- mer, 08/01/2025 - 11:09
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1626|MERCREDI 8 JANVIER 2025.
Il est à sa troisième guerre au Congo. La première, celle de l’Afdl qui fit perdre le pouvoir à Mobutu mort le 7 septembre 1997 à Rabat au Maroc en exil. La seconde, celle du RCD et du MLC mit fin au pouvoir de Laurent-Désiré Kabila assassiné le 16 janvier 2001 à Kinshasa dans son bureau de travail. Depuis, il y en a eu d’autres guerres, dont celle du CNDP de Laurent arrêté le 22 janvier 2009 grâce à une opération conjointe des armées congolaise et rwandaise. Puis, la guerre, la énième guerre du Rwanda au Congo avec le M23 et l’AfC. Jamais l’extérieur n’a ouvert la bouche comme les Congolais le souhaiteraient, ni pris des sanctions contre le Rwanda. Depuis toutes ces guerres, des regrets, des condamnations verbales. On n’a nullement entendu la communauté internationale imposer des sanctions au Rwanda. Dire que cette communauté internationale est de connivence avec Kigali, c'est bien peu. Le 20 décembre 2024, le Conseil de sécurité des Nations Unies a prorogé d’un an le mandat de sa mission au Congo sans citer, nulle part, le Rwanda alors que des rapports des experts onusiens ont documenté cette présence militaire rwandaise, entre 3.000 et 4000 soldats rwandais.
Si le Royaume-Uni a regretté la non tenue du sommet entre les Chefs d’État congolais et rwandais prévu le 15 décembre dernier à Luanda en dénonçant la présence des forces rwandaises au Congo, les États-Unis d'Amérique eux se sont dits « très déçus » de constater que certains membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies n’ont pas voulu inclure le rôle du Rwanda dans la guerre à l’Est du Congo dans le libellé de la résolution, en dépit des informations du Groupe d’experts.
« On utilise des euphémismes plutôt que d’appeler un chat un chat », a tancé la Représentante des États-Unis aux Nations Unies, Linda Thomas-Greenfield qui sans doute s'exprimait pour la dernière fois sur la guerre au Congo comme Représentante américaine avant l'entrée en fonctions du président élu républicain Donald Trump qui a lieu le 20 janvier.
Mardi 7 janvier à Kinshasa, la Représentante spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies au Congo et cheffe de la Mission onusienne, Mme Bintou Keita, a condamné avec « la plus grande fermeté », l’offensive menée le 2 janvier par le Mouvement du 23 mars, M23, dans le territoire de Masisi, au Nord-Kivu.
Elle l’a déclaré dans un communiqué publié par la Monusco. Elle indique que « cette attaque tragique menée par le M23 » a causé la mort d'au moins sept civils et entraîné le déplacement de dizaines de milliers de personnes, exacerbant ainsi la crise humanitaire déjà sévère à l'Est du Congo.
Le M23, qui, selon le Groupe d'experts des Nations Unies, est soutenu par des forces rwandaises, a violé l'accord de cessez-le-feu signé le 30 juillet 2024 entre le Congo et le Rwanda.
«UN TOURNANT TRAGIQUE».
Au 4 janvier, le M23 a pris le contrôle de la ville de Masisi, centre administratif du territoire du même nom, rappelle le communiqué de Mme Bintou Keita.
La cheffe de la Monusco insiste sur l'importance du respect de l’intégrité territoriale du Congo, en réitérant l’engagement ferme de l'Organisation des Nations Unies à soutenir ce principe fondamental. « Cette escalade de violence, qui affecte cruellement les populations civiles, constitue un tournant tragique en ce début d'année 2025 et doit cesser immédiatement », a-t-elle poursuivi sans citer le Rwanda.
« J'exprime mes plus sincères condoléances aux familles des victimes de ces atrocités. Je déplore la reprise des offensives militaires au Nord-Kivu et appelle toutes les parties à soutenir pleinement le processus de paix de Luanda, en cours, sous l'égide du Président João Lourenço », a-t-elle ajouté.
Elle réaffirme l'engagement inébranlable de la mission onusienne à promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité au Congo et appelle toutes les parties prenantes à œuvrer de manière constructive pour mettre fin aux violences et parvenir à une solution pacifique et durable au conflit dans la région.
Même musique à l'Union Européenne, UE. Dans une déclaration publiée lundi 6 janvier par son porte-parole, l’UE dit « condamner fermement l'occupation récente par le groupe armé M23 de la ville de Masisi et ces environs, au Nord-Kivu», sans citer le Rwanda.
Pour l'EU, l'avancée continue du M23 constitue une violation flagrante du cessez-le-feu convenu dans le cadre du processus de Luanda. Ces développements compromettent considérablement les efforts entrepris en faveur d'une résolution pacifique du conflit dans l'Est du Congo. L’UE exhorte donc le M23 à se retirer immédiatement et à respecter pleinement le cessez-le-feu.
Certes, «l'UE demande instamment au Rwanda de mettre fin à sa coopération avec le M23 et de retirer ses forces militaires du territoire de la RDC», indique le communiqué, exhortant également le Congo de cesser toute coopération avec les FDLR et autres groupes armés. Le communiqué déclare que l’UE est «prête à envisager de nouvelles mesures restrictives à l'encontre des responsables du conflit armé, de l'instabilité et de l'insécurité au Congo».
Ci-après un extrait du communiqué du Conseil de Sécurité des Nations Unies publié le 20 décembre 2024 à l'occasion de la prorogation du mandat de la Monusco.
«Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité a, ce matin, décidé de proroger jusqu’au 20 décembre 2025 le mandat de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco) et, à titre exceptionnel et sans créer de précédent, ni remettre en cause les principes convenus régissant les opérations de maintien de la paix, de sa brigade d’intervention.
En vertu de la résolution 2765 (2024), adoptée à l’unanimité, le Conseil décide que la Monusco maintiendra un effectif maximum autorisé de 11 500 militaires, 600 observateurs militaires et officiers d’état-major, 443 policiers et 1 270 membres d’unités de police constituées. Il décide en outre que les priorités stratégiques de la Monusco restent les suivantes: contribuer à la protection des populations civiles dans la zone où elle est déployée; et appuyer la stabilisation et le renforcement des institutions de l’État en République démocratique du Congo, RDC, ainsi que les principales réformes de la gouvernance et de la sécurité. Le Conseil autorise ainsi la Monusco à prendre toutes les mesures nécessaires pour s’acquitter des tâches prescrites par son mandat.
Le Conseil demande que le Gouvernement de la RDC et l’ONU élaborent une approche sur-mesure du retrait progressif, responsable et durable de la Mission, « qui tienne compte de l’évolution des dynamiques de conflit et des risques en matière de protection dans les zones sensibles du Nord-Kivu et de l’Ituri ».
Il condamne fermement tous les groupes armés opérant en RDC, et il exige d’eux et des réseaux qui les soutiennent qu’ils mettent immédiatement fin à toutes les formes de violence et aux autres activités déstabilisatrices, à l’exploitation et au commerce illégaux des ressources naturelles, notamment des minerais dits de « conflit ».
Se déclarant « profondément préoccupé par l’offensive du M23 qui se déroule dans le Nord-Kivu, en violation du cessez-le-feu, et par le soutien opérationnel apporté au M23 par des forces extérieures d’un État voisin, comme l’a rapporté le Groupe d’experts », le Conseil exige qu’il soit mis fin à toute nouvelle avancée du M23, que celui-ci s’acquitte immédiatement et pleinement des engagements qu’il a pris concernant son retrait immédiat de toutes les zones occupées et son cantonnement, conformément au processus de Luanda approuvé par l’Union africaine.
Il condamne le soutien apporté par toute partie extérieure au M23 et à tout autre groupe armé opérant en RDC, ainsi que toute intervention militaire étrangère non autorisée sur le territoire. Le Conseil réaffirme son appui indéfectible aux efforts de médiation actuellement déployés entre la RDC et le Rwanda dans le cadre du processus de Luanda dirigé par l’Angola et le Président João Manuel Gonçalves Lourenço, et demande aux deux parties de coopérer pleinement à la mise en œuvre du plan harmonisé de neutralisation des Forces démocratiques de libération du Rwanda, FDLR.
À cet égard, la Sierra Leone, très préoccupée par l’expansion territoriale du M23, a jugé fondamental que la Monusco continue de soutenir le processus de Luanda. À son tour la France, qui a mené les négociations sur le texte avec la Sierra Leone, a appelé au cessez-le-feu et au respect des engagements pris par les parties qu’elle a exhortées à poursuivre les pourparlers de paix. Le Mozambique, au nom du Groupe des A3+ (Algérie, Guyana, Mozambique et Sierra Leone) a loué le rôle du Président angolais dans la résolution de la crise en RDC, soulignant l’importance de promouvoir « les solutions africaines aux questions africaines ».
Les A3+ ont appelé à une franche collaboration entre la Monusco et le Gouvernement de la RDC, notamment dans le cadre du retrait progressif de la Mission. La Chine a espéré que l’ONU respectera les avis du Gouvernement de la RDC dans le cadre du retrait progressif de la Monusco».
D. DADEI.