- lun, 18/03/2013 - 16:44
L’homme au cœur du régime Mobutu n’avait pas de visage.
LE SOFT INTERNATIONAL N°1219 ED. LUNDI 18 MARS 2013.
Et si le hasard n’existait pas! Au lendemain de l’annonce vendredi 15 mars dans la soirée de la révocation par le Président de la République du gouverneur de l’équateur Jean-Claude Baende, victime d’une guerre fratricide qu’avait décidé de lui mener l’élite de sa province toutes tendances politiques confondues et alors que des bouteilles de Champagne venaient à peine d’être débouchées, c’est un vrai tremblement de terre qui le lendemain frappe l’équateur: Jean Seti Yale, l’homme le plus puissant du régime Mobutu dont la province est si fière, celui qui, deux décennies durant, fit et défit tout autour du Léopard, le redoutable homme de l’ombre qu’on appela «Zéro One», par un respect craintif, tirait sa révérence à Bruxelles, en Belgique, loin de ses terres du Congo et de son village natal de Yakoma aux confins de la Centrafrique, qu’il aimait tant mais dont il partageait l’amour avec le Portugal, le pays de son père dont il avait acquis la nationalité et brandissait le passeport européen comme par dégoût pour l’Afrique dont il comprenait pas le sillon.
A 70 ans (né le 21 juillet 1943), il était le plus jeune de sa génération mais toute l’élite de l’équateur qui lui devait tout - comme toute la classe mobutiste qu’il a recrutée et forgée - lui vouait une dévotion sans nom et se rendait à lui comme on se rend aux origines de la création. Très peu de gens connaissaient son visage. Tout au long des décennies d’un trône qu’il servit fidèlement avant de s’en éloigner aux dernières heures, rejoint par l’usure d’un pouvoir qu’il n’avait pas su réformer et reproduire, il n’avait jamais pris la parole en public et n’était apparu nulle part sur aucun média. Cet amateur de grands crus et de fromages, fut l’homme de l’ombre par excellence et l’histoire lui trouvera un semblable: Augustin Katumba Mwanke dont même ses collègues Députés ne connaissaient le visage alors que ceux qui le découvraient dans la foule déboulaient pour se prosterner devant lui. Orphéline de Mobutu, voici la province qui perd et pleure l’un des derniers survivants du régime, qui arbitra nombre de conflits entre fils et filles de l’équateur.
On l’appelait «Ya Jean», «Zéro One», «Spécial», «Roméo Golf». Etc.
De 1970 à 1990, Jean Seti Yale est le tout puissant patron des services de sécurité de Mobutu Sese Seko au faîte de sa gloire. Avec lui, on trouve Edouard Mokolo wa Pombo, Roger Nkema Liloo, Alain-André Atundu Liongo, etc.
Né le 21 juillet 1943 à Yakoma, district du Nord Ubangi, équateur, Seti était titulaire d’une licence en Sciences sociales à Lovanium.
Après ces études universitaires, il entre, début 70, dans les services - à la Sûreté nationale débaptisée Centre national de documentation, CND qui recrutait de brillants jeunes universitaires.
Seti prend la tête du département de contre-espionnage (Documentation intérieure, DDI) avec le titre d’administrateur principal.
En 1976, le contre-espionnage fusionne avec l’espionnage (Documentation extérieure, DDE). C’est Seti qui en prend la tête.
En 1980, Mobutu décide de mieux assurer la cordination des «services» - civils et militaires. Il crée le CNS, Conseil national de sécurité. C’est Seti Yale qui en prend la direction comme secrétaire général d’abord puis comme Conseiller spécial du Chef de l’état en matière de sécurité.
Léon, «MON grand frère».
En 1986, il n’est plus conseiller spécial mais conseiller privé du Chef de l’état. Son martyre a débuté...
Et culmine avec la longue transition (1990 à 1997) avec le débat sur la démocratisation et les procès publics et télévisés contre le régime.
La famille biologique de Mobutu trouve un bouc émissaire. Seti Yale quitte définitivement le palais et va s’occuper de ses affaires privées. On le voit à Faro au Portugal, à Bruxelles et Paris où il possède des propriétés, à Abidjan en Côte d’Ivoire et à Rabat au Maroc. Quand en mai 1997, Mobutu quitte le pouvoir et part en exil, Seti Yale l’imite et s’installe à l’étranger mais est tenu loin du Maréchal par la famille. Il est cependant l’un des rares à se rendre aux obsèques du Léopard. L’histoire raconte que c’est l’ancien conseiller qui aurait pris soin de son défunt mentor...
Pendant les rébellions du RCD-Goma et du MLC, on le voit à Gbado-Lité, siège du MLC, à Goma, siège du RCD toujours aussi mystérieux. C’est en 2004 que Seti regagne le pays au lendemain de la mise en place du gouvernement de transition «1+4» et l’entrée en fonctions de Jean-Pierre Bemba Gombo comme Vice-président de la République en charge du secteur économique et financier.
S’il y a un homme avec qui Seti sera resté très proche, c’est l’actuel président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo qu’il appelait Grand frère.
«Aucun Congolais, hormis Seti Yale et Kengo wa Dondo n’auront, aux côtés de Mobutu, joui des pouvoirs, de la confiance, de l’influence politique, comparables à ceux de Bisengimana» («Je ne renie rien, Je raconte…», José-Patrick Nimy Mayidika Ngimbi, ancien directeur du cabinet du Président Mobutu, Paris, éd. L’Harmattan, 2006).
«Il sera le conseiller le plus écouté du président Mobutu et le collaborateur incontournable de ce dernier au cours de bien des décisions importantes, des stratégies diverses, des questions d’intendance, de logistique et de…mille autres choses pour le chef de l’état» (op. cit.). L’ancien homme fort du régime Mobutu aurait succombé à la suite d’une cirrhose de foi. D’autres sources parlent d’un cancer du pancréas, sinon de la prostate qui aurait été découvert tardivement. S’il lui arrivait ces derniers mois de voyager, Seti Yale paraissait très affaibli par la maladie. Nul ne savait s’il reposerait au Portugal ou à Yakoma où il venait il y a moins d’un mois de porter en terre sa mère.
Alunga Mbuwa