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Le Soft International | N°1641 | LUNDI 14 JUILLET 2025 |
Une vidéo fait le buzz depuis jeudi 10 juillet sur les réseaux sociaux. Elle montre le cardinal Fridolin Ambongo Besungu, depuis Rome, au Vatican, lisant un texte «au nom des Églises du Continent africain».
À l'issue d'une conférence à Rome ayant réuni les Églises d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine et des Caraïbes, le cardinal congolais dénonce l’accord de paix signé le 27 juin 2025 à Washington par les ministres des Affaires étrangères, la Congolaise Thérèse Kayikwamba Wagner et le Rwandais Olivier Jean Patrick Nduhungirehe, sous la médiation des États-Unis et que les présidents congolais Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo et rwandais Paul Kagame doivent entériner dans les prochains jours à Washington, à la Maison Blanche, dans le bureau ovale, autour du président américain Donald Trump devant plusieurs chefs d’État africains.
Le cardinal Fridolin Ambongo Besungu parle de «fausse solution, calquée sur un modèle déjà tenté et qui a échoué en Ukraine».
«Alors que nos communautés restent privées d'eau potable, la course aux minerais stratégiques est aujourd'hui, surtout en Afrique, à l'origine de la prolifération des groupes armés. Ç'en est assez de fausses solutions, assez de décisions prises sans écouter ceux qui vivent en première ligne de l'effondrement du climat. Et, récemment, vous avez suivi la solution que Trump propose à la République démocratique du Congo et au Rwanda: vous êtes en guerre entre vous et la cause de la guerre (ce sont, ndlr) les minerais. Moi, le Grand Trump, j'arrive, je vous réconcilie et vous me donnez les minerais. Il a tenté cette solution en Ukraine, ça n’a pas marché. Mais bon ! chez nous, tout le monde court, tout le monde a peur de Trump».
Des mots qui ont provoqué quelques rires dans la salle.
UN REVIREMENT ?
Le 1er juillet 2025, lors d’un entretien accordé à des médias dans l’enceinte du Saint-Siège, le cardinal congolais avait reconnu la nécessité de cet accord de Washington et souligné les circonstances douloureuses qui l’ont précédé. « Il y a l’accord qui a été signé, et nous savons dans quel contexte il a été signé. C’est par rapport à la situation à l’Est du pays, où il y a guerre avec les M23 soutenus par un pays voisin, le Rwanda, avec des conséquences humanitaires désastreuses ». Puis son soutien à l'accord : « Il y a nos frères et sœurs qui souffrent à l’Est. Face à cette situation, signer un accord pour mettre fin à la guerre et mettre fin à la souffrance de notre peuple, nous le soutenons ».
Puis, d’appeler à une mise en œuvre effective des clauses de l’entente. Des propos repris entre autres par le site lepotentiel.cd sous le titre : «Depuis Vatican: Le cardinal Fridolin Ambongo exprime son soutien à l’accord de paix RDC-Rwanda » (1er juillet 2025). Comment comprendre le revirement du chef de l'Église catholique du Congo deux semaines plus tard? Est-il convaincu que «la solution Trump a échoué en Ukraine » quand un accord sur l'exploitation des minerais, du gaz et du pétrole en Ukraine a été signé à Washington le 30 avril 2025 par la première Vice-première ministre ukrainienne, chargée du développement économique et du commerce Ioulia Svyrydenko et le Secrétaire au Trésor américain Scott Bessent ? Même si le texte comporte de nombreuses variables, la signature très attendue de cet accord entre Washington et Kiev n'a-t-elle pas, comme l’écrit le New York Times, «certainement permis d'accomplir une chose qui semblait presque impossible il y a deux mois : elle a lié M. Trump à l'avenir de l'Ukraine »? Puis, qui est « ce tout le monde (qui) court, tout le monde (qui) a peur de Trump»? Quand il s'agit d'arrêter un cycle de massacres, de viols, etc., qui perdure depuis une trentaine d'années, face à une situation militaire difficile sur le front, qui n'irait pas à la paix ? L’Iran tout puissant n’a-t-il pas réclamé la fin des hostilités même s’il a su détruire des immeubles et fait des morts en Israël?
Et le Hamas, ce mouvement islamiste et nationaliste palestinien, n’a-t-il pas que ça à la bouche même s’il a fait, le 7 octobre 2023, en Israël, au festival de musique Tribe of Nova, 378 morts dont 344 civils et qu'il détient des otages israéliens ? Combien de victimes, les FARDC ont fait sur le territoire rwandais depuis le début d'un conflit que les opérations de mixage et de brassage et les infiltrations ont rendu difficile côté congolais ? Face à une situation désastreuse, ne faut-il pas tout envisager et notamment la stratégie qui consiste à « reculer pour mieux sauter », c'est-à-dire, prendre du recul, faire une pause et se préparer pour réussir son coup le lendemain?
Les propos du cardinal qui ne paraissaient pas avoir figuré dans le document dont il donnait lecture, n'ont-ils pas été salués à Kigali qui voit mal un rapprochement inattendu entre le Congo et l'administration américaine et réclamerait à Doha, au Qatar, «le contrôle exclusif des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu pendant huit ans à travers ses supplétifs du M23-AFC» (lire ci-dessus version papier)?
Que le cardinal ait, dans son introduction, voulu donner toute la solennité à sa communication, en s'adressant « aux distingués membres de la presse, c'est toujours un honneur de venir vers vous, avec cette certitude que ce que nous disons dans cette salle, sera clamé sur le toit pour que le monde entier puisse entendre », n'efface pas bizarrement ce qu'il avait dit auparavant ? Et même si le cardinal n'était que le porte-parole des « Églises du Continent africain » soutenues par un pape américain Léon XIV, s'agissant du Congo, son pays et d'un peuple qui souffre depuis des décennies, sa parole n'aurait-elle pas été entendue s’il l’avait fait savoir ? Que de questions à se poser !