Tous sacrifiés
  • ven, 05/02/2021 - 12:59

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1516|VENDREDI 5 FEVRIER 2021.

Le premier à quitter la scène fut Benoît Lwamba Bindu. En juillet 2020, le visage de la Haute Cour du pays disparaissait sur la pointe des pieds abandonnant tout derrière lui. Un départ qui donna lieu à une vive polémique. L’ex-parti présidentiel PPRD reste sans voix. Inconsolable. Il croit rêver. Ce fut pourtant la réalité. Le tout puissant Haut Magistrat sur lequel le parti politique avait basé toute sa stratégie de vie et de survie avait bel et bien quitté la scène. De lui-même.

Face aux pressions politiques directes irréfragables, de moins en moins supportables venues des caciques de son ex-parti, il avoue son impuissance, jette l’éponge aux pieds du Président de la République auprès de qui il sollicite des facilitations afin qu’il s’en aille aussi loin que possible de la scène politique. Le Président lui ouvre les portes d’une Europe qui l’avait blacklisté - lui et des camarades de son désormais ex-parti - après des accusations de corruption électorales.

Le second personnage à faire ses adieux en abandonnant son marteau est Jeanine Mabunda Lioko Mudiayi. La toute puissante présidente de la Chambre basse ne s’était jamais imaginée que son tour viendrait, qu’il allait se précipiter, que les choses iraient si vite. Ce fut pourtant à la vitesse lumière...

Elue le 24 avril 2019 présidente du bureau de l’Assemblée nationale, les députés en majorité de son propre camp la destituent le 10 décembre 2020 : 281 voix contre 200. Dans la foulée, tout son bureau... Le troisième est le Premier ministre Ilunga Ilunkamba. Le 27 janvier 2021 - soit un mois et demi après la chute du bureau Mabunda - c’est donc au tour du Chef du Gouvernement de s’en aller. Sur 377 députés, 367 lui retirent la confiance, 7 votent contre, 2 s’abstiennent et un bulletin nul. Vote sans appel... L’un aprèsv l’autre, tous tombent. Sacrifiés. Restait un nom sur la liste : le président du Sénat, Alexis Thambwe Mwamba.

Mais revenons sur la chute du Premier ministre. Qui l’aurait cru? Ilunkamba fit fort de le rappeler. A peine la même assemblée venait de lui renouveler sa confiance par le vote du budget 2021...
Est-ce la même logique qui lui fait faire le voyage du Katanga jusqu’à la lointaine autre ferme de l’ex-président devenu définitivement un gentleman-farmer où il s’entend dire - discours repris par «sa communauté katangaise» qu’il vante - qu’il ne pouvait jeter l’éponge, qu’au contraire, il lui fallait poursuivre sa mission à la tête de l’Exécutif...

Ilunkamba l’écrit dans nombre de courriers. Y croit-il ou est-ce un baroud d’honneur? Il n’est pas question pour lui de s’en aller. Il ne reconnaît (toujours pas) le bureau d’âge qui est un bureau provisoire. Il attendra l’élection du bureau définitif de l’Assemblée nationale, seul habilité, à ses yeux, à traiter de son sort. Sans doute était-il loin de s’imaginer que les carottes, de toutes façons, étaient cuites... Mais l’outrage commençait à prendre corps.

Quand il voit le grand nombre de députés qui s’expriment contre lui, en tête des Katangais, Ilunkamba attend encore, explique-t-il, dans un courrier, qu’il en soit notifié. Mais par qui donc? Sans doute pense-t-il pouvoir arrêter le temps... Mardi 2 février, se sachant cerné, à la fois par la justice qui l’accuse de détournement de fonds publics (plus de 5 millions de $US passés de la banque à son domicile, puis l’IGF, Inspection Générale des Finances qui lui brandit, par courrier fuité sur les réseaux sociaux, 107 milliards de CDF - près de 600 millions de US$ - non retraçables) et par les sénateurs qui réclament son départ par motion de censure, Alexis Thambwe Mwamba lâche : «Nous sommes en démocratie.

Un poste ce n’est pas pour la vie. Si ceux qui m’ont élu décident de me désavouer, il n’y a aucun problème, je m’en irai...».
Cela ne l’empêche pas d’user de tous les artifices et d’abuser de son marteau pour déclarer la séance levée et précipiter la fin d’une session extraordinaire qui n’aura duré au final que moins de trois heures. Certainement la plus courte de l’histoire du Parlement congolais !

Sauf qu’à malin, malin et demi. Un caucus de sénateurs désormais inscrits sur les listes de l’Union Sacrée de la Nation prônée par le Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, portée à la foix par les Congolais que par les chancelleries occidentales et les chefs d’Etat africains, ne veut rien entendre. Il veut en découdre, et tout de suite, sans perdre une minute...Au tennis, cela s’appelle le Grand Chelem quand un joueur remporte au cours d’une même année les quatre tournois les plus prestigieux et les plus difficiles à gagner sur le circuit professionnel international.

C’est l’Open d’Australie à Melbourne en dur qui ouvre la troisième semaine de janvier; ce sont les Internationaux de France de tennis à Paris à «Roland-Garros» sur terre battue qui commencent la dernière semaine de mai ; c’est le tournoi de Wimbledon «The Championships» à Londres sur gazon qui débute la première semaine de juillet; c’est l’US Open à New York en dur qui débute la dernière semaine d’août.

A ce jour, ce sont des prodiges (Andre Agassi, Rafael Nadal, Serena Williams, Roger Federer et Novak Djokovic) qui sont parvenus à détenir les quatre titres du Grand Chelem simultanément.Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo et l’Union Sacrée de la Nation ont mis le cap sur le Grand Chelem. Il n’y a aucun doute.

REFONDATION.
Tout part du discours du 6 décembre 2020 qui s’inscrit dans l’histoire comme le discours fondateur de la nouvelle vision du Président de la République. Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo n’est pas allé par quatre chemins.

D’une part, explique-t-il, «le Gouvernement de coalition formé au lendemain de l’alternance politique intervenue en janvier 2019 (n’ayant) pas permis de mettre en œuvre le programme pour lequel (le Candidat n°20) a été porté à la magistrature suprême, que d’autre part, ce gouvernement n’a pas été capable de répondre aux attentes et aux aspirations de notre peuple, de même «le rejet de la coalition entre le Front Commun pour le Congo et le Cap pour le Changement» ayant été «mis en évidence à une écrasante majorité», ou le Président de la République se reconstitue «une nouvelle coalition réunissant la majorité absolue des membres au sein de l’Assemblée Nationale» pour accompagner sa vision d’«une démocratie exemplaire et d’un véritable État de droit», en clair, de lutte contre «le cancer de la corruption» et l’impunité, celui «de voir émerger un Congolais nouveau pour un Congo debout, entamant résolument sa marche vers le progrès» ou, «fort de ce que les raisons de dissolution sont réunies en ce qu’il existe effectivement une crise persistante cristallisée notamment par le refus du Parlement de soutenir certaines initiatives du Gouvernement comme ce fut le cas lors de la prestation du serment des membres de la Cour Constitutionnelle», le Chef de l’Etat usera «des prérogatives constitutionnelles qui (lui) sont reconnues, pour revenir vers (le) peuple souverain, et (lui) demander une majorité».

Un Président plus que jamais très décidé.
«Près de trois semaines durant, avec les représentants des différentes forces politiques et sociales du pays, j’ai eu le privilège d’aborder les sujets les plus préoccupants pour l’avenir de notre pays. J’ai recueilli des mémorandums, cahiers de charges, notes, projets et autres courriers aussi bien individuels que collectifs. J’ai été impressionné par la clarté des analyses et recommandations de mes différents interlocuteurs.

J’ai ressenti l’immense douleur, doublée de révolte, de mes compatriotes face à la situation d’instabilité et de guerre larvée qui perdure dans une partie du pays ; j’ai été anéanti par les témoignages renouvelés des victimes d’atrocités ; j’ai mesuré la soif, exprimée par tous, d’une démocratie exemplaire et d’un véritable État de droit; j’ai compris que notre peuple et la majorité de ses élites, ne supportent plus d’être pris en otage par le cancer de la corruption, des traitements discriminatoires, des discours creux et démagogiques; j’ai ressenti la lassitude de nombre d’entre vous, toujours plus impatients de voir des résultats concrets sur le front socio-économique changer leur quotidien et celui de leurs enfants.

J’ai pris bonne note des attentes précises de chaque catégorie consultée, ainsi que celles spécifiques aux différentes provinces».

Le Président de la République avait mis un nouveau cap pour le Congo et pour ses populations.
C’’était bien clair : ou ça passe ou ça casse, advienne que pourra. Nulle autre perspective n’avait été envisagée...
D. DADEI.


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