Ce qu’il va dire
  • ven, 22/06/2018 - 03:09

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
La prise de décision relève du domaine du solitaire.

Medias et chancelleries ont pris la course. A qui chipera la première copie. Vers qui déboulera la moindre petite fuite de la moindre petite mouture. Depuis peu, un short team planche dans le plus grand secret sur le dossier jusqu’à des heures indues quand les aiguilles de la montre tournent imperturbablement, que les chancelleries donnent trop publiquement de la voix, tonnent sans désormais la moindre petite retenue. Les dernières déclarations qui feront à nouveau débat sont celles parues dans JA à Paris que l’hebdomadaire franco-tunisien attribue au président rwandais Paul Kagame. Certainement les plus dures à ce jour qui montrent une nervosité des voisins à fleur de peau. Signe que les réseaux des communications ne passent pas. Tous sont aux aguets sinon à l’affût. Le short team a mission de mettre toutes les hypothèses sur la table sans lever aucune option que le Président de la République seul lèvera quand il aura tourné et retourné tout. La prise de décision relève du domaine du solitaire. Mais chacun veut avoir une préfiguration de ce qui sera annoncé. Médias et chancelleries détestent la surprise. Tout s’achète et à prix d’or à cette bourse d’infos. Les prix s’envolent chaque jour. Mais on sait désormais que d’ici le 20 juillet, soit dans un maximum d’un mois, le Chef de l’Etat va parler. C’est le président de l’Assemblée nationale par ailleurs secrétaire général de la Majorité de la Majorité Présidentielle Aubin Minaku Ndjalandjoku, qui en a fait l’annonce à l’ouverture mercredi 20 juin de la session extraordinaire du Parlement.
«J’annonce ici qu’au cours de la session qui s’ouvre, donc avant le 20 juillet, il est prévu que le président de la République, Chef de l’Etat, Son Excellence Joseph Kabila Kabange, s’adresse à la Nation», a déclaré Minaku.
Un mois après ce discours, le 25 juillet, ce sera l’ouverture des opérations de dépôt des candidatures, période qui va courir jusqu’au 8 août. Les scrutins combinés (présidentielle, législatives nationales et provinciales) sont prévus le 23 décembre. Que va dire le Président? On cherche en vain sur le marché. On tourne et retourne. Rien qui fuite. Parmi six textes à l’ordre du jour, la session extraordinaire va examiner en urgence - et ce n’est certainement pas un hasard - une proposition de loi portant sur le statut des anciens chefs de l’Etat, a ajouté le président de l’Assemblée nationale. Le texte doit compléter la Constitution qui prévoit que les anciens chefs de l’Etat sont sénateurs à vie, avec des dispositions sur leurs ressources, leur sécurité personnelle et leur statut juridique.
Les ex-présidents congolais ne devraient pas être exempts de poursuites de «crime économique, crime contre l’humanité, crime de guerre», explique un élu qui a participé aux travaux en commission. «Les juridictions nationales ont primauté sur les juridictions étrangères», ajoute-t-il. «C’est une loi qui garantit l’après-mandat de tout chef d’Etat, en commençant par Joseph Kabila, qui est notre premier Chef d’Etat élu», a déclaré le sénateur PPRD de la majorité Thekys Mulaila Thenga Bandzuh. Mais, poursuit-il, «je ne sais pas vous dire s’il va quitter le pouvoir». Et les supputations font florès... Que le Président de la République fasse un selfie avec tel à Kingakati, banlieue est de Kinshasa, à Kundelungu, ex-Katanga, deux localités qui abritent deux de ses fermes qu’il a récemment visitées, la cote d’alerte est franchie. Qu’il convie tel à le suivre dans un déplacement dans l’arrière-pays, les oubliés piquent une embolie pulmonaire, admis aux urgences. Pourquoi? «C’est lui!» Lui qui? Le dauphin désormais appelé le requin, comme le brocarde le Kinois, sans, au fond, savoir pourquoi! Kabila l’insondable...
Quand on se perd en conjectures, on se contente du plus simple. «Au fait c’est quand?» Quand quoi? Quand parlera-t-il? Là, non plus, nul ne sait rien. Kabila l’insondable comme jamais dans l’histoire...

PLAQUE TECTONIQUE.
Le 26 janvier 2018, au Palais de la Nation, siège de la Présidence de la République, quand il reçoit la presse pour la première fois depuis juillet 2012, six ans plus tard, ce jour qui marque ses 17 ans à la tête du pays, il promet qu’il reverra cette meute «certainement dans un mois».
Et tous s’émerveillent. Pourtant, rien ne vient...
Le 12 mai 2018, à Kingakati, à la dernière rencontre avec les présidents de ses 300 partis politiques membres de sa majorité, quand il prend la parole face à ceux qu’il appelle ses camarades, le Président dit qu’il ne sera «pas long». Ils devront prendre leur mal en patience jusque «certainement le mois suivant? (...) Le 14 juin par exemple», son jour anniversaire de naissance... Certains ressortent un habit neuf, d’autres font le choix d’une battue de la ville à la recherche du plus original cadeau. Le Président de la République qui a quitté Kinshasa trois jours avant cette date ne regagnera la Capitale qu’une semaine plus tard! Muets, ses camarades restent interloqués. Kabila, l’insondable...
Depuis vendredi 8 juin, six jours avant ce 14 juin, un déplacement de plaque tectonique s’est produit dans le pays. Ce jour-là, à La Haye, la Cour Pénale Internationale, à la surprise générale, a donné raison aux avocats de l’un de ses détenus.
Jean-Pierre Bemba Gombo y séjournait depuis dix ans. Reconnu coupable le 21 mars 2016 comme autorité hiérarchique de «crimes horribles» - crimes de guerre et crimes contre l’humanité - perpétrés par ses troupes en République Centrafricaine parties au secours du régime chancelant du président Ange-Félix Patasse, il avait été condamné à dix-huit ans de prison et ce «gros poisson» depuis dix ans avait été invariablement détenu... «pour l’exemple».
Le procureur de la CPI, la Gambienne Fatou Bensouda avait fait appel de cette sentence la jugeant trop clémente. Bemba avait également interjeté appel réclamant son acquittement pur et simple.
Le 8 juin 2018, les juges d’appel donnent raison à l’accusé, annoncent «l’annulation des conclusions de culpabilité de Jean-Pierre Bemba» et son acquittement pour les charges de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
La Chambre d’appel, déclare la juge présidente - une Belge anversoise du nom de Christine Van den Wyngaert - «met fin à la procédure pour ce qui est des actes criminels dont la Chambre de première instance a déclaré l’accusé coupable alors même qu’ils débordaient du cadre des faits et circonstances de l’affaire».
La Chambre d’appel justifie l’acquittement de l’accusé «car les erreurs relevées au chapitre des mesures nécessaires et raisonnables font entièrement disparaître sa responsabilité pénale».
Incroyable revirement qui jette sinon le discrédit sur cette justice internationale et ce n’est pas seulement l’avis de Fatou Bensouda inconsolable, sinon le trouble. Dans son arrêt de la Chambre d’appel de la CPI, il n’y en a que pour la Chambre de première instance. La Chambre de première instance III dans son jugement du 21 mars 2016
«a commis une erreur de droit»; «la Chambre d’appel relève que le jugement ne contient même aucune indication du nombre des actes criminels particuliers constitutifs de meurtre, de viol et de pillage que la Chambre de première instance a jugés établis»; «la Chambre de première instance a eu tort de déclarer Jean-Pierre Bemba coupable de ces actes»; «la Chambre de première instance a eu tort de conclure qu’il (Bemba) n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher ou réprimer les crimes commis par les troupes du MLC, ou pour en référer aux autorités compétente»; «la majorité des membres de la Chambre d’appel (...) a relevé d’importantes erreurs dans l’examen qu’a fait la Chambre de première instance»; «la Chambre d’appel conclut que la Chambre de première instance a versé dans l’erreur...»; «la Chambre de première instance a eu tort...»; «la Chambre de première instance a commis une erreur en concluant...»; «la Chambre de première instance a eu tort de fonder son appréciation...»; «la Chambre de première instance a eu tort de considérer...»; «la Chambre d’appel conclut que ces erreurs ont sérieusement entaché la conclusion de la Chambre de première instance...».
L’impensable a donc eu lieu. «Le gros poisson» est désormais dehors. Certes, il doit encore attendre chez lui, dans sa maison de la banlieue de Bruxelles - libre mais pas totalement - que la seconde affaire secondaire de subornation des témoins soit tranchée dans laquelle il avait été condamné en appel.

NOUVELLE DONNE.
Il reste qu’ayant déjà purgé dix ans, que son passé judiciaire l’empêche ou pas de prendre la course de la présidentielle, Bemba a désormais mis le cap sur le Congo et entend peser dans le débat politique et donc électoral. Il n’était pas évident qu’il prenne part physiquement au Congrès de son parti MLC convoqué mi-juillet mais son discours sur écran géant sera attendu par ses militants comme par une frange du pays qui aimerait savoir quels effets les années de CPI ont eus sur cet homme. Les opposants - de Kamerhe à Katumbi en passant par Tshisekedi - ont beau se dépasser en tweets de «félicitations à mon compatriote», le vent a tourné suite à ce qui n’est rien moins qu’une résurrection de ce fils à papa au départ timide mais dont le physique inspire respect.
Le Grand Equateur voit son fils Mobutu de retour, tout comme une partie de Kinshasa, cette forteresse des Bangala. Dans cet épisode, Moïse Katumbi est celui qui a le plus perdu. Ayant rassemblé autour de lui sans distinction d’anciens et nouveaux opposants anti-Kabila, des ex-caciques du MLC (Kamitatu, Sesanga, Ewanga, etc.), comme neige au soleil, l’ex-gouverneur se fond jour après jour au point de ne plus représenter une valeur marchande quelconque. Plus clairement, MCK se conjugue désormais au passé... Ses démêlés judiciaires ne font que s’accumuler. Le dernier en date se rapporte à l’affaire de saisie à l’aéroport bruxellois d’AbelagZaventem à Bruxelles d’un passeport congolais falsifié, à en croire les douaniers belges de l’Office des étrangers! Même sort pour l’espace Kasaï qui gardera toujours son Tshisekedi même démonétisé à l’échelle nationale. Le choc passé, il faut faire avec. C’est connu, Bemba et Kabila se parlent soit directement soit par Missi Dominici.
Les premières prises de position sont positives. Avec Bemba, le pouvoir a un interlocuteur de poids qui faisait défaut depuis la disparition du Sphinx.
DADEI.


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