Trump engage un bras de fer avec Poutine
  • lun, 04/08/2025 - 09:28

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International | N°1642 | JEUDI 31 JUILLET 2025 |
C’est la première fois que Trump raccourcit le délai d’un ultimatum imposé
à Poutine. Le président américain a, une nouvelle fois, haussé le ton lundi 28 juillet en donnant «10 ou 12 jours» à son homologue russe pour mettre fin au conflit en Ukraine, sous peine de sévères sanctions. Le 14 juillet, il lui en avait donné 50.

Deux semaines plus tard, le Républicain estime qu'«il n’y a aucune raison d’attendre» ne voyant «aucun progrès». Selon Nicole Gnesotto, vice-présidente de l'Institut Jacques-Delors, le dirigeant russe «ne peut pas rêver mieux qu'un bras de fer» avec son homologue américain. Les dirigeants européens, dont le Français Emmanuel Macron et l'Ukrainien Volodymyr Zelensky, avaient demandé la mise en place d'un cessez-le-feu de 30 jours, ce à quoi la Russie n'a pas donné suite. Entre ultimatums, menaces et négociations, Poutine semble en plein bras de fer qu'«il adore», assure Nicole Gnesotto. «Il est dans une situation où il négocie, il est d'égal à égal avec les États-Unis, donc il ne peut pas rêver mieux qu'un bras de fer» avec le dirigeant américain. Cet ultimatum est loin d’être le premier. Pour l’heure, aucun n’a réussi à tordre le bras de Vladimir Poutine. C’est la première fois que Trump raccourcit le délai d’un ultimatum imposé à son homologue russe. Cette fois, Trump entend viser les partenaires économiques de Vladimir Poutine. En première ligne, les pays qui se fournissent en hydrocarbures russes : l’Inde et la Chine. Taxer à 100 % l’Inde signerait la fin des exportations de ce pays vers les États-Unis, ce qui constitue «une menace sérieuse», souligne David Teurtrie, maître de conférences en science politique à l’Institut catholique d’études supérieures, ICES, et chercheur associé à l’Institut national des langues et civilisations orientales, Inalco.

UN COUP DE POKER?
Ce revirement doit être appréhendé dans un contexte global, notamment celui de l’accord entre l’Union européenne et les États-Unis signé dimanche. «Il est très probable que la Commission européenne ait demandé au chef d’État américain d’accentuer la pression sur le Kremlin», estime David Teurtrie. Alors quand le président milliardaire «aura d’autres perspectives, sa position pourra évoluer», insiste-t-il. À voir si Donald Trump est vraiment capable de mettre en œuvre sa menace. Compte-tenu de son imprévisibilité, «il peut aussi ne rien se passer, prévient Oksana Mitrofanova. C’est un joueur de poker, cela peut être du bluff». Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois que Donald Trump montre les dents pour finalement mordre la poussière.
Si elles étaient réellement mises en œuvre, ces taxes dites «secondaires» n’auraient pas d’effet immédiat sur le conflit. À chaque fois que l’Union européenne a pris de nouvelles sanctions sévères contre le Kremlin, ce dernier «a toujours fini pas trouvé des mécanismes de contournement qui lui permettent de reprendre ses exportations à un rythme normal», note David Teurtrie. La stratégie de Donald Trump pourrait même se retourner contre lui puisque «la Russie est l’un des premiers pays exportateurs de pétrole donc il existe un risque réel de déstabiliser le marché», précise le chercheur. Les mesures prises par les alliés de Kiev n’ont jamais eu aucun effet sur le conflit en Ukraine lui-même. «La Russie est assez tranquille, elle n’a pas peur des États-Unis, elle possède plein de ressources», abonde Oksana Mitrofanova. Elle l’a encore montré avec d'intenses frappes russes qui ont tué au moins 25 civils, dont une femme enceinte et une quinzaine de détenus d’une colonie pénitentiaire, dans la nuit de lundi à mardi. Tout au plus, les États-Unis pourraient obtenir un geste symbolique «pour amadouer Donald Trump», souligne David Teurtrie. À l’instar des vaines négociations entamées à Istanbul entre Moscou et Kiev. Le Kremlin et les élites russes n’ont de toute manière «aucun intérêt à plier devant un ultimatum étant donné leur engagement dans un bras de fer avec l’Occident», prévient le chercheur. Armer l’Ukraine reste encore le meilleur moyen de contrer la Russie sur le terrain. « Il faut envoyer de l’équipement militaire en grande quantité, comme des avions plus sophistiqués et plein d’autres capacités militaires pour rendre l’Ukraine plus forte», développe Oksana Mitrofanova. C’est là que Donald Trump est face à un mur. Arrivant à épuisement des livraisons votées par son prédécesseur, deux chemins s’offrent à lui : le président américain va devoir soit tenir ses engagements électoraux en tournant son dos à l’Ukraine et donc lui promettre la défaite, soit trahir ses électeurs et poursuivre le soutien militaire à Kiev. «Alors le conflit qu’il qualifiait de «guerre de Biden» deviendrait la «guerre de Trump»», résume David Teurtrie.


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