- lun, 25/02/2019 - 15:00
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Les Etats-Unis ont pris les premières sanctions contre des responsables du processus électoral. Un communiqué publié vendredi 22 février 2019 par le Département d’Etat (ministère des Affaires étrangères) dirigé depuis le 26 avril 2018, par Michael Richard Pompeo, généralement appelé Mike Pompe, un proche du président Donald Trump (en remplacement de Rex Tillerson limogé), explique que ces mesures ont été rendues possibles grâce à une loi votée par le Congrès américain en décembre dernier, habilitant le Département d’Etat, à prendre de telles mesures.
Au premier rang de ces personnalités sanctionnées par les services d’un homme, directeur de la CIA, de janvier 2017 à avril 2018, figure en première ligne Corneille Nangaa Yobeluo, président CENI qui a rejeté ces mesures. Mais qui aurait acquis plusieurs propriétés et a fait élire députés nationaux ses proches parents, son propre frère et son épouse.
LEURS FAMILLES FRAPPEES AUSSI.
Deuxième homme visé par les sanctions américaines, le vice-président, Norbert Basengezi Katintima qui les a également rejetées.
De même, le fils de ce dernier, Marcellin Mukolo Basengezi, conseiller du président de la CENI considéré comme le grand ordonnateur des négociations d’achat des machines à voter querellées à la société sud-coréenne Miru Systems et que le Gouvernement sud-coréen, à la suite de controverses nées de ce marché, n’avait pas validées.
Il en va de même pour le président de l’Assemblée nationale Aubin Minaku Ndjalanjoku qui a fait passer plusieurs lois relatives aux élections et sans aucun doute comme secrétaire général de l’ex-Majorité présidentielle citée dans moult opérations de trafic d’influence. Dernier homme à être sanctionné et dont le nom a été publié, le président de la Cour constitutionnelle, Benoît Lwamba Bindu. Il s’agit certainement ici d’un signal fort envoyé aux hauts magistrats de veiller à leur indépendance.
Outre ces personnalités publiques dont les familles sont aussi frappées, refus de visas et, du coup, refus de séjour sur le territoire des Etats-Unis - certaines de ces familles vivent en Amérique du Nord, Etats-Unis et Canada et, du coup, souffriront sans aucun doute de ces sanctions - le Département d’Etat a également sanctionné, mais sans révéler leur identité, plusieurs «fonctionnaires électoraux, ainsi que des responsables militaires et gouvernementaux soupçonnés d’être responsables, complices ou auteurs de violations des droits humains ou d’atteintes au processus démocratique en RDC».
ENRICHIS PAR LA CORRUPTION.
«Ces individus, écrit le communiqué du département d’Etat américain, se sont enrichis personnellement par la corruption ou en supervisant des violences contre des personnes exerçant leur liberté d’expression et leur droit à se rassembler pacifiquement».
«Les États-Unis soutiennent le peuple de la République démocratique du Congo (DRC) à la suite du transfert historique du pouvoir de ce pays. Les élections reflètent le désir du peuple congolais pour le changement et les institutions gouvernementales responsables. Cependant, la conduite et la transparence du processus électoral suscitent des préoccupations légitimes», écrit encore le communiqué. Selon toute vraisemblance, c’est au nouveau président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo à la tête d’un pays d’exception que s’adresse ce message.
«Les Etats-Unis sont prêts à aider le nouveau président Tshisekedi si son programme et la liste des priorités de son gouvernement coïncident aux attentes de l’ensemble du peuple congolais. Ils souhaitent au nouveau Président une présidence couronnée de succès mais savent que cela ne peut être possible avec un Gouvernement qui ne prend pas ses intérêts à cœur», analyse à Washington un habitué des Affaires africaines qui s’attend voir un Président «libre de ses moyens».
«NE PAS SERVIR DE PARAVENT».
Un site en ligne à Bruxelles proche des thèses de l’opposition Lamuka écrit le 22 février 2019: «Clairement, les Etats-Unis jouent [ainsi] la carte Tshisekedi contre Kabila». «Pas question pour eux que M. Tshisekedi serve de paravent à son prédécesseur afin qu’il puisse tranquillement continuer à diriger le pays depuis sa ferme de Kingakati comme il l’a fait durant ces dix-huit dernières années», poursuit le lendemain 23 février 2019 Adrien Seyes (un autre pro-Lamuka) sur son blog avec ce titre: «RD : Les Etats-Unis mettent (déjà) la pression sur Félix Tshisekedi».
La première puissance mondiale déclare que ces nouvelles sanctions reflètent «l’engagement du Département d’Etat à travailler avec le nouveau gouvernement de la RDC afin de concrétiser son engagement déclaré à mettre fin à la corruption et à renforcer la démocratie et la responsabilité», écrit le compte Twitter de l’Ambassade des Etats-Unis à Kinshasa (U.S. Embassy Kinshasa, @USEmKinshasa).
Quant à l’ambassadeur lui-même Mike Hammer (@USAmDRC), il écrit: «Le Département d’état souligne que les actions annoncées aujourd’hui sont spécifiques à certains responsables et ne concernent ni le peuple congolais, ni le gouvernement nouvellement élu».
Plusieurs organisations congolaises de la société civile ont accueilli avec satisfaction ces sanctions.
T. MATOTU.