- mar, 16/04/2013 - 18:24
La Majorité a ferraillé lundi comme jamais auparavant.
LE SOFT INTERNATIONAL N°1223 ED. MARDI 16 AVRIl 2013.
Talentueux avocat, Me Jean Baudouin Mayo pensait qu’il allait peut-être pouvoir passer dans l’histoire (avec H capitale) comme le Député par qui le redimensionnement de la classe politique nationale viendrait... Du coup, il allait être celui qui allait donner un coup de pied à la termitière MP. C’était trop rêver! Comme l’a dit un Député (MP) lors d’une houleuse confrontation lundi 15 avril, argument contre argument, le Député d’opposition UNC saura désormais qui sont les Députés avec qui il partage les strapontins, de quoi ils sont capables. à malin, malin et demi! En politique, quoiqu’on dise, c’est comme dans la vie: tous les coups sont permis.
On le sait désormais: à la Chambre basse, aucune séance ne ressemble à aucune autre. Et tant mieux pour le public et les téléspectateurs qui suivent en direct comme au foot. Cela évite de s’ennuyer trop...
Lundi 15 avril, l’opposition avait juré de faire sa fête à la majorité présidentielle. Sur papier, tout était clair. Clair comme l’eau de roche. Jamais à ce jour, de mémoire de journaliste, l’opposition n’avait été prendre des voix au sein de la majorité présidentielle. Certes, il y a eu un certain Puela, en rupture de ban avec son parti d’origine! Mais... tout de même aller jusque dans le Saint des Saints, à savoir dans le groupe parlementaire bien ouaté du parti présidentiel PPRD? Jamais vu. Pourtant là, le Député UNC-opposition Jean-Baudouin Mayo Mambeke a fait fort et même trop fort! Déjà, lors de sa première tentative, il avait su prendre plus de voix au sein de la Majorité qu’à l’opposition!
A MALIN, MALIN ET DÉMI...
Il n’avait pas boudé son plaisir. «C’est la cohésion. Et tant mieux! Cela prouve que lorsqu’il s’agit des débats de société, il n’existe ni opposition, ni majorité. Il existe le Congo et le peuple congolais», avait-il pu dire, heureux!
Talentueux avocat, cet avocat d’affaires pensait qu’il allait peut-être pouvoir passer dans l’histoire (avec H capitale) comme le Député par qui le redimensionnement de la classe politique nationale viendrait... Du coup, il allait être celui qui allait donner un coup de pied à la fourmilière MP. C’était trop rêver!
Comme l’a dit un Député (MP) lors d’une houleuse confrontation lundi 15 avril, argument contre argument, le Député d’opposition UNC saura désormais qui sont les Députés avec qui il partage les strapontins, de quoi sont-ils capables, et pour reprendre mot à mot, le Député Mayo «saura désormais juger ses collègues à leur juste valeur».
Que voulait dire cet élu de la Majorité? «Juger ses collègues à leur juste valeur»...
A malin, malin et demi! En politique, quoiqu’on dise, c’est comme dans tous les jeux: tous les coups sont permis. Et comme jamais nulle part ailleurs, seule la fin justifie les moyens. Qu’importe par où vous êtes passé, le résultat seul compte...
Lundi 15 avril, un mois après jour pour jour après une rentrée parlementaire qui s’annonçait déjà périlleuse pour le Gouvernement, le débat de procédure était donc engagé...
«La motion de censure contre le Gouvernement Matata», déposée par le Député Mayo sur pied des art. 146 (Constitution de la République) et 208 (Règlement intérieur de la Chambre basse) mettait «en cause la responsabilité du Gouvernement Matata Ponyo». Et l’auteur de la motion précisait tout de go: «Les mêmes dispositions de la Constitution et du Règlement intérieur de notre Chambre édictent que la motion de censure contre le Gouvernement n’est recevable que si elle est signée par un quart des membres de l’Assemblée nationale, soit 500/4=125 Députés nationaux».
Or, voilà que le texte présenté par le Député d’opposition rassemblait 137 signatures! La conclusion s’imposait d’elle-même: le bureau de l’Assemblée nationale n’avait qu’à en constater la régularité et à convoquer une plénière pour en débattre...
Jean-Baudouin Mayo Mambeke n’avait-il pas été trop naïf? Avait-il vraiment imaginé que la Majorité aurait pu aller au débat de fond, c’est-à-dire, à la lecture du texte de la motion, puis, à la réplique du Premier ministre-Chef du Gouvernement, puis à l’ouverture du débat, et puis au vote (au bulletin secret) sans avoir eu à examiner au préalable si tout cela tenait un peu la route?
UN DÉBAT AU CORPS À CORPS
D’entrée de jeu, le président Aubin Minaku Ndjalandjoku a bien planté le décor.
«Chers collègues, il s’agit bien d’une motion de censure. Il s’agit d’un moment crucial de débat démocratique et républicain dont l’issue pourrait être la chute de l’équipe gouvernementale. La plénière de l’Assemblée nationale doit donc se prononcer méticuleusement sur la procédure à suivre, vérifier si les dispositions aussi bien de la Constitution que du Règlement intérieur sont bien respectées».
Il est 12h45’ quand la machine est lancée.
Le président Minaku donne intégralement lecture de l’art. 209 du Règlement intérieur de la Chambre basse: «L’Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d’une motion de censure (...). Le dépôt d’une motion de censure (...) est constatée par la remise, par ses signataires, au Président de l’Assemblée d’un document intitulé «motion de censure» (...). La motion de censure contre le Gouvernement n’est recevable que si elle est signée par un quart au moins des membres de l’Assemblée nationale (...) Le débat et le vote ne peuvent avoir lieu que quarante-huit heures après le dépôt de la motion. La motion de censure (...) est adoptée à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale. Si la motion de censure (...) est rejetée, ses signataires ne peuvent au cours d’une même session, en proposer une nouvelle portant sur le même objet». Puis, l’art. 210: «Lorsque l’Assemblée nationale vote une motion de censure, le Gouvernement est réputé démissionnaire. Dans ce cas, le Premier ministre remet sa démission du Gouvernement au Président de la République dans les vingt-quatre heures».
Mais avant d’en arriver à ces questions de fond, il faut en effet vider les questions de forme. C’est là où les Congolais s’entre-mangèrent...
Le président Minaku s’est préparé à passer 6 heures sinon plus dans l’hémicycle, s’il échet. Le Premier ministre Matata aussi qui a préparé sa réplique et l’a fait tenir à portée de main par un agent du protocole d’état, tout comme chacun de ses ministres présents dans la Capitale.
Soudain, une voix fuse dans la salle. C’est un Député qui crie au complot.
- Où sont les urnes?
Il réclame de voir de ses propres yeux les urnes. Question de savoir si cette séance n’était pas conçue dès le départ comme une séance bidon!
- «Ne vous en faites pas, Collègue. Tout est prévu», répond de sa voix monocorde le président Minaku.
Et un agent apparaît avec une urne et montre son contenu. Qui sait? Par ces temps-ci, il s’agit de prouver qu’il n’y a pas eu de bourrage d’urne...
C’est au tour du rapporteur de passer à la lecture du courrier reçu par le président Minaku. Une quarantaine de lettres de retrait...
MAYO N’AVAIT PAS PRÉVU UNE TELLE TOURNURE DES ÉVÉNEMENTS...
A chacun d’invoquer la raison de son retrait, de son désistement ou de sa désolidarisation de la motion. à chacun d’invoquer ce qui lui passe par la tête. Outre des raisons de type classique («convenance personnelle» ou «je reconsidère ma position»), il en pleut des cocasses: «On m’a fait signer sur une feuille blanche»! Ouah! «j’ai signé par inadvertance»! Ouah! Ouah! «Je croyais qu’on collectait des signatures pour un voyage aux états-Unis à l’occasion de la journée de la femme»! Ouah! Ouah! «j’ai signé sans consulter mon groupe parlementaire»! Ouah! «Je m’aperçois que notre collègue Mayo était allé trop loin»! Ouah! «Il s’agit d’une motion alimentaire»! Ouah! «Notre collègue était habité par des sentiments personnels»! Ouah! «La dite motion n’apportera aucune solution à la reconstruction nationale...»; «convaincu de l’inopportunité de la démarche...»; «pour des raisons de cohésion au sein de notre majorité»; on en passe et des meilleurs...
Au total, 41 Députés ont quitté Mayo à qui il ne reste que 96 signatures. Séance tenante, un Député demande à quitter la motion. Un Député de l’UDPS (opp. radicale) désavoue la motion... Il est délogé des bancs par ses collègues. La Majorité peut souffler. Elle vient de ferrailler. Elle reste la Majorité.
Un député excédé, pousse: «Honte à nous»!
«Sommes-nous toujours au temple de la démocratie» ou, plutôt dans un cimetière de la démocratie...», lance un Député (d’opp.). «Vous signez et vous retirez votre signature, cela vous discrédite...».
Mayo a, malgré tout, osé prendre la parole pour se lâcher: «Tout ça c’est quoi? Tout ça a été prévu où? Aucun texte ne prévoit la procédure à laquelle la plénière est soumise! Pourquoi deux poids deux mesures? (Se rappelant à un récent débat). Pourquoi n’a-t-on pas distribué ces lettres 48 heures avant comme le prévoit le Règlement intérieur en son art. 61? Pourquoi ces
Députés n’avait-il pas joint l’initiateur de la motion?
Mayo se défend comme il peut. Avant de sentir que si le président Minaku ne peut le mettre K.O technique, il accumulait cependant des points, minute après minute et allait l’emporter inexorablement. Et le Député UNC de concéder sa défaite. La énième...
Car comme le dit le juriste Lutundula, en matière de motion de censure, il ne s’agit pas d’appliquer le Droit privé, mais le Droit public voire... politique. En l’espèce, le bureau a un rôle passif (art. 29). Il constate le courrier reçu et a l’obligation d’en tenir la plénière informée. Il ne lui appartient pas de juger...
Alunga Abuwa