- dim, 19/02/2023 - 09:39
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1575|JEUDI 16 FÉVRIER 2023.
Il avait depuis longtemps réfléchi à son coup. Il l’a minutieusement préparé. Il avait commencé par acquérir plusieurs autocars qui ont entrepris de faire des aller-retour entre la ville de Kinshasa et les provinces proches de l'Est de la capitale, le Kwango et le Kwilu.
NOMMÉ, ÉTAIT-IL DÉSEMPARÉ ?
Membre d’un parti politique désintégré en quatre ou cinq ailes depuis la disparition à 93 ans de son promoteur, ayant réussi néanmoins à disposer de plusieurs relais dans les institutions nationales, provinciales et locales mais aussi à la centrale électorale comme dans des entreprises publiques et des services de l’État, cet homme, recruté par des membres de l’ancien parti présidentiel PPRD-FCC qui avaient nourri des ambitions de succéder à l’ancien président Joseph Kabila Kabange interdit de troisième mandat, s’est retrouvé sur une liste de députés nommés de la circonscription de Masimanimba, territoire de la province du Kwilu, dans l'ex-Bandundu, qui aujourd'hui, fait partie de la «première Aire Opérationnelle» de la Commission Électorale Nationale Indépendante.
Une liste griffonnée à la hâte sur un bout de papier déchiré d'un bloc-notes par le 1er Vice-président de l’ancienne équipe de la CÉNI, Léonard Basengazi Kantintima. Tout ça en direct devant les caméras du monde, ce 12 janvier 2019, lors de la proclamation des résultats des législatives.
Le schéma planifié par l’ancien pouvoir qui venait de perdre la présidentielle proclamée peu avant, le 30 décembre 2018, était en effet de conserver la réalité du pouvoir de l'État en se fabriquant des élus, s’assurant ainsi une majorité de type stalinien dans les assemblées nationales et provinciales.
Député provincial nommé, faisant partie de la stratégie de ses mentors du PPRD-FCC, l’homme a été placé peu après, pour les besoins de la cause, ministre national dans l'équipe Ilunga Ilunkamba. Un Gouvernement qui fonctionnait dans un système de cohabitation présenté comme une coalition. Face aux réactions du président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo qui finit par convoquer des consultations à la présidence de la République, menaçant l'assemblée nationale de dissolution en convoquant des élections anticipées, l'échafaudage qui n'avait pu fonctionner, a cédé au premier coup et le Gouvernement Ilunkamba destitué le 17 janvier 2021 par une nouvelle majorité nommée Union sacrée sauf que certains des ministres de ce cabinet allaient passer la frontière en reniant au moins dans la posture leurs anciens mentors. Était-ce là le cas du député désemparé parce que nommé, dépourvu de base sociologique et de fief électoral, soucieux sinon inquiet de son futur proche alors que l'heure du vote de vérité approche à grands pas, qui le conduit à des opérations aussi irrégulières qu’illégales ? Tout le laisse penser.
Un courrier daté du 10 février 2023 du Parti pour l’Action, P.A en sigle, dont le siège social principal est installé à Masimanimba, dénonce de graves «irrégularités perpétrées dans les opérations d’identification et d’enrôlement» dans la circonscription électorale de Masimanimba. Il s'agit de suspicions graves d'opérations de fraude planifiée et programmées en vue de se garantir des mandats aux élections annoncées.
Dans ce courrier signé par le Secrétaire Général du P.A en l’absence du Professeur Tryphon Kin-kiey Mulumba, Président National Historique et Autorité Morale du Parti pour l’Action en déplacement, le Parti pour l'Action met en lumière «un ministre du Gouvernement national» qui a organisé, de connivence avec des responsables de la Commission Électorale Nationale Indépendante, cette opération de tricherie qui rappelle, écrit la correspondance, des cas similaires dénoncés lors des précédents cycles électoraux dans la même circonscription. Le ministre dont le nom pour les besoins de la cause n’est pas dévoilé dans le courrier du Parti pour l'Action mais largement cité dans la circonscription électorale, par la Commission Électorale Nationale Indépendante comme par les instances judiciaires où un dossier est ouvert, a déplacé au moins dix kits électoraux, le long de la nationale n°1, secteur de Kinzenga, à la cité de Masamuna, dans l’une de ses innombrables propriétés qu'il vante et dont nul ne connaît la provenance (mais que tous soupçonnent) pour un avocat de campagne devenu un jour ministre à Kinshasa.
LA DÉNONCIATION EN DETAILS.
Le ministre y a fait enrôler clandestinement et nuitamment des centaines d’individus amenés de Kinshasa par ses soins à bord de ses autocars. Le courrier relate en détail les faits : «Depuis plusieurs jours, des informations crédibles font état qu’un membre du Gouvernement national, ministre en l’occurrence, a choisi la voie du sabotage et de la décrédibilisation de ce processus qui coûte très cher à l’image de la République en guerre en faisant déplacer 10 kits d’enrôlement (machines-ordinateurs et autres) et du personnel de la CÉNI dans l’une de ses résidences à Masamuna dans le Masimanimba pour faire enrôler nuitamment des centaines d’individus traités et conditionnés à Kinshasa et qu’il a fait venir dans le territoire à bord de ses autocars comme voyageurs ».
Le courrier du Parti pour l'Action poursuit: «Ayant perpétré leurs forfaits, des individus et agents de la CÉNI mécontents pour n’avoir pas perçu l’argent de la corruption promis, sont revenus dans la Capitale avec 350 cartes d’électeur qui leur restaient où des faux policiers aux ordres les ont arrêtés. Dans le souci de récupérer ces cartes (afin qu'il poursuive son programme de fraude, ndlr), ce membre du Gouvernement a mobilisé ses équipes de Masamuna jusqu’ici à Kinshasa et, comme le crime n’est jamais parfait, le dossier est devant les instances judiciaires. Des informations font état que ce membre du Gouvernement de la République a déplacé jusque dans cette circonscription au moins 6.000 individus dans le but, le moment venu, de s’assurer leurs votes. Dans le passé, des cas d’irrégularités similaires avaient été documentés et dénoncés malheureusement sans donner suite après diverses interventions des complices. Avec la complicité de la CÉNI, il se serait fait reconnaître notamment et spécialement un centre-village au nom de Kamu et ses complices récompensés dans diverses nominations ». Puis : dans cette affaire et «en vue de sauvegarder notre jeune démocratie et ce processus en cours et d’agir pour faire baisser la tension qui monte dangereusement dans cette circonscription électorale où le déroulement des opérations fait déjà face à de nombreux écueils, le Parti pour l’Action et son Président National Historique, le Professeur Tryphon Kin-kiey Mulumba, pensent de leur devoir républicain» de proposer à la Commission Électorale Nationale Indépendante, quatre voies de sortie : « mener des enquêtes sérieuses au niveau de la circonscription de Masimanimba en vue de retracer ces faits (combien d’autres cas similaires existent dans la circonscription qui n’auraient pas été révélés) » ; « interroger le chef d’antenne de la CÉNI à Masimanimba dans le but de savoir s’il était saisi de ce cas et d’autres et ce qu’il aurait fait » ; « auditionner toutes les personnes impliquées dans cette affaire et en établir les responsabilités judiciaires et politiques selon les lois de notre pays. À cet effet, en vue de témoigner, nous sentons de notre devoir citoyen de vous communiquer le contact d’un préfet d’école (Monsieur Marra, tél 0816894873) à Masimanimba, recruté à cette résidence, qui a reçu à boire, à qui de l’argent a été promis» ; enfin, «que la CÉNI communique sur la question en vue d’apaiser la population.
ALUNGA MBUWA.