Vraies questions bonnes réponses
  • sam, 17/03/2012 - 13:22

MISE EN LIGNE LE 17 MARS 2012 | LE SOFT INTERNATIONAL N° 1156 DATÉ 16 MARS 2012.
Quand un père de famille invite à table un étranger quand il ne distribue pas des plateaux repas à ses propres enfants, cela ne donne-t-il pas lieu à une bronca au sein de la famille malgré l’omerta à laquelle on assiste présentement? Faut-il sacrifier des hommes et des femmes au bénéfice de nouveaux venus qui ont donné du fil à retordre soit lors de la législature passée soit pendant la campagne?
Pourquoi la stratégie de Kisangani a-t-elle été désastreuse? Sur quelle base surfer une nouvelle légitimité? Qui, de Boshab et de Kengo, est susceptible de reprendre la main à la Primature? Y en aurait-il pas un autre ou... d’autres? Les soliloques de Tryphon Kin-kiey Mulumba. Les défis de Kabila-II.

Le Président de la République aurait-il pu éviter la nomination d’une personnalité en charge d’une mission d’information?
Stricto sensu, le Président de la République n’en avait pas besoin. Depuis le 1er février 2012, sur le papier, on sait que la majorité est la majorité. Avec la publication officielle des résultats provisoires des Législatives par la Commission électorale, les partis membres de la majorité sortante contrôlent 350 Députés sur les 500 que compte la Chambre basse. C’est une confortable majorité.
Autour aussi bien du Secrétaire général de la Majorité présidentielle que du Président de la République, des rencontres ont eu lieu qui confirment cette majorité. Le Président a réuni une rencontre de famille et a donné des indications précises aux chefs de partis. Il n’y a pas eu de déclaration de retrait d’appartenance à la famille.

Comment expliquer cette désignation?
Le Président de la République est un homme à l’écoute de ses compatriotes. Que disent ses compatriotes? Après lui-même qui a avec honnêteté et courage reconnu «des erreurs», jour après jour, le couvercle de la marmite électorale s’est mis à s’ouvrir et à dégager une odeur pestilentielle. On a parlé d’irrégularités, de fraudes, de fraudes massives, de bourrage des urnes! On a parlé de quotas et... de nominations de Députés! Les incohérences paraissent trop fortes pour que des faits délictueux ne se soient pas passés.
La parole s’est libérée jusque dans le saint des saints de la Commission électorale! Des rapports internes circulent et arrivent dans des rédactions de presse.
Le Chef d’Etat qui a la charge de veiller au fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions de la République ne pouvait - ne pourrait - rester sourd à une situation aussi dangereuse et engager la mandature en en faisant l’impasse. Le Président s’est donc mis au-dessus de la mêlée en prenant le large. Cette posture lui a permis de comprendre et de maîtriser sinon cette crise, du moins ces défis.

Que recherche le Président?
La majorité certes existe mais elle est théorique. Le Président souhaite faire le compte réel de ses troupes en exécutant des mécanismes constitutionnels. Il veut respecter à la lettre les lois du pays. Dans son discours d’investiture, il a offert de travailler avec tous les compatriotes de quelque bord politique qu’ils viennent. Or, depuis, il y a un élément qui s’est ajouté au tableau: la prestation de serment, du moins a-t-on prétendu, d’un autre protagoniste. D’où la confusion avec ce retour de vieux Démons. En même temps, des compatriotes frappent aux portes de la majorité et disent avoir cette même «passion du Congo» dont a parlé le 20 décembre 2011 le président fraîchement réélu.
A ce propos, les textes de loi sont clairs. Pour faire partie de l’exécutif, il faut préalablement avoir quitté l’opposition et appartenir à la majorité parlementaire. La démocratie implique la transparence. L’homme politique doit assumer en public ses actes. C’est le respect dû au Peuple. De là l’arrivée de l’informateur - qu’en Belgique on appelle démineur - et qui a mission de recevoir et d’écouter tous ceux qui le souhaitent et veulent s’engager sur les bancs de la majorité et participer à l’œuvre de reconstruction du pays.
On sait qu’au terme de la disposition de l’art. 78 de la Constitution, «le Président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci». L’informateur-démineur présente à la fin de sa mission son rapport sur l’ébauche de programme prioritaire concerté de gouvernement, sur les partis et personnalités à même d’exécuter ce programme, sur la charpente d’une équipe gouvernementale, etc. Il revient au mandant de le suivre ou pas, de lui demander, le cas échéant, de reprendre ou pas sa mission, de l’en décharger et de charger une autre personnalité, etc. Les choses ne peuvent être plus claires.

C’est facile d’avoir raillé un prétendant et son programme pour le rallier plus tard en réclamant un maroquin!
Mais la politique est aussi l’art du possible! Quelqu’un a dit qu’il n’existe ni d’alliés éternels, ni d’ennemis éternels sauf les intérêts qui sont éternels et perpétuels. A partir du moment où on reconnaît qu’on a fauté et qu’on s’est repenti, il faut pouvoir tourner la page. Pour aller de l’avant, le pays a besoin de tous ses fils et filles. Mais je sens ce que sous-entend cette question: la crainte d’une bronca au sein de la majorité présidentielle! Qu’un père de famille invite à table un étranger quand il ne distribue pas des plateaux repas à ses propres enfants, cela peut donner lieu à un déferlement d’indignation. La charité bien ordonnée commence par soi-même.
Il se trouve que la majorité comprend des personnalités honnêtes, fidèles et loyales qui se sont dépensées sans compter, toute la législature passée durant, pour que triomphe la cause de la majorité et dont des membres ont attendu au bord de la route... La majorité est aussi tapie de compétences avérées dans tous les domaines. Au nom de quoi va-t-on sacrifier ces hommes et ces femmes au bénéfice de nouveaux venus qui vous ont donné du fil à retordre soit lors de la législature soit pendant la campagne? Si les portes restent grandes et ouvertes, il y a de la démobilisation.

Comment concilier nécessité de sauvegarde de la famille politique et besoin d’ouverture?
Il est normal qu’on érige une digue: on invite pas qui veut, d’une part! Il faut que l’appel apporte un plus à la fois en politique intérieure et en politique extérieure. Ensuite, tout est dans le dosage...
Sarkozy avait offert deux ministères clé à des socialistes repentis dont Bernard Kouchner au Quai d’Orsay et le poste de directeur général du FMI à Dominique Strauss-Khan dont la compétence et la crédibilité étaient établies. Il s’en est mordu les doigts et, avec la perspective d’une prochaine victoire de Hollande, les repentis ont rétropédalé en (re)déclarant leur flamme socialiste... Certes, comparaison n’est pas raison! Sarkozy vient de promettre qu’en cas de réélection, il pourrait piocher chez les mêmes socialistes mais dit avoir compris la leçon: il sait désormais sur quelles terres il se rendrait. Il faut souvent un stage pour refouler le vieil homme qui parfois ne nous quitte pas! Cela dit, sauver notre démocratie passe par une action de pédagogie. Autant que faire se peut, il faut éviter le mélange des genres. Que la majorité gouverne et que l’opposition conteste de manière constructive. Il faut œuvrer à dédramatiser la scène et appliquer intégralement les lois de la République. Je pense au règlement intérieur en discussion à l’Assemblée nationale, à la loi n°04/002 du 15 mars 2004 portant organisation et fonctionnement des partis politiques comme à celle n°07/008 du 4 décembre 2007 portant statut de l’opposition politique qui offrent d’importants cadres d’expression politique.

Cet imbroglio provient-il de la mauvaise organisation des élections?
Si les Législatives n’avaient pas été contestées ou l’avaient été moins, on n’en serait pas là, cela va de soi. Actuellement, on assiste à une sorte d’omerta et le pire est à craindre! Quand le peuple prend conscience que ses voix ont servi à d’autres fins, on va droit à la désaffection de l’électorat et à la réactivation des foyers de tension. Il nous faut bâtir une République authentique et un Etat impartial et si personne ne nous le réclame aujourd’hui et maintenant, les signaux à adresser à notre peuple doivent être sans équivoque.

Après les contestations des Législatives, la base de la légitimité reste-t-elle la Présidentielle?
La Présidentielle a eu son lot d’«erreurs», avec honnêteté et courage, le Président de la République l’a reconnu, mais aucune organisation à l’interne comme à l’externe n’en a contesté les résultats. En revanche, les Législatives sont très clairement contestées et nombre de Députés «proclamés» se demandent quand ils se regarderont dans le miroir! Il doit y avoir une bonne centaine qui l’ont été à la loyale. Les autres? J’ai de très fortes réserves. Le candidat en campagne était occupé à se faire élire par tous les moyens et, dans le cas d’un chef de parti, à ramasser le plus de Députés pour son parti. On en a vu en nombre faisant l’impasse sur la présentation et la défense du candidat à la Présidentielle de la Majorité! Trop risqué, disaient-ils!
Au fond, la faute en incombe aussi bien aux textes qu’il faut réformer qu’aux candidats et aux membres de la Céni. La Céni du pasteur Mulunda a à apprendre de la Céi de l’abbé Malumalu à ce point qu’avec le boulet au pied, elle ne peut avancer sans s’autoévaluer et c’est peu de le dire. La Céni s’étant déconsidérée, la poursuite du processus électoral devient problématique dans son contexte légal actuel.
Si l’espoir est désormais à la Cour suprême qui fait office de Cour constitutionnelle et qui doit apporter les correctifs, il va sans dire qu’aussitôt proclamée par la Haute Cour, la nouvelle Assemblée nationale doit réévaluer notre système et appliquer sans état d’âme une thérapeutique de choc. Il va de la crédibilité de nos Institutions et de notre système.

Sur quelle base construire une nouvelle légitimité?
Plus que jamais, il faut partir - Dieu soit loué! - de la légalité et de la légitimité qu’incarne le Président Kabila. Au fond, il y a un électorat sociologique qui a porté cette victoire et derrière elle, des artisans, des fidèles. Il y a les compétences avérées que l’on trouve dans toutes les provinces et dans tous les partis politiques. Il y a la demande de renouvellement, énorme dans le pays et c’est une donne majeure! Quitte à faire une opération chaises musicales. Reprendre les mêmes et recommencer est le pire qui puisse arriver alors que l’air devient irrespirable. Il faut rechercher la cohésion nationale et autant que faire se peut ériger en un ministère des matières liées à l’Administration et à la Cohésion nationales.
Un message volontariste doit être adressé à nos compatriotes qui vivent à l’étranger qui doivent être informés par de vrais médias et non par de la propagande, et qui sont laissés à l’abandon. Il nous faut éviter de les plonger inexorablement dans une stratégie de violence qui n’a jamais été aussi observée. La vraie opposition politique est désormais non pas à l’intérieur mais à l’extérieur.
Elle bénéficie des nouvelles technologies, Twetter, Facebook, Youtube, email, cercles de discussion, etc., autant de moyens que l’opposition anti-Mobutu n’avait pas. C’est une lame de fond qui menace et l’histoire des Nations montre qu’on n’arrête cette lame de fond qu’avec des mesures structurelles de choc. Face au printemps arabe, Mohamed VI au Maroc l’a tôt compris. Après Kadhafi en Libye, Bashar El Assad en Syrie n’a rien compris! Les jours de son régime sont comptés...

Qui, de Boshab et de Kengo, est susceptible de reprendre la main à la Primature?
Chacun d’eux a ses mérites. Le président de la République étant un homme fondamentalement légaliste, on pourrait en déduire que le secrétaire général du parti majoritaire se trouve en meilleure position. Il y a certes ce mauvais résultat réalisé par le PPRD en régression dangereuse, qui passe de 111 Députés en 2006 à 62 en 2011 mais qui reste le parti dominant. Il n’est pas le seul à connaître cette érosion. Le Palu est passé sous la barre de 10 Députés partant de plus de 30 en 2006. C’est un désaveu! C’est cette majorité fragile à la Chambre basse susceptible de basculer à tout moment du fait de l’absence d’une majorité forte contrôlée par un parti ou un groupe de partis se réclamant d’une même ligne idéologique qui donne le tournis, et justifie les tractations qui ont lieu. Au fond, la stratégie de Kisangani a fait long feu: elle n’a pas su insuffler la confiance entre partenaires et asseoir une base électorale authentique en commençant à construire un système.
En vue de lancer le second mandat du Président, de le mener à bien, ce qui exige du résultat en urgence afin d’envisager 2016 sur les tablettes en cristallisant une dynamique gagnante, une véritable action nationale avec des nouvelles alliances s’impose autour du Président. C’est là que Kengo trouve sa place par des convergences qu’il pourrait proposer. Au fond, ce n’est pas tant Kengo que toute la symbolique qu’il représente. Outre le bon accueil qui lui serait fait dans les chancelleries dont on a besoin pour soutenir notre reconstruction, les marchés pourraient saluer cette arrivée qui serait perçue comme un signe dans la bonne direction. Chirac a eu cette phrase: «La politique n’est pas seulement l’art du possible. Il est des moments où elle devient l’art de rendre possible ce qui est nécessaire». Si le Président de la République est légaliste, il est un réformiste. Il n’a pas approuvé les conclusions désastreuses de Kisangani; il s’est présenté par deux fois en Indépendant à la Présidentielle; il confie la mission d’information à Charles Mwando Nsimba dont les convictions sont en l’occurrence connues.

Et Mbatshi Mbatshia, le gouverneur du Bas Congo élu Député national?
Tant qu’on y est, pourquoi pas? Pourquoi pas quelqu’un d’autre?
Le pouvoir discrétionnaire du Président est large et étendu. Le Président de la République a toute latitude de faire ce qu’il veut pourvu que cela aille dans le sens de l’intérêt général, à condition que cela n’empiète pas sur la Constitution qu’aux termes de l’article 74, il s’est juré d’observer et de défendre.
T. KIN-KIEY MULUMBA.

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Tryphon Kin Kiey Mulumba