- lun, 07/07/2014 - 01:44
«Il y a eu «beaucoup d’appelés» mais à l’arrivée, peu d’élus. En partie, parce que «peu jouissent de leur métier (...). «Peu ont eu la chance de réaliser que «l’Art va avec l’«Ar», selon le calembour des Kinois, l’ar signifiant argent», a déclaré Yoka Lye Mudaba appelant à l’application de la réforme culturelle.
Ayant pris la parole au nom des lauréats, le professeur Yoka Lye Mudaba de l’INA (Institut national des arts) a expliqué qu’il y a eu «beaucoup d’appelés» mais à l’arrivée, peu d’élus. En partie, parce que «peu jouissent de leur métier (...). «Peu ont eu la chance de réaliser que «l’Art va avec l’«Ar», selon le calembour des Kinois, l’ar signifiant argent». Il a fondé tout son espoir dans «notre gouvernement, dans notre ministère, pour les chantiers que nous espérons, suivant les résolutions des Etats généraux de la culture de 2006, et dans la perspective d’une politique culturelle dont la mise en place nous est annoncée par le ministère comme imminente». «Elle devrait porter, cette politique culturelle, sur la réforme de fond en comble de la Loi de 1986 concernant les droits d’auteurs voisins, restituant un rôle et une place davantage confortés, vraiment professionnels à la société de gestion collective de la propriété artistique et littéraire». Ci-après en intégralité.
Honorables Députés et Sénateurs,
Excellence Monsieur le Ministre des Postes, Télécommunications, Nouvelles Télécommunications et Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, Représentant Son Excellence Monsieur le Premier Ministre,
Excellences Mesdames et Messieurs les Ministres du Gouvernement,
Monsieur le Chancelier,
Monsieur le Gouverneur de la Ville-Province de Kinshasa,
Distingués Invités,
Distingués Confrères,
Beaucoup d’entre eux avaient été appelés, peu d’entre eux sont élus. Les élus, les lauréats de ce jour, ici présents, vous saluent respectueusement, et disent merci à Son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, ainsi qu’au Gouvernement de la République, pour les avoir honorés. Mais ayons une pensée solidaire aussi pour tous les appelés, ceux qui ne sont pas encore élus cette fois-ci; parce que les élus d’aujourd’hui, que nous sommes, ne sont pas nécessairement les seuls meilleurs: les talents congolais, n’est-ce pas, sont tellement immenses.
Près d’un siècle d’activités littéraires et artistiques modernes et contemporaines sans relâche, généralement en bonne quantité et généralement en qualité, au nom du Beau du vrai et du Bien!
Rendons donc hommage à ces appelés, qui ne sont pas tous avec nous ici; mais qui, tous, se sont toujours considérés dans un métier pourtant fragile mais libéral mais mobilisateur d’opinion comme des «baliseurs» comme des «passeurs» selon l’expression favorites du poète Philippe Masegabio, comme des peintres et des chantres d’outre-silence, comme quelquefois des talents de l’ombre, abonnés aux missions difficiles, aux défis fous.
En revanche, nous, les élus, les lauréats, sommes d’autant plus reconnaissants envers le Gouvernement de la République, et notamment envers le Ministère ayant en charge la Culture et les Arts, qu’avant de nous honorer, le Gouvernement avait tenu à honorer et à sanctuariser la mémoire des «ancêtres», des icônes décédées plus ou moins récemment (du moins depuis la IIIe République): Pépé Kallé, Madilu, Ndombe Opetun, Alain Moloto, Tabu Ley, Franco Luambo, Kester Emeneya, et d’autres encore appartenant à d’autres disciplines.
Il serait hautement souhaitable que, bientôt, les rejoigne dans le panthéon des immortels que consacrent ainsi les pouvoirs publics, celui que beaucoup d’entre nous considèrent comme le meilleur d’entre les meilleurs, comme le pionnier parmi les pionniers, comme le père de l’«indépendance cha cha» que nous continuons à chanter en ce 54e anniversaire, celui qui est peut-être le lumumbiste et le panafricaniste parmi les plus engagés du Continent; j’ai cité: Joseph Kabasele, alias Grand Kallé.
Il faudrait souhaiter également que soient consacrés ses autres épigones ou confrères décédés certes, mais aussi ceux des autres disciplines: Wendo certes, Nico Kassanda certes, Tino Baroza certes, Lando Rossignol certes, Lucie Eyenga certes, Mujos Mulamba certes, Kwamy Munsi certes, Abeti Masikini certes, Mpongo Love, etc. Mais aussi les écrivains Lomami Tchibamba, Antoine-Roger Bolamba, Philippe Elebe Lisembe, Mwamba Musas, les dramaturges Albert Mongita, Mobyem Mikanza, les acteurs Kalend, Ebale Mondial, Nico Balibuno, Nzundu, Matondo Sans- Souci, Luzubu Doudou Ngafura, Anne Kayembe, etc, etc.
La liste est longue y compris en provinces; et il faudrait espérer un jour, pour tous ceux-là, que soit inauguré et perpétué solennellement un rituel mémoriel conséquent, vaste et faste.
Par ailleurs, peut-être - n’est-ce pas l’occasion de se féliciter des embellissements opérés par Son Excellence Monsieur le Premier Ministre à la Primature, avec des artistes congolais, pour des citoyens congolais, en vue de célébrer notre patrimoine à la fois naturel, culturel, touristique et historique.
Beaucoup étaient appelés, peu sont élus. Selon toute vraisemblance, le choix s’est porté non seulement sur des artistes talentueux, mais vivants, mais en activité ininterrompue, mais de toutes générations, de toutes tendances, de toutes disciplines, de tous genres, de toutes provinces.
Mieux: il s’agit d’artistes vivants, oui mais vivant au pays, au front, dans le feu des épreuves.
Comme dit Koffi Olomide: «Ve dire toza na système ya lifelo, mot’ezopela, kasi motu akozika te» (je paraphrase: notre destin d’artistes, quelles soient les épreuves de feu, parfois plie mais jamais ne rompt)». Sans doute parce que l’art est la dynamo de toute résistance, de toute résilience, finalement de toute existence.
Mieux encore: les lauréats, artistes vivant au pays, ont peut-être pu être sélectionnés en fonction aussi de leurs témoignages au contact du concret, du présent, dans ce que ce présent a, ici-bas, d’ineffable, d’épique, de pathétique, d’espérance.
Comme dit Papa Wemba: «Ata na suka ya ngomba, bamonaka avenir te».
C’est pourquoi, selon les mots de Lutumba Simaro: «Ici-bas, la vie est un combat», «Ici-bas, on ne vit qu’une fois».
C’est pourquoi, nous nous disons qu’ici-bas, de tous temps, nos œuvres littéraires et artistiques, celles du moins qui sont de qualité et de l’ordre de l’éthique, celles-là sont appel, celles-là font appel à la phratrie solidaire et interdisciplinaire, au ralliement engagé, à la convivialité festive, comme l’écho sonore de ce tam-tam du sculpteur Lufwa, à la FIKIN, ou comme l’exhortation de notre Hymne national: «Debout, Congolais, unis par le sort, unis dans l’effort... »
Debout, nous sommes; passeurs nous sommes; passionnés nous sommes. Nous sommes femmes et hommes de bronze et de passion, de bronze passion, comme l’évoque l’œuvre du sculpteur Liyolo; nous sommes, pour ainsi dire, de métal et de résistance comme les œuvres monumentalistes, de l’autre sculpteur Freddy Tsimba. Autrement dit, nous sommes femmes et hommes qui inlassablement traçons des signes; des tatouages, des totems magiques inscrits dans l’endurance, dans la durée, dans la passion, et même dans l’immortalité.
Beaucoup étaient appelés, peu sont élus. Nous, lauréats, avons conscience que le Prix se mérite, que le Prix est une charge à prendre avec humilité. Non pas quête des honneurs, mais quête de l’honneur, de l’exemplarité, de l’éthique et de la déontologie professionnelle. Non pas exhibition tapageuse (comme il nous est parfois donné à voir dans certains de nos milieux), mais sens de responsabilité civique. Non plus querelles contre-productrices (comme il nous est parfois donné à voir dans certains de nos milieux), mais culture et rationalité managériale, mais culte du labeur et du travail bien fait.
Beaucoup étaient appelés, peu sont élus. Ces élus, ces lauréats sont des serviteurs du public, contaminateurs et propagateurs de ce virus qu’est la passion de la vie, la passion du rêve, la passion de la passion, la passion de l’Amour sous toutes ses transes. Tous ces lauréats, tels qu’ils sont là présents (musiciens, écrivains, femmes et hommes de scène, cinéastes, photographes, modélistes, publicistes, critiques d’art, artistes plasticiens), tous ont rêvé et tous rêvent d’un monde transfiguré, d’un monde vibrant, dans ses profondeurs, de pulsations, de vibrations, de jubilations purgatrices, rédemptrices, puisées aux sources, aux ressources, au génie, à l’énergie des terroirs. Et leur métier de créateurs c’est transmettre un peu de bonheur au public, avec leurs «armes miraculeuses» (A. Césaire), à leur manière, à la manière symbolique et métaphorique. Franco Luambo a les mots justes pour cela: «Mosala tokosalaka eluki nde bayoki, bayembi, bakumisi» (je paraphrase: notre métier est au service du public, au public qui nous voit qui nous écoute, qui nous applaudit, qui nous lit)».
Honorables,
Exellences,
Distingués invités,
Beaucoup étaient appelés, peu sont élus. Hélas, peu jouissent de leur métier. «Kombo na ngai Mandola, chante Lutumba, Mandola ndeko y’Azanga» (Mon nom est Mandola-Sans-Souci, frère de Azanga-Sans-le-Sou)»: «Peu en effet ont eu la chance de réaliser que «l’Art va avec l’«Ar», selon le calembour des Kinois, l’ar signifiant argent. C’est pourquoi, nous avons confiance en notre gouvernement, en notre ministère, pour les chantiers que nous espérons, suivant les résolutions des Etats généraux de la culture de 2006, et dans la perspective d’une politique culturelle dont la mise en place nous est annoncée par le ministère comme imminente; elle devrait porter, cette politique culturelle, sur la réforme de fond en comble de la Loi de 1986 concernant les droits d’auteurs voisins, restituant un rôle et une place davantage confortés, vraiment professionnels à la société de gestion collective de la propriété artistique et littéraire; cette politique culturelle devrait porter sur l’émergence indispensable des industries culturelles créatives (avec des studios performants du son, de l’image, du cinéma; avec des librairies et des bibliothèques publiques à jour); cette politique culturelle devrait porter sur la promotion des galeries d’art attractives et innovantes, sur la création d’une banque de crédit fiable; mais aussi sur un Théâtre National digne; mais aussi, mais aussi sur un Institut National des Arts prestigieux, à la hauteur du riche patrimoine culturel immatériel de la R-dCongo.
En tout état de cause, pour nous, lauréats, pour nous élus, la seule élue du coeur, la seule lauréate du coeur, finalement c’est la R-dCongo. R-dC, bronze-passion, métal-résistance. R-dC, confluent de la diversité culturelle, espace de dialogue des cultures, et de la culture de la paix. RDC, cœur battant d’une Afrique en émergence, d’une Afrique en croissance, d’une Afrique en puissance. Les lauréats vous remercient de votre aimable attention.
PROF. LYE MUDABA YOKA,
Représentant des Lauréat.