- lun, 04/08/2025 - 13:58
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International | N°1642 | JEUDI 31 JUILLET 2025 |
Augustin Matata Ponyo Mapon, où est-il donc? Où est passé l'ancien puissant premier ministre de Kabila, qui fut aussi hyper argentier national au titre de ministre des Finances sous Adolphe Muzitu?
Ni la police, ni la migration, ni la justice, ni les médias, ni, ni, personne ne dit mot. Quant à la population, elle a déjà rendu son verdict.
Condamné le 20 mai 2025, voici deux mois, à dix ans de travaux forcés et à l'inéligibilité, l'homme qui fut député national après avoir en dépit de toutes les casseroles qu'il traînait, réussi à remplir son mandat plein et entier de sénateur, se serait volatilisé dans la nature.
Ni sa famille biologique, ni sa famille politique (son parti LGD, Leadership et Gouvernance pour le Développement principalement), ni sa coalition d'opposition, ni ses avocats...
Tous motus et bouche cousue. Les griefs à la base de sa condamnation sont pourtant effrayants : détournement de deniers publics.
Un peu plus de 240 millions de $US détournés dans le projet pharaonique du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo situé dans l'espace Grand Bandundu quand d’autres dossiers documentés qu'il traîne peinent à être ouverts par la justice. Comment expliquer ce silence unanime assourdissant ? Et le ministère de la Justice n'en sait-il rien, n'en dit-il rien ? Quelle posture aurait demain un dirigeant congolais face aux médias si lors d'un déplacement, à l'étranger par exemple, il était interrogé sur le sujet?
EXFILTRÉ ?
Il est vrai que la question se situe au niveau de la Cour constitutionnelle, pourtant la plus haute cour du pays, qui avait jugé le prévenu Augustin Matata Ponyo Mapon et rendu publiquement un arrêt en dernier ressort. N'avait-elle pas pris toutes les dispositions en la matière en vue de s'assurer de l'exécution sans faille de son arrêt ?
Le fait que le condamné ait disparu dans la nature, n'est-ce pas un crime commis? Certes la question ne relève pas administrativement de la Cour mais du parquet, le Parquet général près la Cour constitutionnelle.
Mais au-delà de ça, qu'en dit le Conseil supérieur de la Magistrature, CSM, présidé par le plus haut juge du pays, Dieudonné Kamuleta Badibanga qui précisément avait donné lecture le 20 mai de l'arrêt de la plus haute cour du pays et qu'en pense son porte-parole qui en est le secrétaire permanent ?
Le pouvoir judiciaire congolais n'est-il pas gêné par cet imbroglio après tout le bruit qui avait été fait tout autour de cette affaire de Bukanga Lonzo?
De ce dossier qui avait eu plusieurs rebondissements, des aller-retour entre des juridictions, et, last but not least, l'odeur de corruption dans un précédent arrêt rendu par la même cour lu par le prédécesseur du haut juge actuel Kamuleta, à savoir, Dieudonné Kaluba Dibwa, qui avait payé cash son forfait, et qui vit aujourd'hui en exil à l'étranger, on en est à s'interroger sur la justice congolaise, à savoir, plus précisément, son sérieux voire son indépendance face à des puissantes personnalités capables de mettre en œuvre des moyens colossaux en plusieurs millions de $US pour s'extraire des cordes - si elles existent - des services de la justice.
Il faut noter que si à la dernière audience à la Cour constitutionnelle, Matata Ponyo était encore absent mais visible dans les rues de Kinshasa et dans les allées de l'Assemblée nationale où il s'est rendu sans prendre une minute sur un strapontin mais avait mobilisé un groupe de députés pour plaider sa cause sur la forme - celle-ci fut son unique moyen de défense mille fois répété par son team d'avocats, s'abstenant incroyablement à évoquer le fond du dossier - on se demande pourquoi la justice ne l'avait pas frappé d'interdiction de s'éloigner de son lieu de résidence ou, à tout le moins, de son quartier dans une ville où les frontières ont la réputation d'être trop poreuses. Mille sources annoncent, de manière documentée, la présence à l'étranger, en Europe en l'occurrence, précisément à Liège en Belgique, du condamné sans toutefois brandir des preuves précises. De là l'assurance de sa famille biologique comme politique de l'ancien premier ministre?
Reste que le silence des services judiciaires et du Conseil supérieur de la Magistrature conduit malheureusement à ôter toute considération à la justice, ce qui a un impact sur la réputation de l'État congolais.
Deux autres condamnés dans Bukanga Lonzo : l'homme d'affaires sud-africain Christo Grobler qui a pris la poudre d'escampette et l'ancien gouverneur de la Banque centrale du Congo Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, celui-ci ne s'était d'ailleurs jamais présenté une seule fois devant la cour.
Tous les deux condamnés à 5 ans des travaux forcés, d'expulsion définitive du territoire national après avoir purgé sa peine pour le premier, d'inéligibilité pour le deuxième après sa peine. Et aucun des deux n'est visible. La justice s'en trouve-t-elle grandie? Alors que plusieurs dossiers sont désormais devant diverses juridictions, à l'État semble-t-il l'urgence de redresser la barre.