- lun, 21/10/2013 - 01:59
Dans l’attente du discours du Chef de l’Etat mercredi devant les deux Chambres réunis en Congrès, le pays retient son souffle
Encore deux journées et deux nuits à passer - celles de lundi à mardi, puis celle de mardi à mercredi - et on saura mercredi 23 octobre les conclusions que le Président de la République a tirées à la suite des recommandations des Concertations nationales qu’il a lui-même initiées et fait organiser avec succès dans la Capitale en septembre et octobre par une présidence collégiale majorité-opposition, épaulée par un secrétariat technique tripartite (majorité, opposition, organisations de la société civile), tout comme la direction des ateliers des cinq groupes thématiques (Gouvernance, Démocratie et Réformes institutionnelles, économie, Secteurs Productifs et Finances publiques, Désarmement, Démobilisation, Réinsertion sociale et/ou Rapatriement des groupes armés, Décentralisation et Renforcement de l’autorité de l’état). Un communiqué des deux présidents (Assemblée nationale et Sénat) diffusé vendredi 19 octobre a en effet annoncé que le Président de la République s’adresserait à la Nation mercredi 23 octobre. Un seul point à l’ordre du jour: l’audition du discours du Président de la République après les concertations nationales, convoquées pour «renforcer la cohésion nationale».
Nul doute, ce forum fut une rencontre des forces vives de la Nation boycottée par une infime portion de leaders de l’opposition Etienne Tshisekedi wa Mulumba et Vital Kamerhe Lwa-Kanyiginyi. Celui-ci, de plus en plus isolé depuis qu’un émissaire du Chef de l’Etat - le pasteur Théodore Mugalu, chef de la Maison civile - a été reçu pendant plusieurs heures par Tshisekedi - semble décidé de poursuivre un baroud d’honneur en réclamant la tenue d’un «vrai dialogue» qu’il est en peine d’obtenir.
Certes, à l’est, la pression des pays voisins reste réelle, le président ougandais Kaguta Yoweri Museveni paraissait particulièrement et très clairement décidé d’en découdre avec le Congo en prenant en otage les pourparlers de paix qui se tiennent depuis plusieurs mois dans la capitale de son pays Kampala, ne voulant nullement lâcher prise, brocardant les envoyés des Nations Unies qui appellent au respect des engagements internationaux, invoquant le principe en voie d’être consacré de l’Afrique aux Africains.
Aussi longtemps que le Congo restera faible - économiquement, donc militairement, donc diplomatiquement, donc politiquement -, il n’aura de cesse de faire face à un voisinage arrogant. Il faut bien le dire, le monde reste une jungle où les puissants peuvent allègrement imposer leurs vues. Vous avez beau pleurnicher ou vous confier à Dieu-le-Père, le miracle peut longtemps se faire attendre.
Aide-toi et le Ciel t’aidera...
UNE HYPOTHèQUE INTERNATIONALE.
De là l’hypothèse qui prend corps au Congo de rechercher un parapluie... américain. Au sortir de ses guerres, la puissante Allemagne était à ce point anéantie qu’elle n’a survécu avant de se réconcilier avec elle-même qu’en recourant à cette recette, prenant le temps de déployer son génie.
Aujourd’hui encore, troisième ou quatrième puissance économique mondiale et première sur le vieux Continent, l’Allemagne abrite dans une base militaire à Büchel an der Eifel, en Rhénanie du Nord-Westphalie, des armes nucléaires qui appartiennent aux états-Unis, mises à la disposition de l’OTAN et reste à l’écart du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Réorganiser une économie pillée par des années d’incurie et refaire une armée démobilisée par des mauvaises politiques sont des objectifs à réaliser pour qui veut que le Congo revienne un jour à la surface mais cela requiert des politiques et des années pour leur mise en œuvre.
Cela commence par l’initiative du Président de la République annoncée en novembre 2012 dans un premier temps lors de ses consultations à la Cité de l’Union africaine à un groupe d’opposants qu’il recevait, formalisée peu de temps après lors de son message sur l’état de la Nation le 15 décembre, reconfirmée le 31 décembre dans ses vœux à la Nation.
Si les préparatifs de ce forum furent laborieux, il faut saluer le vrai miracle de son atterrissage en douceur, au Palais du peuple et en apothéose, devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, celui-là même qui veille jour et nuit, à la paix et à la cohésion dans le monde.
Il reste toujours une hypothèque internationale. Les rebelles du M23 ont été vaincus à Kinshasa, dans les Kivu comme le furent leurs devanciers du RCD, du CNDP et autres. Notre armée est montée en puissance. Les rangs des rebelles paraissent se désagréger. Mais l’affaiblissement du Congo-Zaïre a laissé cours à toutes les aventures militaires au point où, en visite récemment aux états-Unis, le Premier ministre Augustin Matata Ponyo a dû incroyablement s’expliquer sur le lien qui existerait entre possession de richesse et malédiction. Il est vrai que si vous détenez un objet précieux, cela ne peut que susciter des convoitises de la part de ceux qui en sont dépourvus. Il vous faut vous armer - au propre comme au figuré - pour vous défendre n cas de besoin au risque de voir des bandits de grand chemin vous déposséder de votre bien. C’est l’histoire de Soleil Rouge de Terence Young avec Charles Bronson (Link), Alain Delon (Gauche), Ursula Andress (Christina) et Toshirô Mifune (Kuroda Jubie).
En 1871, un train avec à son bord l’ambassadeur du Japon se fait voler en plein désert le sabre en or que l’Empereur a voulu offrir au président des états-Unis. Le Japon lance une expédition contre les bandits (Charles Bronson, Alain Delon et Ursula Andress) qui est conduite par un samouraï - Kuroda Jubie - qui a juré de retrouver le précieux présent ou de se donner la mort...
Disposer d’une richesse est loin d’être une malédiction. Tout est dans la sauvegarde de ce don de Dieu. Cela implique gouvernance, c’est-à-dire, la peur et le respect légitimes qu’un état doit inspirer...
Gouvernance est le Sésame, ouvre toi, que recherche tous les états du monde, petits ou grands.
Quel type de régime faut-il à nos pays pour qu’ils cheminent vers la croissance, le développement, la prospérité et donc la respectabilité internationale?
Trois semaines durant, les Concertations ont débattu, dans tous les groupes thématiques, de cette question de gouvernance (Le Soft International n°1249, éd. spéciale, daté lundi 7 octobre 2013). On en retient une phrase clé: «Faire du Gouvernement un vecteur prioritaire de la cohésion nationale».
Peu avant ce débat, l’équipe politique du président du Sénat Léon Kengo wa Dondo avait enrichi notre dictionnaire politique national d’un nouveau vocable: la démocratie consensuelle.
Comme Mobutu expliquait son invention de l’Authenticité qui fit long feu, Michel Bongongo, professeur et sénateur, se lance dans une longue explication à travers un article paru dans plusieurs titres de presse à Kinshasa, dont le Soft International (n°1242, IIème éd., datée vendredi 30 août 2013).
La démocratie consensuelle «relève le déficit considérable pour la Nation engrangée par notre pratique vicieuse de la démocratie institutionnelle en termes d’intolérance des uns et des autres, de haine suscitée et entretenue par l’appât de l’exercice du pouvoir au sommet de l’état, et de conflits interpersonnels et communautaires. Elle en appelle à l’amour patriotique de tous les Congolais, en vue de sauver notre pays de son état actuel de morbidité lente mais progressive». Elle «se veut dialogue entre toutes les couches sociopolitiques congolaises, dans un cadre thématiquement et géographiquement bien circonscrit. Elle se profile à travers la tenue des Concertations Nationales, au cours desquelles la pratique de la démocratie consensuelle s’accorde à prêter main forte à l’idéal de la démocratie institutionnelle, pour que celle-ci s’instaure progressivement et solidement dans les rouages de l’Appareil de l’état. Nous devons tous reconnaître que notre démocratie institutionnelle est profondément malade. Elle est malade de notre culture politique trop marquée par la recherche effrénée du gain individuel au détriment de celui de toute la collectivité nationale. Et dans cette quête pour la survie et le positionnement individuels, des camps se forment, des rivalités se créent, des protagonistes se livrent une guerre sans merci: la guerre des mots et des armes, dont la violence lamine une cohésion nationale indispensable pour le développement de notre pays et l’accès de tout un peuple à son bien-être. La démocratie consensuelle, soumise à l’épreuve du feu de nos passions et ambitions respectives lors des assises des Concertations Nationales nous introduit à l’école des concessions mutuelles et des compromis, générés par la dynamique du consensus (...). Expression matérielle d’une démocratie vivante déterminée à placer l’intérêt général du peuple au-dessus de ceux égoïstes des individus et groupes particuliers, la prise de décision par consensus ne connaît ni vainqueur ni vaincu. Elle se nourrit du charisme de l’écoute et du respect des interlocuteurs afin d’en dégager ce qui les unit. à un moment aussi critique et difficile que traverse notre pays, la démocratie consensuelle, celle du centre, permet d’analyser les problèmes de la Nation avec détachement, en nous libérant des élans belliqueux provenant de nos extrémismes de droite et de gauche. Elle prépare des solutions minimales idoines susceptibles de recueillir l’assentiment de tous, de manière à asseoir les conditions optimales pour la pratique d’une vraie démocratie institutionnelle issue des urnes. La démocratie consensuelle, avant d’être une pratique, se veut d’abord un état d’esprit, un comportement politique à acquérir, spécialement lors de ces Concertations Nationales, de manière à élaborer un programme minimum de la Nation qui puisse satisfaire les attentes de notre population. Si nous réussissons, toutes les composantes sociopolitiques ensemble, ce pari de parvenir à concevoir un programme commun de la Nation à réaliser par une équipe gouvernementale ad hoc, l’épineuse question qui devrait se poser à nous est celle de savoir si cette équipe gouvernementale pourrait être issue des différentes composantes sociopolitiques, afin de confirmer la détermination de toute la Nation de s’unir autour de ses leaders politiques et sociaux et de sortir notre pays du marasme dans lequel il se trouve empêtré» (in «la démocratie consensuelle à la rescousse de la démocratie institutionnelle», Le Soft International n°1242, IIème éd., daté vendredi 30 août 2013).
L’EXECUTIF GOUVERNEMENTAL DISPUTE.
Le débat porte sur l’exécutif national qui devra être «un vecteur prioritaire de la cohésion nationale» (in Les Concertations nationales, la Co-modération, Pistes de solutions consensuelles).
Le même forum ouvre à ce point toutes les portes que s’il «affirme l’engagement de toutes les parties à consolider la cohésion nationale», il se fonde sur la sauvegarde du pacte républicain, notamment par le strict respect de la Constitution (La Constitution de la République Démocratique du Congo modifiée par la Loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006, 8, 1, 1.1, Journal officiel, 52ème année, Kinshasa, 5 fév. 2011). De même que s’agissant du fonctionnement des Institutions de la République, il «exhorte le Président de la République à veiller au bon fonctionnement des institutions» (text. cit., 8, 1, 1.0).
Mais comment anticiper sur ce que va dire le Président de la République devant les Chambres parlementaires réunies en Congrès mercredi 23 octobre au centre de tous les commentaires, dans tous les salons aseptisés du pays?
L’on ne devrait s’en tenir qu’aux textes qui fondent la République Démocratique du Congo. Républicain, Joseph Kabila Kabange s’en déclare, s’en affirme et s’en réaffirme jour après jour. Dans la gouvernance du pays, il s’est toujours tenu à ce pacte républicain, donc aux pouvoirs qui le fondent.
Adopté par référendum par le peuple souverain, ce texte donne au Président de la République des pouvoirs importants, celui notamment de «veiller au respect de la Constitution» (art. 69). «Le Président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci. Il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement (...)» (art. 78).
Stricto sensu, le renvoi du Premier ministre relève de l’initiative du Chef du Gouvernement et son départ entraîne celui de son Gouvernement. C’est ce qui fut fait lors de la démission du Premier ministre Antoine Gizenga qui invoqua la fatigue physique. «J’ai décidé en ce jour de présenter ma démission auprès du président de la République. Pour tout homme, même si l’esprit est sain et alerte, le corps physique a ses limites dont il conviendrait de tenir compte», avait-il déclaré le 25 septembre 2008. Tout comme lors du départ de son successeur Adolphe Muzitu le 6 mars 2012 atteint par l’incompatibilité après son élection à l’Assemblée nationale. Ayant mal lu la Constitution, Muzitu avait tenté de se maintenir à la Primature au lendemain de la validation de ses pouvoirs à l’Assemblée nationale mais les juristes le lui firent savoir que cela énervait parfaitement la Constitution. Ce qui ouvrit la voie à la désignation d’un informateur...
Le Gouvernement peut tomber du fait de l’Assemblée nationale devant laquelle il est responsable (art. 91) lors de l’adoption d’une motion de censure (art. 146). «Lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure, le Gouvernement est réputé démissionnaire. Dans ce cas, le Premier ministre remet la démission du Gouvernement au Président de la République dans les vingt quatre heures» (art. 146). «Le Président de la République nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions sur proposition du Premier ministre» (art. 78). «Le Président de la République (...) statue par voie d’ordonnance. Les ordonnances du Président de la République autres que celles prévues aux articles 78, al. 1er, 84 et 143 sont contresignés par le Premier ministre» (art. 79).
Que disent les articles 84 et 145? Le premier a trait au pouvoir discrétionnaire du Président de la République de conférer les grades dans les ordres nationaux et les décorations tandis que le second porte sur la guerre que le Président de la République déclare «sur décision du Conseil des ministres après avis du Conseil supérieur de la défense et autorisation de deux Chambres».
C’est le cas de l’état d’urgence ou de l’état de siège (art. 85). C’est aussi le cas des matières liées à la défense, à la sécurité et aux affaires étrangères déclarées «domaines de collaboration entre le Président de la République et le Gouvernement» (art. 91, al. 3) tandis que «le Gouvernement dispose de l’administration publique, des forces armées, de la police nationale et des services de sécurité» (art. 91, al. 4).
C’est dans cette logique que «le Premier ministre assure l’exécution des lois et dispose du pouvoir réglementaire sous réserve des prérogatives dévolues au Président de la République» (art. 92, al. 1).
«Le Premier ministre statue par voie de décret. Il nomme, par décret en Conseil des ministres, aux emplois civils et militaires autres que ceux pourvus par le Président de la République. Les actes du Premier ministres sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution» (art. 92).
On peut déduire du pacte républicain que les actes ordinaires de Gouvernement ou ils relèvent du seul Gouvernement, ou le Président de la République les a en partage avec le Gouvernement. Ce qui suppose entente parfaite et collaboration pleine et entière, seule façon de mettre le pays à l’abri d’une crise au sommet de l’état.
Certes, le Président de la République jouit des pouvoirs importants, ils sont en revanche loin d’être illimités. C’est parce qu’il tient au respect scrupuleux de la Constitution que Joseph Kabila s’est par deux fois présenté à l’élection présidentielle en candidat de la Nation, qu’il a toujours veillé à se mettre à l’écart de toute activité politique partisane (art. 96) et qu’il n’a jamais voulu confondre, bien que cela ne lui soit pas formellement interdit, les édifices officiels (Palais de la Nation et résidence de GLM) et lieu de rassemblement partisan. Quand il reçoit des responsables politiques au titre d’Autorité Morale de la Majorité présidentielle, il veille à ce que cette activité se déroule loin des ors de la République.
En tous points de vue, Kabila est loin d’être Mobutu. Cela devrait être signalé clairement. Le «Mobutu light» ne colle fondamentalement pas à aucune image que Kabila se fait de l’exercice du pouvoir.
Le Léopard fut un dictateur, qui décidait seul, souvent lors de ses adresses publiques, dans des stades. Il s’était taillé une Constitution à son image.
La fin de son régime suivie de crises politiques et militaires et des palabres, voilà qui a conduit le Congo à mettre en place une République, un état de droit, une Nation fondée sur une véritable démocratie politique, économique, sociale et culturelle» (Préambule de la Constitution de la République, text. cit.).
Pourtant, que ne dit-on pas? Que des tables viendraient à être renversées, que des verres seraient cassés... Bref, qu’on mettrait tout sens dessus, sens dessous. Ce serait aller à l’encontre d’un état que le Législateur a mis tout son art à bâtir.
L’absence de maîtres à penser dans notre pays a laissé l’opinion publique à la dérive, donc à la manipulation politicienne. La carence d’examen à l’accès aux métiers d’information aggrave l’état psychologique du pays, tout comme l’expansion sans cause des médias structurés à une époque où précisément la liberté laissée à quiconque - avec l’explosion des nouvelles technologies de l’information et de la communication - d’informer quiconque doit conduire au professionnalisme des communicants.
à regarder autour de nous, les pays qui avancent sont ceux où discipline et rigueur sont de mise même dans la prise de parole publique.
Au Congo, on peut affirmer n’importe quoi sur une multitude de médias sans être appelé à fournir, ni par la police, ni par un juge des pairs, le moindre début de preuve.
Nous appelons cela liberté et démocratie et comptons exporter notre modèle. Mais cela est loin de ce que le monde nous réclame. Le monde nous réclame efficacité et résultat que pris au pied par nos pièges et nos malentendus, nous ne pouvons brandir.
LE SOFT INTERNATIONAL.