- lun, 16/11/2020 - 21:51
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1507|LUNDI 16 NOVEMBRE 2020.
Le bureau de l’Assemblée nationale s’emmêle les pinceaux, voilà plusieurs mois déjà pour une commande d’une trentaine de véhicules sans toutefois rien spécifier, comme il est d’usage. «Un lot de vingt véhicules»! Rien qu’«un lot de vingt véhicules»!
Lesquels? La note de commande ne précise rien du tout et viole, de manière ostentatoire, la circulaire du Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba portant respect des procédures de passation des marchés publics dont Jeanine Mabunda Lioko compte pourtant parmi les ampliataires.
Hélas, des organes techniques attitrés brillent par une complicité sinon une complaisance
déconcertante au point que des voix s’élèvent dans les milieux des affaires pour exiger leurs audits.
La Direction générale de contrôle des marchés publics (DGCMP) délivre, en effet, juste comme une lettre à la poste, des avis de non objection, même pour des marchés visiblement opaques, à l’image de celui de l’Assemblée nationale.
Et l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) en rajoute dans la désinvolture avec des décisions contradictoires sur la procédure des passations des marchés publics. En voici les preuves. Par ce temps de vaches maigres de la pandémie de COVID-19, l’Assemblée nationale a quand même, obtenu du Trésor, quelque 3.193.972.376 FC environ 1,9 million de $US, selon le questeur adjoint de la Chambre basse du Parlement, Innocent, Unyon Vakpa Katumba.
Motif : achat de véhicules. Trente-deux en tout dont une jeep tout-terrain haut de gamme facile à imaginer à quel garage le SUV sera parqué et donc, l’heureux bénéficiaire, six autres jeeps 4x4 TT full option - fort probable pour les membres du bureau, 3 bus de 30 ou 32 places, une pick-up fourgonnette, une ambulance médicalisée et 20 voitures non autrement déterminées. Jeep? Pick-up? Utilitaire? «Ketch»? Dans l’appel d’offre sous seing du questeur adjoint, rien n’est précisé. D’un ton humoriste, cet élu, joint par Le Soft International, ironise en parlant «d’une commande… à huis clos».
Pour autant, le dit appel d’offre lancé, une première fois, début 2020, est couvert d’un avis de non-objection de la DGCMP, le 10 juin 2020. Mais l’appel d’offre sera recalé et suspendu par l’ARMP qui relève de la Primature, le 27 août 2020, le jour prévu pour les ouvertures des offres, suite notamment à des plaintes et recours des soumissionnaires dont la société ECOMITRA. La présidente de l’Assemblée, Jeannine Mabunda Lioko, a été personnellement saisie, selon le Comité de règlements de différends de l’ARMP.
DEUX APPELS D’OFFRES SIMULTANES.
Curieusement, le 12 août déjà, le bureau de l’Assemblée nationale avait lancé un autre appel d’offre avec les mêmes zones d’ombres sur le type 20 véhicules à acquérir. Suivant la lettre n°512/AN/QA/UVI/BOSS/2020 du 17 septembre 2020, indique une note du régulateur des marchés publics, le questeur adjoint de l’Assemblée nationale soutient que son appel d’offres lancé le 12 août 2020 est un nouvel appel d’offres qui n’est ni la suite ni le supplément de celui pour lequel la société ECOMITRA fait recours.
Dans une autre lettre datée du même jour mais référencée n°513/AN/QA/UVI/BOSS/2020, le même questeur adjoint sollicite la levée de la mesure de la suspension quant au marché en cours. Un appel d’offre qui, pourtant, n’a jamais fait l’objet d’une suspension, fait remarquer un observateur averti. Qui relève par ailleurs que le second appel d’offres de l’Assemblée nationale porte certes la date du 12 août mais n’a été transmis à l’ARMP pour publication que le 17 et publié le 18 août, réduisant considérablement la période de soumission de juste 9 jours contre 15 suivant le deadline du 27 août fixé par le questeur adjoint de la chambre basse.
En clair, c’est donc un marché opaque de commande des véhicules, de près de 1,9 million de dollars, dont le bureau de l’Assemblée nationale a lancé derechef un appel d’offres, non sans la connivence du régulateur des marchés publics qui a levé en date du 6 octobre 2020 la suspension de la procédure d’attribution du dit marché. L’ARMP motive, en effet, sa décision, par le fait qu’aucun soumissionnaire dont ECOMITRA n’a exercé son droit de recours selon la loi sur les marchés publics.
Voilà une affaire qui devrait ragaillardir le député Fabrice Mpuela dans sa conviction que la gestion financière de l’Assemblée nationale est sujette à caution au point d’exiger l’éjection en bloc du bureau auprès du Conseil d’Etat. Il appert qu’au jour le jour, les rangs des élus qui en ont ras-le-bol des pratiques du bureau Mabunda s’allongent de plus en plus avec des députés estampillés FCC.
POLD LEVI MAWEJA.