- lun, 26/06/2017 - 05:12
L’homme bling-bling se décidera-t-il d’affronter la justice en acceptant de regagner le pays et, éventuellement, de passer quelques jours en détention?
Moïse Katumbi Chapwe rejoint cette fois par celui qui est resté à ce jour le plus effacé parce que le plus prudent mais le plus stratège et le plus pragmatique des dirigeants du G-7, l’ancien ministre de l’Environnement et mobutiste assumé José Endundo Bononge apparu ces jours-ci dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux s’exprimant en lingala, la langue la plus parlée du pays, pour se faire mieux comprendre, a annoncé son retour au Congo. Après plusieurs fausses annonces, notamment celle sur les marches de la Basilique de Koekelberg, à Bruxelles, avec le retour avorté des restes de l’icône de l’opposition Etienne Tshisekedi, cette fois serait-elle la bonne?
Pour faire cette annonce, l’ancien gouverneur crésus a dû recourir aux services d’un des meilleurs avocats de la place parisienne, Me Eric Dupond-Moretti, pénaliste hyper médiatique qui détient à son actif plus de 120 acquittements. L’avocat surnommé «Acquittatore», est aussi celui qui défend le clan gabonais Bongo dans l’affaire des biens mal acquis. Il a défendu Najébe Oulmoudène dans l’affaire de l’agression mortelle à Paris en 2007 de Brahim Deby, le fils aîné du président tchadien Idris Deby Itno.
Signe si besoin est, que pour la défense de ses intérêts et pour son image médiatique, il ne regarde pas à la dépense... Celui qui a mis en jachère 18 millions de dollars pour sa com’, avoue sans ambages: «Je ne suis pas allé en politique les poches vides et j’use de mon argent pour défendre les intérêts des Congolais, où que je sois. Je continuerai de me battre, même si c’est pour perdre tous mes biens».
RETOUR «CETTE FOIS IMMINENT».
Du coup, Me Eric Dupond-Moretti a mis les petits plats dans les grands et conseillé son client de prendre la route du Palais Wilson à Genève à la rencontre du Haut-Commissaire aux Nations unies pour les droits de l’homme, le prince jordanien Zeid Ra’ad Al-Hussein. Une correspondance de ce prince datée du 13 juin, faisant suite à une plainte déposée onze jours plus tôt contre l’Etat congolais accusé d’empêcher son client de regagner le pays et de faire campagne, a suffi pour faire le bonheur du candidat à la Présidentielle congolaise. Le prince jordanien rappelle un principe immuable: l’obligation pour un Etat de laisser revenir un citoyen candidat à une élection et d’assurer sa sécurité.
Moïse Katumbi Chapwe qui n’a pas boudé son plaisir, a immédiatement convoqué, trois jours plus tard, le 16 juin 2017, une méga conférence de presse dans le bureau parisien sculpté de son avocat pour faire la grande annonce: son retour - «cette fois imminent» au Congo.
Flanqué à sa droite de son tout nouveau porte-parole, l’ancien ministre (Majorité Présidentielle) du Plan, Olivier Kamitatu Etsu, friand des médias et, l’oreille tendue, écoutant dans le détail le propos du pénaliste, d’annoncer la grande équipée vers le Congo pour la presse planétaire. «Tenez-vous prêts. Il y aura des places pour tous dans l’avion». Assurant que la MONUSCO observera, veillera, interviendra. On ne sait jamais!
OKE dont nul ne sait s’il tient toujours les rênes de son parti ARC/G-7/RASSOP, rêve d’un retour de rock star. Avec un million de Kinois déversés le long de l’itinéraire qu’empruntera l’escorte... «présidentielle». Au risque d’offusquer les durs de l’UDPS, il veut faire le remake du retour de Tshisekedi fin juillet 2016. Si le roi Tshisekedi est mort, vive le roi Moïse...
Mais, qu’est-ce qui a empêché à ce jour Moïse Katumbi Chapwe de revenir au pays? Avait-il jamais été interdit de retour? On sait que c’est à sa demande faite via ses médecins et ses avocats dont l‘UDPS Jean-Joseph Mukendi wa Mulumba que l’ex-gouverneur avait été autorisé par courrier par le procureur général de la République Flory Kabange Numbi à aller se faire soigner à l’étranger. Moïse Katumbi Chapwe était alors entendu par le parquet général dans au moins deux affaires: celle de l’expropriation d’un immeuble d’un ressortissant grec et celle de recrutement des mercenaires. Inculpé pour «atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat», il avait été placé sous mandat d’arrêt provisoire par le parquet général de Lubumbashi. Deux dossiers qu’il conteste...
Pour sa défense, mieux sa protection, l’ancien gouverneur avait dû appeler des centaines de jeunes à l’accompagner à son audition en faisant venir également de la Capitale de grosses gueules de l’opposition, ralliées à sa cause. Cela n’aurait pas suffi à le mettre en confiance. Puisque cet homme avide des bains de foule accusa directement le Président Kabila d’avoir tenté de l’éliminer en usant d’une seringue empoisonnée. Une hospitalisation à Lubumbashi ne put guère l’en convaincre du contraire. Il exigea des contrôles médicaux plus poussés à l’étranger.
Le 20 mai 2016, il se rendit en Afrique du Sud par avion médicalisé. De là, libre, sans autre forme de procès, il poursuivit son voyage jusqu’à Londres. Depuis, on le voit entre Londres, Bruxelles, Paris, Washington et New York. À ceux qui mettaient en doute son empoisonnement, il promit, lors de prises de parole publiques sous des voûtes dorées et soignées par ses communicants, de publier «très bientôt» les résultats des analyses médicales. Cela fait des mois déjà!
LA GRANDE CONTRAINTE.
Le ministre de la Justice et Garde des Sceaux Alexis Thambwe Mwamba désormais diabolisé - même par ses plus proches amis des rébellions RCD et MLC en tête José Endundo Bononge et Olivier Kamitatu Etsu dont certains disent qu’il aurait installé le parti ARC dans le Maniema, certes la politique est impitoyable! - et de retour au pays depuis dimanche 25 juin, sans jamais été inquiété contrairement à ce qu’annonçaient des médias et des réseaux sociaux congolais enragés, a bien joué lors de son séjour européen.
A l’envi, ATM a répété n’avoir à aucun cas, voulu empêcher le retour de l’ex-gouverneur du Katanga. Sauf que s’il revient, crésus se retrouvera dans la situation où il avait quitté le pays.
En clair, il devra se présenter devant un procureur général, accompagné certainement de son meilleur avocat, Me Eric Dupond-Moretti. MKC aura affaire non au Gouvernement mais à la Justice. Or, devant cette même justice - devant le PGR, Moïse Katumbi Chapwe avait pris des engagements stricts.
L’autorisation à se rendre à l’étranger pour des soins médicaux répondait à une requête en expatriation. Et le requérant «était astreint au devoir de réserve en ce qui concerne les faits ayant donné lieu à l’instruction du dossier judiciaire en cours». Le non-respect de cette condition, avait précisé le PGR Flory Kabange Numb, «l’amènera à retirer l’autorisation accordée». A-t-il respecté cet engagement? A la justice de délibérer... Elle pourrait être clémente! Mais l’homme bling-bling se décidera-t-il à l’affronter en acceptant de venir et de passer quelques jours en détention? Très peu d’observateurs le connaissent courageux...
Il y a un autre aspect plus gênant: sa candidature à la Présidentielle. La Constitution que tous invoquent pourrait bien se retourner contre l’un de ses plus fervents défenseurs.
Avec cette malice qui le caractérise, ATM a lancé une belle pierre dans le jardin de MKC. Il lui a rappelé la Constitution que l’ex-Gouverneur invoque tant. Lui, Moïse Katumbi Chapwe, qui s’est annoncé candidat à l’élection présidentielle, aurait oublié la grande contrainte...
Or, «nul ne peut être candidat à l’élection du Président de la République s’il ne remplit les conditions ci-après: 1. posséder la nationalité congolaise d’origine; 2. jouir de la plénitude de ses droits civils et politiques; 3. ne pas se trouver dans un des cas d’exclusion prévus par la loi électorale» (art 72).
Or, déjà, sur la nationalité, Moïse Katumbi Chapwe a un problème. «La nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec aucune autre» (art. 10).
Or, tous les documents à la disposi
tion de l’administration congolaise attestent que l’ex-gouverneur du Katanga a usé du faux pour faire valider sa candidature à la CENI, la Commission Electorale Nationale Indépendante, obtenir un mandat de Député national, de Député provincial (au Katanga) et de gouverneur de province. Connu au Congo au nom de Moïse Katumbi Chapwe, il dispose de plusieurs identités: Soriano Moses Katumbi (nom utilisé en Zambie), Katumbi Moïse D’Agnano (nom apparaissant dans ses contrats des sociétés Offshore dans les Îles Vierges et en Île Maurice), D’Agnano Moïse Katumbi (nom repris dans son passeport italien) et... Moïse D’Agnano Katumbi (nom repris dans des contrats des sociétés Offshore à Panama).
S’il s’agit du même homme - puisqu’il est partout repris qu’il est né à Kashobwe, un 28 décembre 1964, territoire Lubudi (territoire d’origine de sa mère) même si lui-même se déclare être originaire du territoire de Kasenga, province de Lualaba (province d’origine de sa mère), qu’il est le fils de Nissim Soriano, sujet grec d’origine italienne, originaire de l’île de Rhodes près de Chypre, à l’époque contrôlée par l’Italie, ayant fui, au début des années 40, la IIème guerre mondiale, pour s’installer au Congo-Belge, dans l’ex-Province du Katanga, près du Lac Moero - cela donne le tournis.
Moïse Katumbi Chapwe (ou Moses Soriano D’Agnano) est issu de l’union du Grec Nissim Soriano et de Mme Virginie Mwenda, originaire de Bunkeya, territoire de Lubudi, de la tribu Sanga. Il s’est uni à plusieurs femmes et vit aujourd’hui avec Carine Nahayo, une Belge d’origine burundaise. Moïse Katumbi Chapwe (ou Moses Soriano D’Agnano) dispose de plusieurs nationalités: congolaise par sa mère, zambienne par acquisition, italienne par son père.
Le 15 juillet 2003, Moïse Katumbi Chapwe (ou Moses Soriano D’Agnano) qui détient un passeport italien (n°Y149373) sollicite, au titre d’étranger, un visa d’établissement permanent au Congo. Demande est faite en bonne et due forme auprès du Service d’immigration de la DGM qui le lui accorde le 17 juillet 2003 sous le n° 03202/035573/DGM/03.
OPPOSITION POUR INDIGNITE.
Aujourd’hui encore, Moïse Katumbi Chapwe (ou Moses Soriano D’Agnano) détiendrait un passeport italien (n° YA1813201) délivré le 10 juin 2011 par le ministère italien des Affaires Etrangères, sous le nom de D’Agnano Moïse Katumbi.
Mais le 10 octobre 2016, l’ex-gouverneur du Katanga adresse une lettre au ministère italien des Affaires Etrangères voulant renoncer à la nationalité italienne acquise le 19 mai 2001 et transcrite à la Commune de San Vito Dei Normani au n°2, du Registre des nationalités en date du 25 janvier 2002. Il dit vouloir retrouver le nom reçu à sa naissance, celui de Katumbi Moïse Chapwe. Cette perte de la nationalité congolaise qui résulte de l’acquisition d’une nationalité étrangère - l’acquisition d’une nationalité étrangère est la conséquence du principe constitutionnel de l’unicité et de l’exclusivité qui veut que la nationalité congolaise est une et exclusive, ne pouvant être détenue concurremment avec une autre nationalité - le recouvrement de la nationalité congolaise implique l’accomplissement des conditions prévues par la loi sur la nationalité. Aux termes de l’article 30 de la loi, ce recouvrement de la nationalité congolaise de la personne qui établit avoir possédé la nationalité congolaise résulte d’un Décret ou d’une déclaration suivant les distinctions fixées aux articles 31 et 32 de la présente loi.
Le recouvrement par voie de Décret concerne les sujets étrangers ayant acquis la nationalité congolaise et qui l’ont perdue lors de l’acquisition d’une autre nationalité. Le recouvrement par simple déclaration vise les Congolais d’origine qui ont perdu la nationalité congolaise par le fait de l’acquisition d’une nationalité étrangère. Le requérant au recouvrement de la nationalité dépose sa déclaration adressée au Ministre de la Justice et Garde des Sceaux par le truchement de la Direction de la Chancellerie du Ministère et ce, conformément au prescrit de l’article 34 de la loi qui dispose:
«Toute déclaration en vue d’acquérir la nationalité congolaise, d’y renoncer ou de la recouvrer dans les cas prévus par la présente loi doit satisfaire aux conditions suivantes»:
1. Être présentée en double exemplaire;
2. Comporter élection de domicile en République Démocratique du Congo de la part de l’intéressé;
3. Comporter la signature légalisée de l’impétrant;
4. Être accompagnée des documents qui sont déterminés par Arrêté du Ministre de la Justice et Garde des Sceaux délibéré en Conseil des Ministres;
5. Être adressée au Ministre de la Justice et Garde des Sceaux par lettre recommandée avec accusé de réception ou par porteur contre récépissé après remise des pièces requises.
L’arrêté ministériel n°261/CAB/MIN/J/2006 du 04 juillet 2006 portant certaines mesures d’exécution de la loi n°04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise détermine, en son article 8, les documents à produire à l’appui d’une déclaration de recouvrement de la nationalité congolaise. L’on ne peut solliciter le recouvrement de la nationalité congolaise qu’après avoir renoncé à la nationalité étrangère pour prévenir le cumul de nationalités.
Reste que le recouvrement n’est pas automatique dès lors qu’aux termes de l’article 33 de la loi, le Gouvernement peut s’opposer au recouvrement de la nationalité congolaise de l’impétrant pour indignité, explique Alexis Thambwe Mwamba (Le Soft International n°1380 jeudi 24 novembre 2016, De la Nationalité Congolaise). Certes, comme pour toutes les décisions administratives, le rejet par le Gouvernement pour indignité, devra être motivé. Si ces conditions sont réunies, le recouvrement sollicité de la nationalité produira alors des effets. La campagne menée à l’étranger constitue-t-elle un cas d’indignité? Reste que le fait d’adresser une lettre à l’Ambassade du pays dont on a acquis la nationalité, pour renoncer à cette dernière, ne donne guère lieu, en Droit, au recouvrement automatique de la nationalité congolaise.
T. MATOTU.