- jeu, 23/01/2020 - 06:37
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1479|JEUDI 23 JANVIER 2020.
Si Jeanine Mabunda Lieko s’est sentie le devoir de recadrer publiquement le Président de la République en convoquant de toute urgence le 21 janvier à l’hôtel Sultani caméras de télé et journalistes et en prenant la parole au lendemain des déclarations du Chef de l’Etat le 19 janvier devant des compatriotes rassemblés dans une salle à Londres, elle n’a fait que participer à la montée de tension sur une scène qui n’en avait pas besoin. Poussée par sa plate-forme FCC dont elle a été la porte-parole d’un jour, elle a voulu être «strictement Droit» - «il ne faut pas jeter les articles de la Constitution en pâture à des incompréhensions ou des malentendus. L’article 148 parle bien de dissolution de l’Assemblée nationale, mais dans des cas précis. Il y a des conditionnalités. Il faut qu’il y ait crise persistante entre le gouvernement et la Chambre basse du Parlement. Ce qui, pour l’heure, n’est pas le cas puisque le programme du gouvernement et le budget ont été votés au-delà de notre propre majorité parlementaire».
Dans la même lancée, après une question préparée mise dans la bouche d’un journaliste, Mabunda s’aventure dans l’indécence. «Selon les prescrits de cet article, par ailleurs, le président de la République est invité dans le cas de cette crise à consulter le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale, et le Président du Sénat avant toute décision. Faute de quoi, on serait dans une violation de texte. Et cette violation est régie par l’article 165 de la Constitution, qui dit que toute personne qui méconnaît notre loi fondamentale peut être exposée au cas de haute trahison pour violation intentionnelle de la Constitution».
Puis, celle qui joue à la Nancy Pelosi, la Speaker de la Chambre des Représentants américaine, de temporiser, le mal étant fait : «Je ne cite que des articles. Je ne prends pas position».
Mabunda oublie ou feint d’oublier qu’il s’agit d’une question éminemment politique.
LE CAS SAMY BADIBANGA ET D’AUTRES.
Le 5 avril 2017, Samy Badibanga Ntita fut démis, en direct à la télévision, de ses fonctions de Premier ministre, Chef de Gouvernement.
La Constitution confère-t-elle ce pouvoir au Président de la République?
Voici, en l’espèce, ce que dit la Constitution: «Le Président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci. Il met fin à ses fonctions (celles du Premier ministre) sur présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement» (art. 78). Le Premier ministre qui ne peut quitter ses fonctions que pour des raisons personnelles ou suite d’une motion de censure votée à l’Assemblée nationale, Samy Badibanga Ntita n’était-il pas le premier à être surpris ce 5 avril 2017 quand venu écouter le discours sur l’état de la Nation qu’allait prononcer le Chef de l’Etat devant le Congrès, assis sur un strapontin dans l’hémicycle de la Chambre basse, il entend, comme tous les Congolais, Joseph Kabila Kabange annoncer qu’un Premier ministre sera «impérativement nommé dans les 48 heures»? En clair le départ de l’Hôtel du Conseil de Samy Badibanga.
Extraits en intégralité de ce discours: «Au cours de ces dernières 48 heures, j’ai été à l’écoute de la classe politique et sociale qui a répondu à mon invitation. J’ai noté une convergence des vues, notamment sur l’urgence qu’impose le règlement de deux points relatifs à la mise en œuvre de l’Accord, spécialement en ce qui concerne la question de la désignation d’un nouveau Premier Ministre. A ce propos, un large consensus s’étant dégagé sur la procédure de désignation de celui-ci, et sur les compétences de l’autorité de nomination, j’invite le «Rassemblement» à surmonter ses querelles intestines et à harmoniser les vues sur la liste des candidats Premier Ministre ayant le profil requis et convenu, comme souhaité depuis plusieurs mois, en vue d’accélérer le processus de formation du nouveau Gouvernement d’Union Nationale». Puis: «Comme relevé dans mon message de novembre 2016, et tenant compte du fait que le pays ne doit plus être l’otage d’intérêts personnels et de lutte de positionnement des acteurs politiques, le Premier Ministre sera impérativement nommé dans les 48 heures». quand le Président de la République d’alors donne «48 heures à l’opposition de lui donner trois nom pour ce poste?
Pourquoi la Présidente de l’Assemblée nationale prend-t-elle la parole solennelle pour annoncer que le Parlement pourrait activer l’art. 165 menaçant clairement d’accuser le Président de la République de haute trahison, ayant, à ses dires, «violé intentionnellement la Constitution» s’il venait à congédier la Chambre basse? Crise «persistante» et «consultation» du Premier ministre, du Président des deux Chambres législatives, qui donc apprécie? «Consultation» c’est écouter, prendre avis sans forcément en faire sien. Voici ce qu’en dit le dictionnaire français : consulter c’est «écouter, balancer, chercher, compulser, conférer, délibérer, dépouiller, demander, discuter examiner, feuilleter, fouiller, hésiter, interroger lire, parler, quémander, questionner, référer, réfléchir, regarder, se concerter, s’entendre, se référer, se régler, se reporter, se tâter, s’informer solliciter, tergiverser».
Nulle part dans la Constitution n’apparaît «imposer» son point de vue à celui qui vient «consulter».
Faut-il ouvrir le débat sur le respect de la Constitution et des lois du pays depuis une dizaine d’années par les diverses Autorités du pays? Pourquoi n’a-t-on pas accusé un seul de «haute trahison»? Que penser du refus, par des ministres, d’appliquer des ordonnances signées par le Président de la République? Le ministre «ça obéit sinon ça s’en va», peut-il interpréter un texte signé par l’Autorité Suprême du pays?
Quand c’est des jeunes qui acceptent de se faire bouger contre quelques pièces de monnaie, passe tout en le regrettant. Quand c’est à ce niveau de responsabilités, c’est irresponsable. Donc inacceptable. Oublie-t-elle le pouvoir immense d’un Chef de l’Etat conféré au Président de la République par notre Constitution ou est-ce de la peur panique partant de la puissance du discours, de l’état de grâce dont bénéficie le Président de la République ? Voilà qui renvoi à ce tweet du Haut Représentant du Président de la République et Envoyé Spécial qui raille la sortie de la président de la Chambre basse: «Les Propos de la Présidente de l’AN à l’endroit du Chefetat sont d’une insolence poltronne - makelele ya wenze. Les menaces - mangungu ya Kalamu. Infiniment l’autorité de la loi mais exprime l’autorité de l’échec = peur de panique. Mabunda oponi ko bunda? Bas les glaives. Construisons». @KitengeYesu.
D. DADEI.
En divulguant le contenu d’une rencontre avec le Chef de l’Etat, Mabunda crée un précédent fâcheux.
Incident sans précédent dans le fonctionnement régulier des Institutions de la République et précédent fâcheux que la Présidente de la Chambre basse du Parlement divulgue le contenu d’une audience qu’elle et son collègue du Sénat Alexis Thambwe Mwamba ont eue le 13 janvier au siège de la Présidence de la République, le Palais de la Nation, avec le Président de la République.
La tension reste vive et les commentaires en sens divers après la réaction musclée mardi 21 janvier par la Speaker de l’Assemblée nationale aux propos du Président de la République tenus deux jours auparavant dimanche 19 janvier à Londres. le Chef de l’Etat évoquait l’hypothèse d’une dissolution de la Chambre basse si le FCC majoritaire à l’Assemblée nationale tentait de bloquer l’exécution de son programme d’actions. Il a pointé certains ministres instrumentalisés par le FCC et menacé d’user du «bic rouge» à leur rencontre.
On reste stupéfait après que la Présidente de l’Assemblée nationale ait révélé aux médias et, du coup, au public, le contenu d’une audience de plus de deux heures, le 13 janvier dernier, avec le Président de la République. «Mon collègue du Sénat et moi, lui avons rappelé (au Président de la République), lors d’une audience à Kinshasa, la ratio legis de l’article 148. Il ne faut pas jeter les articles de la Constitution en pâture à des incompréhensions ou des malentendus. L’article 148 parle bien de dissolution de l’Assemblée nationale, mais dans des cas précis. Il y a des conditionnalités. Il faut qu’il y ait crise persistante entre le Gouvernement et la Chambre basse du Parlement. Ce qui, pour l’heure, n’est pas le cas puisque le programme du gouvernement et le budget ont été votés au-delà de notre propre majorité parlementaire».
En révélant aux Congolais que cette question de «dissolution de la Chambre basse» était l’un des sujets débattus par le Président de la République et ses deux hôtes au Palais de la Nation, la Présidente de l’Assemblée nationale crée un précédent fâcheux et nuisible au fonctionnement régulier des Institutions de la République.
Au sortir de l’audience, Mme Mabunda avait fait état des points traités avec le Président de la République. «Le bon fonctionnement des institutions du pays et la situation sécuritaire à l’Est étaient au centre des échanges. Il est tout à fait normal qu’en début de l’année, les chefs des institutions se rencontrent pour aborder les problèmes qui préoccupent les Congolais et qui nécessitent des prises de parole pour des solutions idoines. Des questions liées spécialement au social des Congolais, au fonctionnement des provinces et des institutions, en passant par la situation des entreprises publiques ainsi que les dispositions des textes, ont aussi été examinées au cours de cette entrevue». Elle n’avait guère précisé qu’il avait été question d’un cours de Droit constitutionnel.
Alexis Thambwe Mwamba avait, pour sa part, expliqué que «la question liée à la sécurité dans l’est du pays particulièrement aura été la première à être évoquée avec le Chef de l’État qui est le garant des textes et de la Nation».
Si les réseaux sociaux sont remplis de réactions, celle des députés CACH, faite mercredi 22 janvier au lendemain des propos de la Présidente de l’Assemblée nationale sonne comme une mise en garde à la mise en garde de Jeanine Mabunda adressée au Chef de l’Etat.
CONSTERNATION DES ELUS CACH.
«Le Groupe parlementaire CACH déclare avoir suivi avec consternation les propos irresponsables, irrespectueux, inappropriés et outrageants à l’égard du Chef de l’Etat Félix Tshisekedi tenus par Mme Mabunda, Présidente de l’Assemblée nationale à l’occasion de la cérémonie d’échange de vœux dans un hôtel de la place devant les personnels administratifs de l’Assemblée nationale, en présence des organes de la presse nationale et internationale», écrivent ces députés pour qui, les propos de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo devant la diaspora congolaise d Londres ont été mal interprétés.
«Dans son adresse devant la communauté congolaise à l’étranger, le Chef de l’Etat Félix Tshisekedi a fait part à nos compatriotes de la diaspora des difficultés auxquelles il fait face dans le cadre de cette coalition pour réaliser sa vision «le peuple d’abord» en rappelant qu’il n’a pas l’intention de dissoudre l’Assemblée nationale bien que certains ennemis de la Nation le poussent malgré lui. Ces propos du Chef de l’Etat ont été mal interprétés et ont donné lieu à beaucoup de réactions hâtives et approximatives et insuffisamment nourries dont celles de Mme Mabunda, visiblement dans le but de plaire au commanditaire de sa déclaration et de son auditoire qui n’en avaient nullement besoin (…)», ajoutent-ils.
Pour ces députés, ces propos «imprudents» de Mabunda sont susceptibles de créer une crise institutionnelle dont elle sera tenue personnellement et politiquement comptable et responsable.
Dans une note, le service de presse de la Présidence a expliqué les propos du Président de la République à Londres. «Il ne souhaiterait pas en le faisant (dissoudre l’Assemblée nationale), créer une crise au pays. Toutefois, s’il est mis dans une situation où il n’arriverait pas à satisfaire le peuple qui l’a élu, il n’y aura pas d’autre choix». Sur la coalition FCC-CACH, informe la note, le Président de la République qui s’est exprimé en lingala, «a conscientisé tout le monde, membres du FCC comme de CACH de travailler pour l’intérêt supérieur de la nation et non pour les familles politiques auxquelles nous appartenons (...) Nos détracteurs commencent déjà à murmurer et à nous prêter de mauvaises intentions en disant qu’après une année, conformément à la Constitution, le Président devrait dissoudre le Parlement. Alors que moi, personnellement, je ne rêve pas pour le moment de le dissoudre pour éviter au pays une crise. Par contre, si vous me poussez ou me mettez dans une situation telle que je ne sois plus à mesure de servir mon peuple comme il se doit et que j’estime que la mission pour laquelle j’ai été porté à la tête de l’Etat est étouffée, je n’aurais pas d’autre choix que de dissoudre le parlement».
ALUNGA MBUWA.