernementales, dont le Président de la République, les quatre Vice-présidents - y compris Jean-Pierre Bemba Gombo, le ministre de la Défense.
L’annonce de son entrée en campagne pour la Présidentielle est comprise comme une réponse à ce qu’un Mobutu peut effectivement faire de valeureux.
Les Mobutu - Nzanga en premier qui porte bien le nom de son père et l’assume jusque dans l’appellation de son parti UDEMO, Union des Mobutistes - estiment que Jean-Pierre leur a volé leur nom. Il s’est bâti une notoriété sur les terres des Mobutu.
À leurs yeux, la montée en puissance de ce Bemba a été un malheureux malentendu qu’ils se sont jurés de combattre comme action de grande cause familiale. Là où l’ex-Zaïre attendait un Mobutu, il a vu surgir un Bemba. Même force physique, même langue châtiée, même capacité de séduction...
Si l’occasion lui était donnée, Nzanga serait ce Mobutu qui en aurait lavé l’humiliation. Avec les consultations électorales, sa décision est prise.
Mais c’est encore le fils Bemba qui l’en empêchera.
Pour financer sa campagne, Nzanga espérait beaucoup de l’immense patrimoine immobilier familial sur lequel l’OBMA, le fameux Office des biens mal acquis mis en place par l’Afdl, détient des droits. Mais c’est la redoutable ÉCOFIN, la Commission économico-financière du Gouvernement, qui en disposait les clés.
Or, celle-ci est présidée par le fils Bemba.
Lors d’une rencontre à Faro, la côte balnéaire du sud du Portugal, où Bemba et les Mobutu ont acquis des propriétés, le patron de l’ÉCOFIN fait des promesses à la veuve Mobutu.
Présent à la rencontre appelé par sa mère, Nzanga prête mal l’oreille. Il se méfie du fils Bemba et tente de dissuader la veuve. Il n’a pas tort. Bemba n’aurait réalisé que la promesse de faire livrer par l’administration publique des passeports diplomatiques via son ministre MLC des Affaires étrangères Raymond Ramazani Baya. La veuve et les enfants Bobi lui en savent gré mais n’ont rien vu venir d’autre.
Si Nzanga a fait le voyage de Kinshasa sur insistance de sa mère après qu’il fit partir Cathy travailler aux États-Unis où elle vit avec leurs trois enfants, il n’a pu récupérer qu’une maison dans le quartier des ambassadeurs, le long du fleuve, à la Gombe où il a installé son gîte.
Le fils Mobutu n’y mène pas grand train de vie. Bien au contraire, comme à son habitude. Mais ce n’est pas faute d’y avoir pensé!
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Les temps sont durs, très durs. Tant pis. Nzanga n’a donc rien non plus trouvé pour la campagne électorale pour la Présidentielle qu’il voulait à l’américaine. Il misera sur le nom, sur le mythe. Il aurait voulu faire plus...
À l’impossible, nul n’est tenu.
Trop prudente, Mama Bobi Ladawa a conseillé son fils - et avec elle des membres de famille, en tête les Litho et donc le pragmatique Jean Lambert Segbia, patron de l’ex-Sozal - de baisser la garde, de regarder les choses en face et de mettre fin à la guerre insensée qu’il livre, depuis de longues années, à son désormais puissant beau-frère. ils pensent que Nzanga et Jean-Pierre, c’est David et Goliath, deux catégories de ring différentes...
Ce n’est pas l’avis de Nzanga.
«S’il faut tailler notre chemin dans le roc, nous le taillerons dans le roc», aime-t-il à répéter, paraphrasant jusque dans l’accent son père de Maréchal défunt.
Si Nzanga voue de l’adoration pour sa mère «Madame la Présidente» qu’il appelle désormais «la veuve» et a juré devant Mobutu en vie d’être aux côtés d’elle, aussi longtemps qu’il en aura la force, entre la mère et l’enfant, les divergences sont trop profondes quand il s’agit de Jean-Pierre Bemba Gombo.
De guerre lasse, la veuve n’a eu qu’un choix: refuser à ce fils les moyens de déclencher une nouvelle bataille inégale contre son beau-frère.
Nzanga fut privé du chèque pour la campagne qu’il espérait et n’a pu, hormis un DVD, communiquer.
INVOQUER LE LÉOPARD.
Là où JPBG se déplaçait en jet privé, Nzanga n’a même pu affréter un avion.
Au début de la campagne, il est resté hors du pays espérant vider quelques bas de laine. Dans le plus total déchirement, il a suivi l’irrésistible marche triomphale vers le pouvoir suprême de son beau-frère onni et, a contrario, a assisté à vue d’oeil à sa descente aux enfers.
Les temps sont durs, très durs! Il n’empêche! Ses résultats provisoires ne sont pas dérisoires. Cité en tête des sondages dans l’Équateur, le bastion des Mobutu, s’il a cédé du terrain face à la déferlante médiatique de son beau-frère, ses résultats sont honorables.
Signe que s’il avait disposé de moyens, Nzanga aurait fait très mal. Signe que les Mobutu sont loin d’être morts. Sans avoir battu campagne, il fait des scores dans tout le pays au point de se classer quatrième sur la liste des 33 avec 4,77% des votes exprimés.
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Certes, il ne sera pas du combat de second tour. Nzanga a été éliminé. Il le sait depuis le 20 août. Il ne se faisait déjà aucune illusion... Mais il sait et le monde sait ce qu’il pèse. Désormais!
Aux Législatives, son frère Giala a battu sans coup férir Bundu-te-Litho.
La soixantaine passée, Bundu avait eu le toupet d’affronter son petit cousin, qui se trouve être fils Mobutu. Giala venait de débarquer d’Europe et n’avait guère besoin de battre campagne. Il est Mobutu. Bébé Léopard est Léopard.
Face à Georges Bundu-te-Litho, Giala s’est maintenu ferme dans la petite ville coquette de jadis avec son aéroport en forme de sombrero mexicain. Avec lui, toute la petite tribu Mobutu réunie et unie.
Elle n’a pas la mémoire courte. Elle sait que c’est Bundu qui a fait traverser au fils Bemba le périmètre sacré familial. Et a commis le crime de lèse-Léopard. C’est lui qui est à la base des déconvenues des Mobutu de ces dernières années. Jusqu’à la profanation de leurs tombeaux en l’Église Crypte-Marie-de-Miséricorde. Ils avaient juré de le lui faire payer comptant. Ils y sont parvenus.
La vengeance se délecte même surgelée.
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À Gbado-Lité, on n’a pas oublié que la ville du nord du pays, proche de la Centrafrique, est un miracle sorti de la terre argileuse par Mobutu et par Mobutu seul. Jean-Pierre Bemba sait très clairement désormais.
Là où il repose, le Léopard doit être fier de ses fils restés en vie. Ils ont osé et réussi. Même le MPR, l’ex-parti-État qui refusa à Nzanga à Gaborone au Botswana en plein Dialogue inter-congolais de jouer un rôle majeur et de se prononcer sur le statut à venir de la veuve, en a eu pour son compte. Malgré l’appareil du parti, malgré l’auréole que confère la fonction ministérielle, sa cheffe, Cathérine Marthe Nzuzi wa Mbombo obtient moins que rien...
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Mobutu aimait le coup d’éclat, la démonstration de force. Là où il se trouve, il doit jubiler. Comme il le fut vivant quand le lieutenant Kongulu, son fis cadet du lit Marie-Antoinette, à la tête d’une bande de fidèles, réussit le coup de maître de faire évader un proche d’un tribunal...
Là où il repose, le Léopard doit se mordre les doigts: cet enfant qui faillit être le sien, a tout pris de lui et a tout bâti sur lui. En le reniant publiquement.
À qui il voulait, Bemba disait: «Ceux-là, ils vont voir ce qui va leur arriver, ce qui va leur tomber dessus»! Déjà et Mobutu en vie!
Il est vrai qu’outré par tant de vandalisme, de brutalité et de trahison, Mobutu l’avait sorti de son cercle restreint. Si Maître Vandal avait un coeur de muscle de chair, le sien est fait de roc.
Le fils Bemba fut le premier à dégarnir Kinshasa en retrouvant sa niche de Rhode-saint-genèse, dans la banlieue de Bruxelles, invoquant la peur bleue qu’il éprouvait à l’écoute sur des radios périphériques des nouvelles sur l’avancée des troupes de Laurent-Désiré Kabila. La rébellion de l’Afdl était déjà dans les Kivu!
Cela faisait longtemps qu’il commerçait avec Kampala et avec le président ougandais Yoweri Museveni qui prit une part active dans la fin des Mobutu, aux côtés d’autres puissances régionales.
Officiellement, il ne s’agissait que du transport par pont aérien vers l’Europe des tilapia péchés dans le lac Victoria, non loin d’Entebbe. Il ne pouvait s’agir de politique... Lui, se gardait de faire de politique! Du moins, le disait-il. Il était homme d’affaires...
KISANGANI MARTYRE.
Nul pourtant ne l’a vu au cimetière catholique de Rabat, lors des obsèques du Léopard où le félin repose encore.
Quand la rébellion bat son plein et que le RCD se sent encore proche du régime ougandais, c’est lui qui exfiltre la femme du chef rebelle Jean-Pierre Ondekane Inkala.
À bord d’un de ses avions cargo en partance pour Kampala, il fait embarquer à Kinshasa la belle Georgette en tenue camouflée d’hôtesse de l’air alors que le bébé qu’elle porte s’impose de la discipline dans un des sacs à main.
Comme Ia bête qui piège sa proie avant de l’attaquer, il voulut faire une surprise au chef militaire de la rébellion qui fit vite d’atterrir à Kampala, informé par son homonyme lui-même, peu de temps après l’arrivée du cargo. S’ensuit une lune de miel entre les deux homonymes qui ne se quittent pas à Kisangani.
Mais celle-ci sera de très courte durée. Bemba qui a annoncé la création de son MLC, rompt brusquement toute relation avec les Ondekane qui lui préparaient ses repas, prétextant un projet d’assassinat par empoisonnement.
Bemba fait fermement manger à la fille le contenu des assiettes qu’elle lui porte à la grande stupéfaction de celle-ci.
La suite est connue: la tragédie de la ville martyre.
Les deux hommes s’affrontent à plusieurs reprises à l’armement lourd dans les rues de Boyoma, appuyés par leurs alliés respectifs. La mort et la désolation sont à nouveau à Kisangani, principalement dans les quartiers populaires. Écoles et hôpitaux détruits au mortier...
Le monde s'en émeut. ***
Pour Jean-Pierre Bemba Gombo qui ne sait ce que état d’âme veut dire, la page est à jamais tournée pour les Mobutu qui doivent venir moudre à son moulin. Sauf à accepter de disparaître. Ce n’est pas l’avis de Nzanga...
Dans l’Équateur, la pression des anciens sera pesante. Mais Nzanga aura beau rôle d’affirmer sa phrase fétiche: «Tous savent que le Maréchal a consacré sa vie à l’unité de son pays».
Nzanga choisira le camp qui symbolise le mieux l’unité de l’ex-Zaïre de son père défunt. Sauf compromis historique, il ne saurait oublier que lors des années rébellion, il se fit interdire le séjour à Gbado-Lité, la ville de son père, sa ville, alors que Goma et Kisangani lui ouvrirent leurs portes et qu’à la vue de cette immense tête en rectangle, des Mobutistes nostalgiques entraient en transes, versant de chaudes larmes, croyant au retour du Grand Léopard, des Mamans étendant leurs pagnes sur son passage.
Nzanga avait loué une chambre au Sofitel à Bangui d’où il pouvait voir la ville de Zongo, de l’autre côté du fleuve, à 100 kms de Gbado-Lité. Informé, le fils Bemba, alors maître à Gbado-Lite, se prit de rage. Il menaça de descendre d’une roquette l’établissement hôtelier centrafricain.
Il haït à ce point les Mobutu!
François Joseph Mobutu Nzanga Ngbangawe se fera mieux entendre de ses contemporains fort de sa nouvelle position dans le pays.
T. KIN-KIEY MULUMBA.