- dim, 05/02/2023 - 18:09
En intégralité le mot de bienvenue au pape prononcé le mardi 31 janvier 2023 au Palais de la Nation, par le président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, devant la classe politique, des membres de la société civile et du corps diplomatique. Ci-après :
Sa Sainteté, c’est avec une grande joie que le peuple congolais et moi-même saluons l’honneur que vous faites à la République Démocratique du Congo en acceptant d’y effectuer, à partir de ce jour, votre visite pastorale sous le thème «Tous réconciliés en Jésus-Christ».
Le peuple congolais vous accueille dans la joie et l’allégresse, comme il l’avait fait pour votre Vénérable prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, d’heureuse mémoire, lors de ses deux visites pastorales en République Démocratique du Congo, alors République du Zaïre.
Au nom de l’ensemble de notre peuple, dans la diversité de ses sensibilités religieuses, au nom de tous ceux qui sont présents, de ceux qui, pour des raisons diverses, n’ont pu effectuer le déplacement, ainsi qu’au mien propre et, en celui de ma famille, je vous souhaite la Bienvenue.
Sa Sainteté, la République Démocratique du Congo est un grand pays au cœur du continent africain, constitué de 26 provinces dans lesquelles vivent plus de 450 tribus.
Ces populations ont une riche et harmonieuse diversité culturelle ; et celle-ci, plutôt que d’être un facteur de séparation, s’est muée au fil de l’histoire de notre nation, en un ferment à l’avènement d’une terre de paix et d’hospitalité ainsi qu’une terre d’accueil pour les peuples d’Afrique et du Monde.
Sa Sainteté, si la République Démocratique du Congo a proclamé la laïcité de l’État comme principe constitutionnel, la vie de nos populations demeure, elle, profondément liée à des convictions religieuses qui traduisent le dynamisme et la vitalité de leur foi.
Ces convictions structurent notre agir collectif, et la vie de nos familles reposent en grande partie sur ces valeurs religieuses. Au nombre de celles-ci figure, notamment, l’hospitalité qui s’impose comme une valeur cardinale partagée par l’ensemble de nos familles et de notre peuple.
Malheureusement, il y a lieu de constater qu’au cours de ces trois dernières décennies, cette hospitalité qui nous caractérise a été mise à mal par les ennemis de la paix et les groupes terroristes, venus essentiellement des pays voisins. Ce malheur qui dure depuis près de trente ans fait aujourd’hui d’une partie de notre territoire en proie à ces violences, une zone en rupture de paix où, outre les groupes armés, les puissances étrangères avides des minerais contenus dans notre sous-sol commettent, avec l’appui direct et lâche de notre voisin le Rwanda, de cruelles atrocités faisant ainsi de la sécurité le premier et grand défi du Gouvernement.
En effet, à la faveur de l’inaction et du silence de la communauté internationale, plus de 10 millions de personnes ont déjà été atrocement arrachées à la vie. D’innocentes femmes, même enceintes, sont violées et éventrées, des jeunes gens et enfants égorgés, des familles, des vieillards ainsi que des enfants condamnés à braver la fatigue et l’épuisement afin d’errer hors de leurs maisons à la recherche de la paix, en raison des exactions commises par ces terroristes au service des intérêts étrangers.
Nous ne pouvions et nous ne pourrons demeurer coi face à une telle injustice et un tel silence complice de la communauté internationale. À cet égard, sachez que je n’ai pas manqué de désigner le responsable et d’interpeller la communauté internationale, lors de ma dernière intervention à la Tribune des Nations Unies, ceci au nom de toutes les Congolaises et de tous les Congolais.
Soyez rassuré, en outre, sur le fait que la République Démocratique du Congo assume et continuera d’assumer ses responsabilités, notamment celle, consistant en la défense de l’intégrité de son territoire avec l’aide de son peuple; car, nonobstant ce tableau sécuritaire préoccupant, le patriotisme ainsi que la détermination du peuple congolais pour la défense de sa patrie font sa force. Sachez, Sa Sainteté, que le peuple congolais demeure et demeurera un peuple grand, un peuple uni et fort face à toute menace faite à l’intégrité de son territoire et à la survie de sa nation. À ce propos, je me réjouis de votre volonté de recevoir une délégation de cette population meurtrie de l’Est de notre pays qui, je suis convaincu, vous permettra de vous saisir de cette résilience inouïe qui, aujourd’hui, plus qu’avant, nous définit et nous caractérise comme nation. Aussi, au-delà de la diversité de leurs convictions religieuses, ces populations demeurent sensibles à votre présence sur le sol congolais et l’écho de votre visite pastorale, tout autant que votre prière sur la terre de nos ancêtres, leur apporteront réconfort. Je saisis donc cette occasion, pour vous remercier de vive voix, au nom de l’ensemble de la population congolaise, pour l’intérêt que vous avez toujours accordé à la situation sécuritaire de notre pays dans votre prière fervente pour la paix dans sa partie Est.
Sa Sainteté, le deuxième défi du Gouvernement est d’ordre économique en lien avec les valeurs de partage, d’équité et de responsabilité. Je suis convaincu que ces valeurs incarnées dans notre agir collectif comme citoyens et responsables politiques peuvent servir de base à l’édification d’une société plus juste et plus humaine.
En effet, avec son riche potentiel économique, la République Démocratique du Congo renferme dans son sous-sol l’essentiel des ressources minérales dont le monde a aujourd’hui besoin pour assurer la transition écologique et la protection de l’environnement. Qualifié de scandale géologique quant à l’ampleur de ses richesses et de son potentiel minier, il demeure qu’à ce jour, ces immenses potentialités ne profitent toujours pas aux Congolais. Notre responsabilité, consiste à ne laisser personne au bord du chemin qui mène au développement économique en œuvrant ensemble pour le bien-être collectif dans le but d’éradiquer la pauvreté.
Si, sur ce chemin, les embûches sont nombreuses, elles ne sont pas insurmontables, en témoigne, l’engagement du Gouvernement d’inclure dans le système éducatif national les plus pauvres et les plus démunis en rendant effectif le principe pourtant constitutionnel de la gratuité de l’enseignement de base, non appliqué durant de nombreuses années. Le bénéfice de cette décision courageuse et osée est indéniable pour l’avenir de nos enfants et l’édification du Congo de demain. C’est ici l’occasion, pour moi, de rendre un hommage mérité à l’Église Catholique en République Démocratique du Congo pour les services rendus dans ce domaine. En effet, les différents gouvernements qui se sont succédés ont toujours entretenu et consolidé le partenariat avec l’Église et, en particulier, l’Église catholique pour assurer en amont l’éducation et la gestion des infrastructures éducatives et hospitalières en vue de satisfaire les besoins sociaux de base, en particulier, en matière d’éducation et de santé.
Cependant, et afin de pérenniser les efforts engagés, il s’est avéré nécessaire d’adapter les moyens économiques et financiers aux défis de l’évolution démographique et la densité des populations. C’est dans cette optique, que nous encourageons et exigeons des partenariats mutuellement avantageux dans l’exploitation de nos richesses, afin qu’ils concourent à l’accroissement des possibilités d’emploi ainsi qu’à l’amélioration des conditions de vie de nos populations ; tout en œuvrant résolument à lutter contre la corruption et la fuite de capitaux de sorte que ces ressources servent réellement l’intérêt de tous.
Sa Sainteté, le troisième grand défi est celui de la protection de l’environnement. En effet, pour ce qui est de ce défi, le Gouvernement de la République et moi-même, partageons les valeurs défendues dans votre Encyclique «Laudato si», publiée en 2015, sur l’un des principaux défis auxquels l’humanité est confrontée actuellement, à savoir la lutte contre le réchauffement climatique. Tout en me réjouissant de ce que la lutte contre les changements climatiques constitue votre cheval de bataille, la République Démocratique du Congo et son gouvernement sont très sensibles à l’urgence et à la responsabilité qui incombe à l’humanité dans la construction de l’avenir de la planète et la protection de notre Maison commune.
À l’intérieur du pays, la protection de l’environnement est une composante de notre responsabilité dans l’ouverture du pays à l’exploitation des ressources et des énergies fossiles. C’est ainsi que tous les marchés agréés avec des partenaires désireux d’exploiter nos ressources naturelles ne peuvent être régulièrement conclus sans qu’une étude sérieuse et préalable de l’impact environnemental du projet à exécuter, soit réalisée. En outre, le Gouvernement met un soin particulier à la protection de la biodiversité dans les parcs naturels disséminés sur son territoire où des espèces rares et d’importance, pour l’équilibre de cette biodiversité, souffrent encore de l’insécurité et où des animaux, y compris ceux en voie de disparation, sont victimes eux aussi de la barbarie des groupes armés.
Tout récemment encore, nous avons lancé avec beaucoup de précautions, des appels d’offres pour l’exploitation, dans le strict respect des règles et principes de protection de l’environnement, de quelques gisements pétroliers, en faisant recours à de l’expertise avérée en ce domaine.
Dans le contexte de la récession économique consécutive à la crise post-Covid et du conflit armé en Ukraine, ce choix judicieux permettra, sur le long terme, à notre économie d’amortir durablement le choc lié à ces crises et de permettre à notre peuple de tirer enfin avantage des richesses de son sous-sol.
En tout état de cause, les membres du Gouvernement de la République et moi-même, n’arrêtons pas de réitérer cet engagement, tel que ce fut le cas au cours de la XXVIème Conférence des Parties à la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques, où nous avons présenté la République Démocratique du Congo, à la face du monde, comme «pays solution» à la crise climatique et la lutte contre les changements climatiques.
En effet, notre pays dispose de 165 millions d’hectares de forêt, deuxième plus grande forêt tropicale du monde, une grande réserve de biodiversité, avec comme principal atout sa capacité d’absorption de carbone, la première au monde, capable d’absorber près de 1,2 milliard de tonnes de dioxyde de carbone par an.
C’est pourquoi, pour mieux protéger nos forêts, nous avons toujours milité pour une justice climatique afin que les plus grands pollueurs, qui sont à la base de la destruction de l’environnement, versent des compensations aux gardiens de la planète que nous sommes. Ces compensations, pourraient nous permettre de renforcer nos capacités dans la poursuite et la réalisation d’investissements innovants ainsi que dans le développement d’infrastructures dans les énergies renouvelables et la gestion des déchets.
Enfin, je suis fermement convaincu que l’éloignement des menaces sécuritaires dans notre pays contribuera à coup sûr à l’efficacité de la lutte contre les changements climatiques et la protection de l’environnement.
Sa Sainteté, tels sont les principaux défis, parmi tant d’autres, de notre pays qu’avec la détermination de son peuple et l’appui de ce dernier, nous ne manquerons pas de relever. Votre visite pastorale contribuera sûrement à renforcer cette détermination et notre peuple est disposé à accueillir votre message de paix, d’espoir, de réconfort, d’affermissement et de fraternité.
Je voudrais ainsi clore mon propos, en vous souhaitant, au nom de l’ensemble de notre peuple, un agréable séjour pastoral en République Démocratique du Congo.
Soyez le bienvenu ou, comme on le dit chez-nous, dans nos quatre langues nationales : Boyei bolamu ! Difika Dilenga ! Kwisa mbote ! Karibu kwetu !
Je vous remercie.