- dim, 26/10/2025 - 16:29
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
LE SOFT INTERNATIONAL N°1647 | VENDREDI 24 octobre 2025.
Le Gouverneur de la Banque Centrale du Congo avait-il été mal inspiré en se présentant devant un parterre de journalistes et en revendiquant la victoire du CDF sur le $US ?
Le Gouv’ avait-il été mal inspiré en se présentant en direct trop à l'aise, semble-t-il, devant un parterre de journalistes et en revendiquant haut et fort la victoire du franc congolais, le CDF, sur le $US, le dollar américain ?
André Wameso Nkualoloki, gouverneur de la Banque Centrale du Congo, le cœur et le centre du CDF, dès lors qu'une banque centrale est une institution publique dont la mission principale est la stabilité de la monnaie en externe, en l'espèce le CDF vis-à-vis des devises étrangères et en interne la maîtrise de l’inflation (des prix), qu'il ne saurait être le seul à mener, aurait-il dû se taire ou être un peu plus prudent dans sa prise de parole, à l’instar de tous les gouverneurs des banques centrales à travers le monde plutôt que d'opter pour s’exprimer tant sur les médias et devant les médias et à haute et intelligible voix ?
N’aurait-il pas dû éventuellement, si la situation l’avait tant exigé et s'il avait à faire passer un message, recourir à un communiqué de presse dont chaque mot et chaque phrase auraient été tournés et retournés, pesés et soupesés ?
Ouvrir la bouche n'est-ce pas réveiller le chat qui dort ? L’argent n’aime pas le bruit, dit-on. Si succès financier il y a, la vie recommande discrétion et silence (« vivons heureux, vivons cachés ») plutôt qu'ostentation ou chaos qui expose à des périls.
QUAND LES CHATS SE RÉVEILLENT.
Voilà les périls quand les chats se réveillent et de partout. D'avoir revendiqué aussi publiquement et aussi brutalement à lui et à lui seul sa «victoire» du CDF sur le $US en éloignant d'autres intervenants, le ministère du Budget à l’origine des opérations financières de l’État, celui de l'Économie qui fait le contrôle des prix sur le marché des produits de consommation sur base des mercuriales et des textes concernant les marges, celui des Finances qui assure la tutelle des régies financières, ne faut-il pas y voir un message délivré et qui lui vaut une riposte jamais observée à ce jour dans le pays ?
Si l'on sait que le ministère des Finances est celui qui ordonne les paiements tantôt en devises tantôt en CDF en fonction de sa trésorerie et la BCC effectue les paiements ordonnancés et quand la trésorerie est au bas niveau, le ministère des Finances recourt au financement de la BCC ou au marché financier à travers les bons et obligations du Trésor et que si c'est la BCC qui le fait, le risque d’instabilité de la monnaie et des prix s’agrandit - la BCC devant utiliser par ailleurs tous ses instruments de politique monétaire pour réduire et maîtriser le risque - n'y a-t-il pas la les causes profondes de la panique observée sur le marché ?
Voilà que les chats réveillés recourent à tout. Alain St Pierre Mwamba de poster un texte : « André Wameso c'est le nouveau Constant Mutamba. Une gestion fondée à 100% sur le populisme. Trop de communication pour des résultats illusoires. Contrairement à Mutamba, Wameso provoque des dégâts à une vitesse incroyable. Faire perdre près de 40% du pouvoir d'achat aux Congolais en moins d'un mois même Mobutu n'avait pas osé.
On n'est pas loin du crime économique dont les conséquences sociales, politiques et sécuritaires ne vont pas tarder à se faire sentir ».
On y va jusqu'à la confusion sinon à la manipulation.
Cas d'une note datée du 16 octobre 2025 signée par la vice-ministre des Finances Grâce Yamba Kazadi (réf. n°056/CAB/MIN.FIN/COSEFI/2025 portant adjudication obligations du Trésor en $US pour 50 millions de $US, 9% l'an de taux d'intérêt, durée 1 an et 6 mois) quand cela ne surprend aucun habitué, et qu'il s'agit d'une pratique qui se fait chaque mois sur le marché et de très loin en $US qu’en CDF.
Les experts auraient oublié qu'au Congo 90 % des dépôts en banque sont en $US (12 à 14 milliards) et 1.2 à 1.4 milliard en CDF ?
Les chats échaudés qui craignent l'eau froide prennent désormais pour modèle celle que André Wameso Nkualoloki Lolo a remplacé le 23 juillet 2025 à la tête de la Banque Centrale du Congo, à savoir, Marie-France Malangu Kabedi Mbuyi. Jamais en effet personne n’avait entendu la voix de cette gouverneure, elle qui s’exprimait dans le cercle confiné de son bureau.
Aujourd’hui, il s’en trouve des gens qui donnent raison à Marie-France Malangu Kabedi Mbuyi.
Wameso a tellement réveillé les chats que l'on entend désormais tout et de partout au point l'opinion interloquée en vient à se poser des questions.
« En voulant prouver au président Félix Tshisekedi qu’il était l’économiste congolais le plus compétent, M. Wameso a planté le décor d’une crise économique majeure à venir. Pensez-vous que Mme Kabedi (Marie-France Malangu Kabedi Mbuyi, ndlr), l’ex-gouverneure de la Banque Centrale du Congo, était si incompétente au point de ne pas savoir comment utiliser les réserves de change? Inutile de vous rappeler que c'est sous Mme Kabedi que les réserves de change ont atteint les 7 milliards de $US. Mais malgré cela, Mme Kabedi n’avait jamais pris le risque d’intervenir directement comme l’a fait M. Wameso. Ce n’est pas parce que cette dame était incompétente. En réalité, elle était au courant des conséquences sur la population congolaise. Elle savait pertinemment qu’un taux de change qui décroche violemment est une bombe pour l’économie congolaise.
Oui, Mme Kabedi avait accès aux mêmes instruments monétaires que M. Wameso. Mais, à l’inverse, elle respectait les Congolais et avait conscience du danger que représente une baisse spectaculaire. Que dire de M. Wameso ? Lui, il se fiche totalement des conséquences. Sur Top Congo, il a insisté pour dire que c'est lui, et non une coordination des actions avec le gouvernement, qui est à la base du décrochage du taux de change. Nous voyons donc qu’il est à la recherche d’une reconnaissance et pour cela, il ne veut pas que quelqu'un d’autre s’approprie ses mérites et l’honneur d’avoir fait baisser le taux. Aujourd'hui, les opérateurs économiques, anticipant la hausse, refusent de faire chuter les prix sur les marchés, le prix du transport ne bouge pas, les commerces de détail au coin ne semblent pas être concernés par la faible dynamique de la baisse des prix. Pendant ce temps, les Congolais se font dépouiller par les cambistes. Et inutile de rappeler que dans le secteur privé, la plupart des entreprises paient les salaires en $US particulièrement. Nos frères et sœurs ont donc un sérieux problème à gérer. Imaginez une sœur qui touche 500 $US, en réalité, avec le taux actuel, elle a 340 $US voire moins. Qui portera la responsabilité de cette catastrophe ? »
« APPRÉCIATION ÉCONOMICIDE » ?
« Crise économique majeure » ? « Bombe pour l’économie congolaise » ? « Catastrophe » ? « Absence de respect des Congolais » ? « Il se fiche des Congolais » ? « Il est à la recherche de la reconnaissance » ?
Ces mots peuvent sonner fort, voire très fort. Mais quel spécialiste des questions économiques ou financières au Congo ne dit pas ça ?
Prenons un cas, cité par un intervenant, trouvé sur les réseaux sociaux entrés en ébullition sur la question : le cas du carburant qui a toujours été l'indicateur des prix de tous les biens dans le pays, à commencer par celui de la mobilité des citoyens.
« Avant les mesures du gouverneur Wameso, 1$US s'échangeait contre 2.850 CDF donnait 2.980 CDF contre 1 litre d'essence acheté à la pompe, soit 1 litre d'essence vendu à 1,0456 $US.
Au 18 octobre au lendemain des décisions de la BCC, 1$US qui avait reculé face au CDF en s'échangeant contre 2.100 CDF (plutôt que contre 2.980 CDF auparavant) faisait négocier le litre de gasoil contre 2.680 CDF, soit 1,276 $US, soit plus de $US pour 1 litre de carburant et certes moins de CDF. C'est dire que le gasoil avait revu son prix à la hausse de 22% ».
Il y a un autre, Godé Mpoy, député national, également professeur et économiste. Il y va comme certes à son rythme mais loin, en l'espèce, de ce que d'autres font désormais. Ci-après :
« Appréciation économicide du CDF au Congo: Des fortes lumières noires sur notre économie.
- Le Congo est un État fiscal, car le gros de ses recettes proviennent de la fiscalité ;
- Les recettes de la DGDA, de la DGRAD, des régies provinciales... sont (quasi) totalement alignées sur la parité CDF/$US ;
- Dans ce contexte, il y aura un déficit budgétaire profond. La masse salariale dépassant (par moment) la moitié de nos recettes courantes. Le gouvernement risque de connaître la faillite ;
- Les revenus des ménages sont avalés par cette baisse mécanique du taux de change. Les entreprises dont les transactions se font généralement en dollars verront leurs charges augmenter à la paie qui se fait en monnaie locale... risque des congés techniques et de chômage ;
- L'augmentation des réserves obligatoires via l'ajustement du taux CDF/$US constitue des charges supplémentaires pour les banques commerciales. Cela risque de nous conduire à l'instabilité financière ;
- Il est inadmissible qu'on recourt aux réserves de change pour faire apprécier une monnaie qui était déjà (artificiellement) stable ;
- Les réserves de change du Congo sont les fruits des appuis du FMI et du rachat de la fiscalité, et non des excédents commerciaux. Ce détail est de taille. On y touche qu'en cas de crise ;
- Solutions : La BCC doit arrêter immédiatement la collecte du 1er et 2ème paliers des réserves obligatoires, extourner au moins une partie de réserves obligatoires perçus lors du premier palier et se pencher sur le rapatriement des devises par les miniers. Ce n'est pas à l'économie de venir vers nous, c'est à nous d'aller vers l'économie. Si nous aimons l'économie, l'économie nous aimera ».
Puis, un long texte signé loucasalouma@yahoo.fr adressé à des professeurs émérites du secteur, Mabi Mulumba, Mokonda Bonza, Nyembo Shabani, Mukeni Lakup'tier, etc., qu'il est intéressant de lire.
Ci-après : « Je m’adresse à vous en tant que l’un des vôtres, ayant eu le privilège d’être formé dans les mêmes amphithéâtres, sous la rigueur intellectuelle de maîtres émérites qui ont façonné notre pensée économique. Pourtant, je peine à me qualifier d’économiste, car ce titre, bien plus qu’une appellation académique, est pour moi un engagement de vérité, de responsabilité et d’impact social. Porter le titre d’économiste, c’est plus que maîtriser des théories ; c’est répondre à une vocation : celle de comprendre, diagnostiquer et transformer la société.
Un médecin soigne les corps, un juriste défend le droit et la justice sociale, mais un économiste est censé apporter des réponses concrètes à la pauvreté, au chômage, à l’inégalité, à la désespérance des masses. Comment alors nous revendiquer économistes alors que notre peuple continue de vivre dans la précarité, que notre économie piétine, que les décisions publiques manquent d’ancrage scientifique, et que nos analyses s’effacent souvent derrière la complaisance ou le silence ?
Même dans un contexte marqué par des blocages institutionnels, politiques ou sociaux, nous avons le devoir de rester fidèles à la vérité scientifique, car celle-ci ne devrait jamais être sacrifiée sur l’autel de l’opportunisme ou de la peur. Le savoir économique que nous avons reçu n’a de valeur que s’il est mis au service de la société, avec rigueur, courage et honnêteté ».
« Je nous invite à une introspection collective, à redonner sens à ce que nous sommes et à ce que nous prétendons incarner. Être économiste, c’est refuser la résignation. C’est s’opposer au mensonge, même technique. C’est garder la science libre, vivante et utile. Ou bien, serions-nous en train de nous transformer en « homo economicus », cet être théorique, parfaitement rationnel, toujours guidé par l’optimisation et le calcul d’intérêt, à force de l’avoir étudié, modélisé et intériorisé dans nos schémas de pensée ?
À force de raisonner uniquement en équilibres, en courbes, en rendements marginaux et en taux d’intérêt, n’aurions-nous pas perdu de vue l’humain, ses limites, ses émotions, ses souffrances, et surtout, la complexité sociale qui échappe aux modèles ?
Peut-être qu’à force de former des économistes selon des paradigmes détachés des réalités africaines, nous produisons des experts capables d’expliquer la misère sans jamais la résoudre.
Il est temps de nous demander si notre savoir sert à comprendre le monde pour le transformer, ou s’il ne fait que justifier l’ordre établi, au nom d’une rationalité qui ne profite qu’à quelques-uns. Il se dit que le gouverneur actuel de la Banque Centrale du Congo est l’un des nôtres, formé à Lovanium et fort d’une carrière dans les institutions internationales ».
« Aujourd’hui, il se trouve au cœur de nombreuses décisions de politique économique dans notre pays. En l'écoutant récemment, il a suscité en moi une série de réflexions profondes sur notre économie. Si la clarté de son exposé technique mérite d’être saluée, je reste préoccupé par l’absence d’ouverture vers d’autres courants d’analyse et de pensée économique. La gestion monétaire d’un pays ne peut se résumer à un cercle restreint de technocrates, aussi compétents soient-ils ».
« Elle nécessite une démarche inclusive, mobilisant également des experts indépendants, des chercheurs universitaires et des acteurs socio-économiques de terrain. Cette posture fermée, bien qu’en apparence rigoureuse, pourrait finir par éloigner la BCC des réalités que vivent au quotidien les Congolais. Pour que les politiques monétaires aient un véritable impact, elles doivent s’articuler avec les dimensions sociales et productives de l’économie. Une réforme de la méthode s’impose: écouter, dialoguer, confronter les idées, et surtout, replacer l’humain au cœur de toute politique économique.
- Sur les causes antérieures de la dépréciation du CDF. Les explications avancées par le gouverneur ne tiennent pas à l’examen technique. Premièrement, évoquer le financement des travaux dits de «100 jours » comme cause de la dépréciation du CDF est discutable. En réalité, ces fonds provenant des réserves de change n'ont pas été injectés massivement dans le circuit économique au point d'entraîner une pression inflationniste immédiate. Le lien de causalité direct avec la chute du CDF est donc peu crédible.
- Sur le taux directeur de 25 %. Ce taux est l’un des plus élevés au monde, et cela ne saurait être considéré comme normal dans une économie fonctionnelle. Un tel niveau de taux même ramené à 17,5% reflète une politique monétaire de rigueur extrême, justifiable uniquement à très court terme pour contenir des déséquilibres graves.
Cette vérité monétaire - qui est pourtant fondamentale - n’a pas été explicitement expliquée par le gouverneur. Et ce, très probablement pour ne pas exposer davantage le gouvernement, dont les déficits chroniques semblent être devenus une seconde nature dans la gouvernance successive, aggravés par un train de vie institutionnel démesuré et une faiblesse dans le contrôle des dépenses publiques.
En éludant cette réalité, le gouverneur a préféré orienter le débat vers des explications techniques plus acceptables, tout en évitant de pointer du doigt le financement monétaire d’un déficit budgétaire structurel ». - Sur les véritables causes structurelles de la dépréciation du CDF. Les origines profondes de la dépréciation du franc sont connues et bien identifiées. Elles ne relèvent ni du mystère ni de la complexité technique inaccessible. Parmi ces causes, on retrouve en tête le non rapatriement systématique des devises issues des exportations, notamment par les grandes entreprises minières. Ces dernières, tout en réalisant des profits colossaux, ont contourné les obligations légales, conservant leurs devises à l’extérieur. Ce sont les mêmes curieusement qui monopolisent des lignes de crédit pour leurs dépenses de fonctionnement, asséchant ainsi les capacités de crédit du reste de l’économie. Cette captation des ressources prive les PME, les ménages et les autres acteurs économiques d’un accès aux financements, paralysant ainsi la croissance endogène.
Deuxièmement, s’agissant des réserves obligatoires, il faut rappeler qu’elles ont pour objectifs fondamentaux de réguler la masse monétaire, de limiter les risques de liquidité bancaire, et de préserver la stabilité du système bancaire.
Mais dans un environnement marqué par une thésaurisation élevée, aussi bien informelle (dans les ménages) que formelle (dans les banques), la BCC n’a qu’un contrôle partiel, voire incertain, de la masse monétaire réelle en circulation. De plus, le système de crédit étant quasi-inexistant ou dysfonctionnel, les leviers classiques de transmission monétaire sont affaiblis. En matière de stabilité monétaire, les indicateurs attendus sont un taux de change stable (et non artificiellement fixé), une inflation modérée et prévisible, une monnaie crédible qui inspire confiance.
Les réserves obligatoires, en tant qu’instrument technique, ne visent pas à faire apprécier ou déprécier la monnaie. Leur objectif est d’ordre prudentiel, pas de pilotage du taux de change. Le fait qu’elles aient été converties en $US, en violation des règles, puis qu’elles aient perdu de leur valeur en CDF au même titre que les autres avoirs bancaires, relève d’un défaut de gestion et non d’une conséquence macroéconomique structurelle.
Ainsi, l’argument selon lequel l’ajustement de leur coefficient, aurait causé l'appréciation du CDF, marque un autre défaut de gestion qui ne devrait pas passer pour une prouesse technique ».
À cela s’ajoute l’absence incompréhensible de réserves stratégiques en or, alors même que le Congo en est l’un des plus grands producteurs mondiaux. Ce paradoxe illustre une grave déconnexion entre la richesse naturelle du pays et la gestion de sa politique monétaire.
Autre facteur aggravant : le recours systématique à des paiements d’urgence, non planifiés et non adossés à une logique économique claire. Ces décaissements intempestifs alimentent un déséquilibre budgétaire chronique et témoignent d’un manque de discipline dans la gestion publique cautionné par la BCC. Malheureusement, plutôt que de s’attaquer à ces causes structurelles évidentes, le gouverneur semble dériver le débat vers des pistes hasardeuses. Il est notamment regrettable de le voir faire appel à la création d’un fonds de pension par capitalisation, censé mobiliser une jeunesse déjà sans emploi, sans toit, et profondément désillusionnée. Or, proposer un tel mécanisme dans un contexte où le système de retraite actuel est lui-même défaillant et sans crédibilité, relève d’une fuite en avant qui risque d’aggraver la défiance envers les institutions. Il faut déplorer en outre l'exemple de l'Italie pour justifier l'action monétaire unilatérale de la BCC, oubliant de reconnaître la mafia d'État qui y sévissait.
Au lieu de proposer des solutions réalistes et prioritaires, on assiste à un discours technocratique déconnecté des réalités sociales et économiques du pays, avec des mesures qui ressemblent plus à des tâtonnements qu’à de véritables réformes de fond.
Enfin, posons-nous la question centrale suivante : une monnaie locale qui s’échange à 2.800 CDF pour 1 $US mérite-t-elle réellement d’être réévaluée à 2.300 CDF, alors même que les prix des biens et services restent rigides et ne s’ajustent pas à cette appréciation ? Objectivement non. Réévaluer une monnaie locale de 2.800 CDF à 2300 CDF pour 1 $ dans un contexte où les prix des biens et services sont rigides (c’est-à-dire qu’ils ne baissent pas en réaction à l’appréciation du taux de change) n’a que peu de sens économique, et peut même être contre-productif.
Voici pourquoi :
- L’appréciation théorique du CDF ne se traduit pas en baisse des prix si les prix en CDF restent élevés malgré la «force» retrouvée du CDF, cela signifie que le pouvoir d’achat du citoyen ne s’améliore pas. L’économie réelle ne ressent aucun gain, et le consommateur reste pénalisé.
- Effet négatif sur la compétitivité. Une monnaie trop forte pénalise les exportations en les rendant plus chères à l’étranger. Elle encourage les importations, ce qui peut aggraver le déficit commercial si la production locale est faible.
- Distorsion de marché. Une telle réévaluation sans fondements économiques solides peut entraîner des marchés parallèles, du stockage spéculatif, ou une fuite vers le $US».
- Désalignement avec la réalité économique. Si l’appréciation n’est pas soutenue par une croissance réelle, un afflux de devises, ou une politique fiscale saine, elle devient une illusion monétaire.
Conclusion. Réévaluer artificiellement une monnaie dans un environnement à forte rigidité des prix dans un cadre macroéconomique qui se recherche est inutile, voire risqué. Mieux serait de stabiliser le taux de 2800 FC, renforcer la production intérieure, rétablir la confiance, puis laisser le marché ajuster le taux de manière crédible et durable.
Certes, dans tous ces textes comme dans d'autres, il y a parfois de la dramatisation qui peut parfois s'expliquer. Les comptes en banque sont à 90 % en $US et 10 % en CDF. On y trouverait au total plus de 10 milliards de $US, explique au Soft International un autre spécialiste. Qui poursuit : « Les paiements d’impôts se feront via des transferts de compte à compte au taux du jour. Donc les perdants sont des deux côtés. L’entreprise dépensera plus en $US du fait du taux si les régies exigent des CDF. Mais l’État perdra au niveau de ses dépenses si les prix ne baissent pas. De là à aller en faillite, il y a un grand pas car l’État peut toujours créer des arriérés auprès de ses fournisseurs, fonctionnaires et autres. Quant au petit peuple vivant en villes, tant que les prix du transport ne baisseront pas, les prix des vivres resteront figés dans les Zando. Il ne profitera pas du renforcement du CDF. Pour ceux qui vont dans les Kin Marchés, ils feront leurs achats en CDF convertis au taux ancien de 2.700. Ils perdront davantage s’ils utilisent des dollars. Le grand problème c’est aussi l’insuffisance des CDF, 10 % en banque. En cash en circulation combien il y a ? La BCC ne risquera pas d’injecter des CDF puisqu’elle vient de les soustraire sur le marché par l’injection de 50 millions de $US, soit environ 135 milliards CDF ».
T. MATOTU.





