La résistance comme impératif
  • mar, 11/10/2016 - 18:51

Notre pays se trouve à un point crucial de son histoire contemporaine.
Nous sommes en effet à ce que le langage populaire appelle à la croisée des chemins, c’est-à-dire à une bifurcation, à l’endroit et au moment du choix.
Selon la direction que nous prendrons, nous irons soit vers la prolongation de notre rôle périphérique au sein du système capitaliste mondial ou alors nous choisirons de persévérer dans la voie de la recherche d’une véritable indépendance; lieu de l’ouverture à toutes les espérances menant vers la dignité humaine. Le moment présent appelle une réflexion profonde sur notre situation d’aujourd’hui et demain.
Pour bien saisir notre place actuelle dans le monde, il faut chercher à comprendre à quel moment et de quelle manière ce pays est né et est entré dans le concert des Nations. Bien sûr que la terre congolaise existe depuis les temps les plus immémoriaux. Bien sûr que nos ancêtres occupent ce territoire depuis la création du monde. Mais l’Etat congolais dans sa configuration géographique moderne a été créé en 1885 lors de la Conférence de Berlin. Cet Etat-espace a été depuis lors considéré comme un lieu ouvert à l’exploitation au bénéfice du monde occidental.
C’est en ayant conscience de cette genèse que l’on appréhende mieux ce qu’a été la colonisation et ce qu’est encore aujourd’hui l’essentiel de nos structures économiques et, même à certains égards, la vision occidentale du monde à laquelle certains de nos compatriotes inconscients des enjeux idéologiques adhèrent.
Le combat des pères de l’indépendance, au premier rang desquels le Héros national Patrice Emery Lumumba, a été d’amener le peuple congolais à sortir de cette aliénation doublée d’une exploitation de l’homme par l’homme soumettant des êtres humains à un traitement éhonté. L’Occident dominateur n’a jamais accepté de perdre ce qu’il considère comme sa création mais qui, en réalité, n’a été qu’un butin de guerre arraché provisoirement à ses propriétaires légitimes que nous sommes. Malgré l’indépendance nominale de 1960, pendant presque 4 décennies, le monde occidental a exercé sur le peuple congolais une emprise néfaste accentuant même sa domination sur nos destinées. Aujourd’hui encore, les grandes capitales de ce monde convaincues de leur puissance ne peuvent se résoudre à abandonner ces «avantages» mal acquis sans y être contraintes.

FRANTZ FANON.
Le psychiatre Antillais Frantz Fanon n’avertissait-il pas que seule la contrainte acharnée oblige l’oppresseur à libérer ce qu’il considère comme sa proie.
C’est dans cette lutte que Pierre Mulele a laissé sa vie. C’est à ce combat que Mzee Laurent-Désiré Kabila a consacré son existence. C’est à cette noble cause que le Raïs Joseph Kabila offre son énergie. Le combat d’aujourd’hui ne diffère pas de celui d’hier, il vise à amener l’Occident à sortir de sa logique de l’accaparement de ressources du continent noir par la force, ou en imposant à nos pays les dirigeants de son choix. Nos partenaires du nord doivent accepter des relations plus conformes aux valeurs qu’ils professent eux-mêmes nuit et jour.
Par ailleurs, les expériences récentes des relations internationales ne devraient-elles pas servir de leçon? En quoi, les assassinats de Saddam Hussein et de Mouammar Kadhafi ont-ils aidé l’Irak et la Lybie à avancer?
Nous, peuple congolais, devons mieux prendre conscience de notre statut d’êtres humains, créature de Dieu Tout Puissant au même titre que les autres. Nous ne pouvons accepter de demeurer éternellement la proie de nos semblables sous le simple prétexte qu’ils ont su mieux s’organiser avant nous et ainsi détenir la puissance. Nous, Congolais, avons donc le droit de définir notre propre voie vers la démocratie, pour autant que ce substantif polysémique conserve son sens originel de pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple.
Il faut dénoncer le mensonge dévastateur qui se répand actuellement parmi nous et essentiellement au sein de la jeunesse. Des faux sages s’évertuent à nous faire croire que seule une démocratie du style occidental nous conviendrait et nous permettrait de sortir du sous-développement! Un premier démenti s’impose à cet artifice: nombre de pays à travers l’humanité progressent en dehors des contraintes et autres distractions que l’on cherche à nous imposer. La Chine, Singapour sont des exemples dans lesquels on peut voir les résultats d’une démocratie adaptée à la culture locale.
Une autre idée erronée s’incruste actuellement dans la théorie de la démocratie occidentale. Elle consiste à faire croire que la démocratie ne saurait s’exprimer parfaitement que si l’alternance s’y impose comme caractéristique déterminante.

LE DEVOIR.
L‘intelligence politique et sociale veut que l’alternance soit une possibilité ouverte, laissée au choix du peuple et non une obligation. Le peuple, souverain primaire, doit à tout moment disposer de l’entièreté de l’offre politique sans que, pour une quelconque raison, l’on soustraie du jeu telle ou telle personnalité pour avoir préalablement exercé les responsabilités. Pis que ça, plusieurs pays occidentaux telle l’Allemagne, ne limitent pas le nombre des mandats du numéro 1 de l’Exécutif.
Bien plus important, il est impératif de reconnaitre que les changements répétitifs que pourrait entraîner une alternance mal comprise dans une nation en reconstruction auraient des conséquences bien plus graves que dans un pays dont les bases ont déjà été posées. En général, une vision n’est mieux matérialisée que par son concepteur. En effet, ceux qui nous imposent de répéter régulièrement le changement vivent dans des pays déjà complètement structurés et avancés sur les plans matériel et managérial dans lesquels les dirigeants n’agissent plus qu’à la marge, donc sans possibilité de remettre en cause les fondamentaux. Nous ne vivons pas dans les mêmes conditions. Au Congo, notre situation objective appelle plus la stabilité que le changement qui, plus est, nous semble intempestif.
Les manipulateurs déguisés en sages, s’évertuent à nous imposer ce qu’il conviendrait de signifier par l’expression «Démocratie ya Likelemba». Il s’agirait alors d’une sorte de «tontine» dans laquelle chacun passerait à son tour à la tête de l’Etat. Cette organisation politique permettrait alors à des puissances étrangères d’intervenir régulièrement dans la marche de nos Etats pour aider à chasser ou à imposer qui ils veulent, quand ils veulent. L’alternance deviendrait alors une simple arme aux mains de l’impérialisme.
La sagesse devrait nous conduire à jeter notre dévolu sur une forme de démocratie qui nous permettrait de choisir librement, à échéance régulière et au coût le moins élevé, la personnalité que la majorité du peuple sans exclusive considère comme la mieux outillée pour nous sortir du sous-développement. Cette démocratie nouvelle basée sur la recherche du plus grand consensus possible aura pour ambition de ne laisser aucune ressource politique capable et disponible dehors. Dans nos conditions, et suivant les valeurs de notre culture, tout autre discours relèverait de l’aliénation. Il s’agit de ne pas se tromper.
Le combat en cours au Congo oppose, comme en 1960, une part des élites complexées aliénées aux intérêts occidentaux à une autre nourrie aux idéaux humanistes de liberté et de recherche de dignité. Comme en 1960, les progressistes d’aujourd’hui considèrent que le premier critère de la définition de la démocratie réside dans le choix du peuple congolais. Pour cette avant-garde congolaise aucune volonté extérieure aussi puissante soit-elle ne saurait venir, grâce à des moyens financiers ou de manipulation mentale, convaincre que la démocratie consiste à choisir les hommes qu’elle aura préalablement sélectionnés.
Le sang que les manipulateurs et leurs valets locaux ont fait couler à Kinshasa les 19 et 20 septembre 2016 dans le but de trouver des prétextes par lesquels chasser un pouvoir légitimement et légalement établis ne constituera jamais le ciment de leur projet maléfique au Congo. Il est proprement inacceptable d’utiliser une jeunesse inconsciente des enjeux, pour l’amener à détruire l’embryon d’une économie, péniblement, en reconstruction, pour ensuite utiliser ses morts et la faiblesse de l’économie que l’on aura préalablement détruite afin d’évaluer la capacité du pouvoir que l’on combat. Le peuple doit prendre conscience que dans la situation qui est la sienne aujourd’hui, comme en 1959, la résistance est un véritable impératif.
Personne d’autre que nous même ne viendra développer ce pays, personne ne viendra améliorer notre niveau de vie. La responsabilité de demeurer libre et digne de l’existence humaine nous incombe. Elle doit être portée par les élites et la jeunesse de ce pays. C’est ainsi que nous encourageons chacun à sortir des analyses superficielles que nous offrent ceux qui cherchent à soumettre notre pays à leurs propres intérêts.
La résistance est un impératif, chacun doit accomplir son devoir !
JEAN-PIERRE KAMBILA KANKWENDE.


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