- jeu, 24/11/2016 - 17:35
Jamais Kabila n’avait fait autant vibrer la foule.
Certains - nombreux - s’attendaient à ce «Comprenez mon émotion» d’un certain 24 avril. Car dès l’entame de son discours sur l’état de la Nation - exactement dès l’attaque, la première phrase courte pour justifier sa présence devant ces deux Chambres du Parlement congolais réunies en Congrès - «rendre compte ce jour de l’état de la Nation devant les élus du peuple» - à la deuxième phrase, Joseph Kabila Kabange plonge dans le passé d’il y a quinze ans à son avènement à la tête du pays, au lendemain de l’ignoble assassinat de son père, Mzee Laurent-Désiré Kabila. «Quinze ans durant, les Congolaises et Congolais m’ont accordé leur confiance et assuré de leur soutien indéfectible». Que nous réserve Joseph Kabila Kabange, s’inquiètent - en se jetant un coup d’ œil - ses partisans qui ont pris d’assaut le vaste hémicycle, stupéfiés, suffoquant. Kabila n’en a cure. Il est reparti: «Il y a quinze ans en effet, la République démocratique du Congo, ce précieux héritage commun, était en lambeaux; un pays en ruines; un non état; divisé en quatre morceaux avec des administrations, des forces armées, voire des monnaies différentes». De s’y installer confortablement. Gare aux cardiaques! Déjà, un bruit court l’hémicycle. Un Député - Henri-Thomas Lokondo, Indépendant - s’est effondré, évanoui sans doute pour d’autres raisons. Il a été évacué vers un centre médical pour une prise en charge appropriée.
Pourtant, imperturbablement, impitoyablement, Kabila poursuit son massacre. Y reste, s’y installe même, s’y sentant manifestement parfaitement à l’aise. Que nous réserve-t-il? Après tout ça, que va-t-il nous dire?
Que ça!
C’est dans les trois dernières phrases de son discours - alors que l’hémicycle nourrit des sentiments contrastés - qu’il fixe.
En trois phrases, il a vidé un nauséabond climat qui durait, depuis plusieurs mois - sinon des années - avait pourri tout, au point que le moindre journaliste ne recherchait que ça! Voici comment il le dit: «Quant à tous ceux qui semblent se préoccuper à longueur de journées de mon avenir politique, je tiens à dire, tout en les en remerciant, que la République Démocratique du Congo est une démocratie constitutionnelle et que toutes les questions pertinentes relatives au sort des Institutions et de leurs animateurs sont réglées de manière satisfaisante par la Constitution».
Puis: «N’ayant jamais été violée, la Constitution sera toujours respectée, et ce, dans toutes ses dispositions».
Puis: «La préoccupation majeure, la seule qui soit légitime, devrait donc être, et demeure plutôt, celle de savoir quel avenir nous voulons offrir au Congo et aux Congolais».
Jamais avant.
Et l’artiste de s’extirper de la scène sur: «Que Dieu bénisse la République Démocratique du Congo»!
Pas avant d’avoir fait un tour de piste - pardon! de podium - en clameur -, la main en l’air pour le salut de triomphe... Puis, descendu dans la salle, de serrer des mains à la première rangée où avaient été installés des VIP. En véritable rock star, à la fin d’un meeting!
Sans aucun doute, jamais - de mémoire d’observateur politique - Kabila n’avait fait vibrer autant la foule en ces lieux.
Craignait-elle une «mauvaise blague» et que la fin étant intervenue sans anicroche - sans l’annonce redoutée, «Comprenez Mon émotion» - l’hémicycle conquis se lâche sur son idole? Le commentaire est sans équivoque.
Quand des officines ont décidé de vous diaboliser, vous avez beau faire, rien à faire. Voilà qui rappelle cette interpellation d’un paysan Nande au Kivu qui s’est trouvé face au Chef de l’état et que le Président de la République raconta un jour aux siens, à la ferme de Kingakati, banlieue-Est de la Capitale.
- Donnez-le leur; ils vous laisseront tranquille...
- Quoi donc leur donner? Si au moins je savais!, répond le Chef de l’état...
Comme pour dire qu’il y a des choses qu’un Dirigeant ne peut donner: l’honneur, la dignité, l’intégrité de son pays.
Car dans la deuxième partie de son discours, Joseph Kabila Kabange s’y engouffre et traite le mal en profondeur. Il dénonce qu’«une frange de notre population (soit) devenue le terrain fertile de l’expérimentation des stratégies insurrectionnelles diverses de certains acteurs politiques»; que nos jeunes se retrouvent «vulnérables face aux incantations démagogiques de certains politiciens et à l’instrumentalisation malveillante des certaines officines étrangères nostalgiques d’un temps pourtant bien révolu»; qu’il ne peut «permettre que (notre pays) soit pris en otage par une frange de sa classe politique, et exposé au risque d’instabilité»; que «notre pays a droit, comme tout état membre des Nations Unies, au respect de sa souveraineté et de son indépendance politique»; que - last but not least - il «n’entend pas transiger là-dessus».
L’hémicycle exulte. Du délire.
T. Matotu.