- lun, 11/04/2016 - 04:54
Ils n’avaient eu de cesse de se plaindre sur le sort réservé à leurs recommandations adressées au Gouvernement. Pour la toute première fois dans l’histoire du pays - foi de chroniqueur parlementaire! - les élus ont été servis. Un Gouvernement, celui du Premier ministre Augustin Matata Ponyon Mapon, sous le leadership du Président de la République, Chef de l’Etat, a rendu compte au Parlement. Devoir de redevabilité oblige.
Tryphon Kin-kiey Mulumba tenait à ce grand chelem: conduire à terme un exercice (évaluation, validation, présentation devant le Parlement du Rapport d’exécution des recommandations du Parlement adressées au Gouvernement déposé plusieurs mois auparavant dans les bureaux des Chambres) qui est tout sauf un long fleuve tranquille.
Il y est parvenu avec brio mercredi 6 avril lorsque le président du Sénat Léon Kengo wa Dondo lui donne enfin la parole et qu’en élu et réélu direct du Peuple - le ministre est un Député élu et réélu, disposant d’un fief - il plante son quartier devant le pupitre.
La séance d’information était prévue pour être tenue la veille. Pour des raisons internes à la Chambre haute, elle fut remise à ce mercredi. Qu’importe!
Voici que pour des raisons que seule la chance pourrait expliquer, le ministre prend la parole le premier et, qui plus est, devant le président de son Groupe thématique gouvernemental, le Vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur et Sécurité, Evariste Boshab Mabudj qu’entouraient, pour l’occasion, les chefs de Grands Services de l’Etat (Police, Sécurité et Migration) présents pour la réplique sur le dossier d’adoption internationale des enfants (lire pp 14-16).
PHRASE CHOC, ACTE DE FOI.
Voici un dossier de deux ou trois articles que le Gouvernement attendait qu’il passe comme une lettre à la poste mais que les Sénateurs ont tenté de retoquer! Qu’importe! Vive la démocratie!
Comme à son habitude, Boshab avait voulu répondre «sur le banc». Du tic au tac! Un coup KO! Quitte aux Sénateurs d’aller en commission socio-culturelle détricoter le texte! Partie remise! Boshab doit ranger les armes en remettant à 48 heures une réplique qu’il veut, comme à son, habitude, foudroyante...
Cela tombe bien: c’est le jour où le ministre des Relations avec le Parlement Tryphon Kin-kiey Mulumba doit brûler les feux de la rampe du Sénat. Ayant souvent accompagné ses collègues en soutien au titre de ministre des Relations avec le Parlement, il n’avait jamais pris la parole devant cet hémicycle. C’est dire si Kin-kiey ne boude pas son plaisir.
D’emblée, il se sent le devoir «de féliciter le Sénat et chacun des Sénateurs, pour l’immense travail abattu depuis le début de la législature. Le volume de la production législative - au nombre de 210 lois votées - témoigne d’un engagement républicain et de la volonté de cette Chambre de doter la République d’un arsenal juridique à la taille des enjeux».
D’expliquer la mission de son ministère, sa vision des Relations avec le Parlement. «Dans le cadre de la Gouvernance démocratique qui implique la transparence de l’Etat, il est impérieux que les élus soient régulièrement informés de la manière la plus claire et la plus précise des suites que donne l’Exécutif aux recommandations du Pouvoir Législatif.
La connectivité que permettent les technologies de l’Information et de la communication doit installer un système de traçabilité qui renseigne en temps réel l’état de tel projet de loi, le niveau de réalisation atteint par telle recommandation.
C’est l’une des missions dévolues au Ministère des Relations avec le Parlement.
Ce faisant, mon Ministère contribue à la dédramatisation des relations entre le Législatif et l’Exécutif, instaure un climat de confiance, permet la stabilité des Institutions».
Puis, de conclure par une phrase choc qui est un acte de foi: «La stabilité et la longévité démocratique du personnel politique sont une assurance et une garantie de la légitimité et de la pérennité des politiques».
Ci-après, l’allocution du ministre en intégralité devant le Sénat:
«Au nom de SE Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, j’ai l’insigne honneur de me présenter, devant cette vénérable Chambre, à l’occasion de la séance d’information sur le Rapport d’évaluation du niveau d’exécution des recommandations du Sénat adressées au Gouvernement lors des Sessions parlementaires 2012-2013, Rapport qui vous a, en son temps, été transmis en copie, par mon Cabinet.
Prenant la parole pour la toute première fois devant ce prestigieux hémicycle où je viens régulièrement en soutien à mes collègues du Gouvernement, et où siège une part significative de l’élite politique et intellectuelle de notre peuple, je m’en voudrais sincèrement, au titre de Ministre des Relations avec le Parlement, si je ne me sentais pas le devoir d’entrée de jeu de féliciter le Sénat et chacun des Sénateurs, pour l’immense travail abattu depuis le début de la législature.
Le volume de la production législative - au nombre de 210 lois votées - témoigne d’un engagement républicain et de la volonté de Votre Chambre de doter la République d’un arsenal juridique à la taille des enjeux.
Mon Ministère, aux termes de l’Ordonnance n°15/015 du 21 mars 2015 fixant les attributions des Ministères, est le lieu privilégié de rencontre et d’échange entre l’Exécutif - que forment le Gouvernement de la République, les entreprises publiques, les établissements et services publics - et le Législatif que Vous formez ensemble - cette vénérable Chambre parlementaire et la Chambre basse - ainsi que, à un autre niveau, s’agissant du pouvoir de validation des édits que confère l’Ordonnance à mon Ministère, nos Assemblées provinciales délibérantes.
Entre autres missions régaliennes dévolues à mon Ministère, et qui valent ma présence devant vous, celui-ci:
Représente le Gouvernement à l’Assemblée nationale et au Sénat;
-facilite les relations entre les membres du Gouvernement et les Députés et Sénateurs;
-propose, coordonne et met en œuvre des actions tendant à promouvoir et à consolider les relations entre le Gouvernement et les Chambres parlementaires;
-coordonne le programme législatif du Gouvernement;
-informe sur l’état d’avancement des projets de lois initiés par les membres du Gouvernement;
-contribue à l’enrichissement des projets et propositions des textes à caractère législatif ainsi qu’à l’actualisation des lois en concertation avec les membres du Gouvernement concernés;
-assure la présence permanente du Gouvernement dans les débats parlementaires et suivi des délibérations des Chambres parlementaires en séance plénière et en Commission;
-prend des dispositions permettant aux membres du Gouvernement auxquels des interpellations, des questions écrites, orales ou d’actualité sont adressées, de répondre dans les délais prévus et, le cas échéant, les suppléer;
- assure le suivi des procédures de contrôle exercé par l’Assemblée nationale et le Sénat sur le Gouvernement, les entreprises publiques, les services et les établissements publics;
Notre pays est une République basée sur le principe de la démocratie. Sa gouvernance est démocratique.
Le pouvoir émane du peuple qui l’exerce par ses élus. Si le Gouvernement est seul maître de la conduite de la politique de la Nation définie en concertation avec le Président de la République, le Pouvoir Exécutif est seul comptable de la conduite de cette politique face au Parlement qui détient le pouvoir de contrôle sur l’Exécutif, et l’exerce aux termes de l’art. 138 de la Constitution de la République, par la question orale ou écrite, la question d’actualité, l’interpellation, la commission d’enquête, l’audition des Commissions.
Ces moyens de contrôle qui s’exercent conformément au règlement intérieur de chacune des Chambres parlementaires, peuvent donner lieu à la motion de défiance ou de censure ou à des recommandations.
Le Pouvoir est un, l’a souvent rappelé avec pertinence l’Honorable Président du Sénat.
La gouvernance démocratique suppose que si les lois sont votées par le Peuple via ses Représentants légitimes, elles doivent être exécutées sans tergiversation; si une recommandation - qui est, aux termes de l’article 9, al. 3 du Règlement Intérieur de cette Chambre, l’acte en l’espèce par lequel le Sénat conseille ou demande avec insistance au Gouvernement, aux entreprises publiques, aux établissements et services publics d’agir ou de ne pas agir dans un sens donné sur une matière déterminée» - si donc une recommandation est faite, elle ne peut logiquement rester dans des tiroirs.
Le contraire est un coup d’arrêt porté à la construction de l’Etat et, du coup, à sa modernisation.
En démocratie, le Pouvoir Exécutif doit rendre compte des actes qu’il pose dans le cadre de l’action qu’il mène et rendre compte de ce qu’il fait des recommandations qui lui sont adressées par le Pouvoir Législatif.
C’est ce devoir de redevabilité qui place ce jour à ce prestigieux pupitre - c’est une première - le Ministre des Relations avec le Parlement. Le Rapport que j’ai l’honneur de présenter résume les recommandations du Sénat au cours des Sessions considérées.
Les travaux d’évaluation et de validation ont été réalisés par les Points Focaux des Ministères sectoriels du Gouvernement auprès de mon Ministère en collaboration avec les Experts du Ministère des Relations avec le Parlement lors d’Ateliers.
Ils ont permis de déterminer le niveau d’exécution de chaque recommandation, d’identifier les pesanteurs qui justifient la non-exécution ou le retard mis dans l’exécution de certaines recommandations.
Pour les Sessions sous examen, le Gouvernement a enregistré 185 recommandations émanant du Sénat qui portent sur dix-huit dossiers:
Renforcement de l’efficacité de l’Etat et des Institutions;
-Commission électorale nationale indépendante et Elections;
-Budget de l’Etat pour l’exercice 2012 et 2013;
-Installation de nouvelles provinces;
-Arrêt du Programme avec le Fonds Monétaire International;
-Fixation des limites des provinces et de la Ville de Kinshasa ;
-Réforme et équipement de l’armée, de la Police Nationale et des Services de sécurité;
-Accords signés par le Gouvernement avec des partenaires étrangers;
-Congolais de l’étranger;
Principe de la Décentralisation;
Forme de l’Etat;
-Sauvegarde l’industrie vitale en péril;
-Gestion des ressources en eau;
-Fonds National d’entretien routier;
-Office pour la promotion des PME,
-Régie des Voies aériennes;
-Pollution pétrolière à Moanda;
-Application du principe de parité homme et femme.
Après évaluation et validation, il a été noté à la date des Ateliers que sur ces 185 recommandations, 70 ont été exécutées (soit 38%), 76 étaient en cours d’exécution (soit 41%) et 39 étaient non exécutées (soit 21%).
Au total, à la date considérée, 146 recommandations sont exécutées et/ou sont en cours d’exécution (soit 79%); 39 recommandations n’étaient pas encore exécutées (soit 21%).
Avec ce Rapport, la Nation dispose d’une balise de renseignements qui montre le sérieux et la détermination du Gouvernement dans l’accomplissement de ses missions.
Dans le cadre de la Gouvernance démocratique qui implique la transparence de l’Etat, il est impérieux que les élus soient régulièrement informés de la manière la plus claire et la plus précise des suites que donne l’Exécutif aux recommandations du Pouvoir Législatif.
La connectivité que permettent les technologies de l’Information et de la communication doit installer un système de traçabilité qui renseigne en temps réel l’état de tel projet de loi, le niveau de réalisation atteint par telle recommandation.
C’est l’une des missions dévolues au Ministère des Relations avec le Parlement.
Ce faisant, mon Ministère contribue à la dédramatisation des relations entre le Législatif et l’Exécutif, instaure un climat de confiance, permet la stabilité des Institutions.
Le système politique dans notre pays installe une cohabitation entre Pouvoirs législatif et exécutif.
En cas de crise majeure surgissant entre le Parlement et le Gouvernement, le Président de la République - garant du bon fonctionnement des Institutions - peut dissoudre le Parlement qu’il renvoie devant le Peuple afin qu’il lui trouve une nouvelle composition qui lui permette de constituer un nouvel Exécutif en charge de poursuivre la réalisation du programme pour lequel il a été élu.
C’est pour éviter le surgissement d’une telle crise que le Ministère des Relations avec le Parlement trouve sa place et joue son rôle de passerelle.
La France, pays par excellence de vieille démocratie, qui dispose d’un système politique proche du nôtre, a instauré de manière pérenne depuis 1943, année de grande crise, le Ministère des Relations avec le Parlement.
Honorable Président,
Vous vous rappellerez que lors d’une réunion de prise de contact que Vous avez organisée samedi 24 janvier 2015 dans la salle Kivu en m’honorant de ce fait et pour laquelle je vous réitère mes remerciements, je m’étais engagé de manière particulière de faire le suivi des recommandations de votre Chambre et d’en faire une priorité de mon mandat.
Je m’étais engagé de rendre présent mon Ministère au Sénat et dans les couloirs du Sénat.
Je Vous avais assuré de faire appartenir au passé des projets de lois orphelins.
Je vous avais assuré d’établir des rapports dédramatisés et harmonisés entre l’Exécutif et le Législatif.
Je vous avais assuré de m’employer à faire établir entre le Sénat et le Gouvernement un climat empreint de convivialité et de solidarité. Je m’étais engagé à passer mon temps à ouvrir les portes de l’Exécutif aux élus convaincu que même en couple, l’harmonie a besoin d’un minimum de satisfaction dont elle se nourrit et que les plus fortes convictions ont besoin d’être prises en charge. La stabilité et la longévité démocratique du personnel politique sont une assurance et une garantie de la légitimité et de la pérennité des politiques. A l’heure du bilan, je serai prêt à m’incliner devant votre appréciation.
Il me reste à vous remercier, Honorable Président du Sénat, Honorables Membres du Bureau du Sénat, Honorables Sénateurs, pour l’occasion que Vous m’avez donnée de me présenter devant vous ce Rapport d’évaluation en mains.
Encore une fois merci.
Kinshasa,mercredi 6 avril 2016.
Prof. Tryphon Kin-kiey Mulumba,
Ministre des Relations avec le Parlement.