- mer, 03/05/2023 - 09:49
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1581|MARdi 2 MAI 2023.
Fabrice Lusinde wa Lusangi Kabemba, Directeur Général de la Snél suspendu de ses fonctions et fort probablement en voie d'être remplacé à son poste quand il appartiendra au président de la République de décider de signer une ordonnance, a-t-il payé comptant une série de fautes de gestion commises par son prédécesseur Jean-Bosco Kayombo Kayan ? La ville haute grouille de partout sur le sort qui s'est abattu si vite sur ce dirigeant après la mesure de suspension prise mardi 18 avril 2023 par la ministre d'État en charge du Portefeuille, Adèle Kayinda Mayina qui faisait écho à une motion sous forme de recommandation prise par l'Assemblée nationale réclamant « la révocation
dans les 48 heures » de ce Directeur Général « pour cause d'incompétence et d'inefficacité dans la gestion de la société ».
À en croire la ville haute, une semaine avant qu'il ne quitte son poste, informé de l'imminence de la publication d'une ordonnance présidentielle mettant fin à ses fonctions, Jean-Bosco Kayombo Kayan s'est précipité à signer une série d’accords d'avance de fonds avec la firme chinoise Tenge Fungurume Mining, TFM. Un total de 90 millions de $US en ajoutant divers autres frais.
Aux termes de ces accords, la Société Nationale d'Électricité s'est engagée à rembourser ces 90 millions de $US sur une période de deux ans, à raison de 6 millions de $US par mois mais sur les factures de d'électricité consommation par l'entreprise minière chinoise.
Selon la ville haute, ces 90 millions de $US auraient été versés en espèces sans que nul ne dévoile pour l'instant à qui ces sommes ont été versées mais les travaux ayant justifié ces versements effectués par la firme chinoise ne sont visibles nulle part.
EN ATTENTE D'UNE DÉCISION DÉFINITIVE.
Fabrice Lusinde wa Lusangi Kabemba avait été interpellé par le député national Prosper Bukasa (une question orale avec débat) et, après échange et débat, la chambre basse a approuvé par vote à main levée trois des quatre recommandations dont la révocation « dans les 48 heures » du Directeur Général « pour cause d'incompétence et manque de vision claire dans la gestion de l’entreprise ». Problème: nommé à ce poste par une ordonnance présidentielle, il ne peut en sortir, en respectant la procédure légale, que par la même voie. Or, une ordonnance présidentielle requiert une procédure. Pour faire écho à la motion de la chambre basse, un arrêté ministériel de la ministre d’État au Portefeuille a donc été pris, en attendant que le président de la République prenne le temps de décider de la suite à donner à ce dossier.
Le vin était tiré. Il faut le boire. C'est la charge qu’avait la ministre du Portefeuille : une mesure de suspension en faisant assumer provisoirement le poste de Directeur Général à celui qui était encore l'adjoint du Directeur Général.
Qu'en est-il de ces accords passés avec Tenge Fungurume Mining ?
Le premier accord porte sur « la réhabilitation et la modernisation de la ligne 220 KV Fungurume-Panga L.41 ». « Il a pour objet le financement par TFM SA en faveur de Snél SA du projet de réhabilitation et de la modernisation de la ligne 220 KV Fungurume-Panda L.41 du réseau de transport sud ». Il vise à « satisfaire les besoins en énergie électrique exprimés par TFM » (art. 1). Montant versé par Tenge Fungurume Mining : 31.322.436,63 $US (trente et un millions trois cent vingt-deux mille quatre cent trente-six, soixante-trois cents $US). Le deuxième est un « accord de financement portant sur la réhabilitation et la modernisation de la ligne 220 KV Panda-Karavia ». Il a « pour objet le financement par TFM SA en faveur de Snél SA du p0rojet de réhabilitation et de la modernisation de la ligne 220 kV Panda-Karavia L.61 du réseau de transport Sud » (et vise) à « satisfaire les besoins en énergie électrique exprimés par TFM » (art. 1). Montant versé par Tenge Fungurume Mining : 28.977.266,55 $US (vingt-huit millions neuf cent soixante-dix-sept mille deux cent soixante-six, cinquante-cinq cents $US). Le troisième est un « accord de financement portant sur la construction des travées 220 KV des lignes L.41/44, L.61/64 du réseau de transport Sud de Snél (Kwatebala 1 et 2) ». Il a pour objet « le financement par TFM SA en faveur de Snél SA du projet de construction des travées 220 kV des lignes L.41/44, L.61/64 du réseau de transport Sud et Kwatebala 1 et 2 pour satisfaire les besoins en énergie électrique exprimés par TFM » (art. 1). Montant versé par la firme chinoise : 20.942.636,82 $US (vingt millions neuf cent quarante-deux mille six cents trente-six virgule quatre-vingt-deux cents $US).
En parcourant ces trois accords, tout paraît pertinent dans les préambules. Signe que tout a été minutieusement pensé. Tel ce contrat invoqué, dans l’un des accords, signé le 5 décembre 2006 entre la Snél et TFM portant « fourniture d'énergie électrique en haute tension qui a été complété et modifié par les avenants n°1, 2, 3 et 4 signés respectivement en dates des 26 août 2008, 6 mai 2020, 7 mai 2021 et 9 octobre 2021, en vertu desquels Snél SA s'est engagée à fournir une puissance souscrite maximum de 350 MW dont 200 MW à fournir à partir du parc de production de Snél SA et maximum 150 MW à fournir, en partie ou en totalité, au moyen de l’importation auprès des partenaires ». Ou cet accord de financement (l’«Accord de Financement du 3 juillet 2007») signé le 3 juillet 2007qui a été complété et amendé par les avenants n° 1 et 2 respectivement en dates des 26 août 2008 et 11 janvier 2013, dans lesquels TFM SA avait consenti de mettre à disposition un financement initial remboursable par Snél SA, d'un montant de 45 millions de $US pour la réhabilitation des Groupes 1, 2 et 4 de la Centrale de Nseke et la réhabilitation et l'extension des réseaux de transport associés au Projet Nseke ». Ou cet autre « accord de financement supplémentaire d'un montant de 95 millions de de $US signé le 26 août 2008 » visant à étendre les travaux du projet Nseke en vue d’inclure la réhabilitation du Groupe GR3 de la Centrale de Nseke et de couvrir les coûts additionnels de l'étendue des travaux conformément aux termes de l'Accord de Financement du 3 juillet 2007 ».
Des décisions prises en conseil des ministres sont aussi rappelées dans ces accords tout comme les instructions des ministres sectoriels telle celle du 8 juillet 2022 du Vice-premier ministre en charge de l’Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires coutumières, du ministre des Ressources Hydrauliques et Électricité (lettre n°1146/CAB-MIN/RHE/OMM/JMA/GNM/2022 du 8 juillet 2022) visant à «proposer des mesures efficaces pour éradiquer la recrudescence des actes de vandalisme contre les installations de Snél SA», de la ministre d’État au Portefeuille (lettre n°01176/MINPF/KTL/AKM/2022 du 2 août 2022).
TOUT PARAÎT LÉGAL SAUF LA PROCÉDURE.
En clair, tout y est. Tout est invoqué. Tout est légal. Sauf que ces trois accords tous signés le même jour, le 1er septembre 2022, Jean-Bosco Kayombo Kayan et le Chinois Jun Zhou l'ont été sans avoir suivi la procédure requise, sans l'aval express ni du conseil d'administration, ni de l'Assemblée générale de la Snél. C'est le Directeur Général Jean-Bosco Kayombo Kayan qui, seul, a signé à Kinshasa, ces accords avec le patron chinois de Tenge Fungurume Mining. À qui Kayombo Kayan a-t-il remis les fonds ? Avec qui, il les a partagés ? Fabrice Lusinde wa Lusangi Kabemba a-t-il remis en cause ces accords ? Ceux qui en avaient tiré profit attendaient-ils au tournant Fabrice Lusinde mis face aux élus pour lesquels nombre de gens n'ont aucun respect en rappelant que pour l'essentiel, ils ont été fabriqués par des mentors qu'ils ont aussitôt lâchés. Mais, au fait, qui, dans ce pays, pourrait prendre position pour la Snél ? « Nous ne sommes pas le peuple. Nous ne sommes que la représentation du peuple. En ce moment, le peuple souffre. Quelque part, il y a des femmes qui accouchent avec la lumière d’un téléphone. Il y a un quelqu’un qui a perdu toute sa marchandise à cause du manque d’électricité. Que dire des couturières qui ont cessé de travailler ? Le vrai peuple se fout de savoir qu’ici il y a eu des commissions, il y a des auditions, il y a des rapports. Ce que le peuple veut c’est l’électricité », déclare la députée Christelle Vuanga. « Même un enfant de deux ans. Si vous lui demandez pourquoi il n’y a pas de courant électrique, il vous dira que c’est le FEDER. Nous connaissons tous ça, le délestage, FEDER, dans un pays où on parle de scandale hydroélectrique ».
Puis, cette élue de se tourner vers Lusinde sur la question de l’éclairage publique désormais dans les factures de la Snél quand à la nuit tombée, la ville plonge dans le noir. « Où va cet argent ? » Au fait, quel fou prendrait aujourd’hui la défense d’un dirigeant de la Snél?
D. DADEI.