Après Genève qui avait fait un flop, Pretoria tiendra ?
  • lun, 13/11/2023 - 09:09

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.

Le Soft International n°1597|lundi 13 NOVEMbre 2023.

Nombre d'observateurs et de leaders politiques congolais n'y croyaient pas. Ils envisageaient un dialogue avec glissement et partage du pouvoir.

 

Le pouvoir a tenu ferme. Environ 44 millions d’électeurs ont été appelés aux urnes le 20 décembre 2023 pour un triple scrutin : législatif, provincial et présidentiel.

Pour la présidentielle, 26 candidats sont au départ pour la magistrature suprême. Une élection à un tour conformément à la Constitution du pays.

Une échéance électorale à laquelle devraient participer tous les ténors de l’opposition, sauf s’ils parviennent à un accord sur une candidature commune : les discussions s'ouvrent lundi 13 novembre en Afrique du Sud.

« Une élection à un tour, ça favorise forcément le président sortant qui a pour lui un appareil politique », explique sans détour un spécialiste des questions électorales.

« Imaginez avec 26 candidats, si tout le monde fait 4%, il y en a un qui peut gagner avec tout juste 5% des suffrages et, à peine, 400.000 voix d’avance », explique-t-il.

Des chiffres exagérés pour certains mais qui illustrent bien la problématique dans laquelle se trouve désormais l’opposition congolaise : ne pas trop se diviser pour espérer l’emporter.

Il faut dire que les poids lourds de cette opposition sont quasiment tous sur la ligne de départ.

S'il y a eu des doutes, des hésitations, au finish, la Cour Constitutionnelle a bien validé l’ensemble des dossiers déposés devant la Commission Électorale Nationale Indépendante. Seul le clan de Joseph Kabila Kabange, président de 2001 à 2019, ne présente officiellement pas de candidat ayant décidé de boycotter le processus.

Pour les partants, se pose désormais la question des alliances.

«Pour battre M. Tshisekedi, il n’y a pas besoin d'une candidature commune»,avait déclaré sur Rfi le député du Kasaï-Central, Delly Sesanga Hipungu Dja Kaseng Kapitu, lui-même candidat, qui avait appuyé en décembre 2018, à la dernière présidentielle, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo mais est devenu depuis très critique à son égard.

 

VONT-ILS

PARVENIR À S'ENTENDRE?

L’opposition se retrouve à partir de lundi 13 novembre en Afrique du Sud, ce sujet remis sur la table. Une problématique depuis de nombreux mois déjà.

Il faut dire qu’en novembre 2018, face au dauphin du président Joseph Kabila Kabange, Emmanuel Ramazani Shadary, un accord avait déjà été signé à Genève entre plusieurs membres de l’opposition et des Candidats à la présidentielle. Accord rompu dès le lendemain par Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo et Vital Kamerhe wa Kanyinginyi Nkingi, dont le ticket a gagné la course. Depuis, l’idée d’un Genève II a toujours été présente.

« Évidement qu’il faut une candidature commune, confiait il y a quelques mois l’un des candidats. D’ailleurs, on a commencé à véritablement exister dans le débat quand on s’est regroupé en plateforme. Mais, il faudra que l’on désigne un nom le plus tard possible pour qu’il ne devienne pas l’homme à abattre ». Attention, prévient Trésor Kibangula, ancien journaliste à Jeune Afrique, analyste politique d’origine congolaise à Ebuteli, l’Institut Congolais de Recherches. « Cette fois-ci, il faut éviter les erreurs du passé et que cet accord tienne jusqu’au bout du processus », explique-t-il.

Cette plateforme de l’opposition, elle a vu le jour au printemps quand l'un des candidats malheureux de la précédente présidentielle, Martin Fayulu Madidi, l'ex-gouverneur du Katanga Moïse Katumbi Chapwe, l'ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo et Delly Sesanga Hipungu Dja Kaseng Kapitu s'étaient retrouvés en avril à Lubumbashi, dans le Haut Katanga, pour un premier échange. Depuis, les candidats sont restés en lien grâce à un groupe WhatsApp sur lequel ils ont rapidement invité le Prix Nobel de la paix, novice en politique, le Dr Denis Mukwege, avant même l’annonce de sa candidature.

Ce sont donc ces mêmes candidats qui vont désormais se retrouver pour envisager la suite du processus. Rendez-vous donné dès le 13 novembre à Pretoria, dans un lieu sécurisé et pour l’instant tenu secret.

« On n’a pas voulu faire ça autre part que sur le continent, justifie un ténor de l’opposition. On a aussi décidé de laisser les voisins directs tranquilles ».

Dans la capitale sud-africaine, qui fut aussi la ville où aurait dû se tenir Genève I mais très vite écartée à la suite de problèmes de financement, finalement réglés par des miniers qui imposèrent Genève, ce sont d’abord des délégués qui vont échanger.

L'objectif ? Poser le cadre des négociations.

Chaque candidat a été invité à envoyer deux représentants par l’ONG In Transformation Initiative (ITI). Olivier Kamitatu Etsu et Hervé Diakiese représenteront Moïse Katumbi Chapwe ; Jean Félix Senga et Devos Kitoko parleront pour Martin Fayulu Madidi ; Augustin Matata Ponyo Mapon sera représenté par ses émissaires Franklin Tshiamala et Cédrick Tombola.

Si les choses avancent comme chacun l’espère, les candidats entreront alors en scène pour une réunion le week-end du 18 novembre, à la veille du début officiel de la campagne électorale.

Seront aussi présents en Afrique du Sud, des observateurs de la vie politique congolaise et notamment l’organisation de la société civile La Lucha dont certains membres ne cachent pas leur opposition face à la gouvernance actuelle. « Ces enjeux obligent ces figures de l’opposition », avoue l’un des militants.

Une candidature commune qui ne va pourtant pas de soi. « Ça ne va pas être évident d’arriver à un accord, prévient un expert. Il y a de la méfiance, voire de la défiance entre ces candidats. Et puis, pour certains, la volonté de concourir risque d’être plus forte que le reste ». Un des candidats confirme que le but est avant tout de discuter, et pas forcément de se mettre d'accord, ajoutant que chacun pense être le mieux placé pour l’emporter. Il y a aussi le risque qu’un candidat vienne pour ne pas donner l’impression de faire cavalier seul, alors qu’il compte rester dans la course coûte que coûte.

La question de la stratégie de Martin Fayulu Madidi, qui revendique toujours la victoire à la dernière présidentielle, revient également dans les discussions. « Il veut sa revanche de 2018. Il semble le plus décidé à y aller, confie un participant à la réunion. On voit mal comment il pourrait renoncer. Ce Fayulu qui avait publiquement déclaré que tous les candidats président étaient des voleurs sauf Mukwege mais qui ne pouvait en aucun cas le concurrencer en matière de politique?

Sauf qu'avec son retrait du processus et son retour surprise dans le processus et donc sans députés, il a un peu mis du plomb dans l’aile de la plateforme. Certes, rien n'est toujours très clair avec lui. Nul ne voit où il va. Quant à Moïse Katumbi Chapwe, empêché jusqu’ici d’être candidat, c’est une occasion de mesurer son véritable poids électoral. L’arrivée de Mukwege, nouveau venu en politique, change la donne. Alors que Matata Ponyo Mapon et Delly Sesanga Hipungu Dja Kaseng Kapitu pourraient, sur le papier, incarner une nouvelle voie sans savoir quel espace chacun d'eux pourrait mobiliser. Matata  vient de la province la moins peuplée du pays, le Maniema, et ses premiers déplacements dans le pays ont fait flop outre le flot de dossiers judiciaires qui l'accompagnent et le discréditent.

Quant à Delly Sesanga Hipungu, il n'est pas sûr qu'il arrive à mobiliser le centre du pays dont il est originaire et qui est largement acquis au président sortant.

Pour Trésor Kibangula, la candidature unique, n’est pas indispensable, mais une position commune est souhaitable : « Je pense que le défi de ce camp aujourd’hui contre Félix Tshisekedi, ce sera de parvenir à recréer une nouvelle dynamique autour d’au moins une ou deux candidatures. Certains candidats doivent accepter de s’aligner ».

Et Delly Sesanga Hipungu Dja Kaseng Kapitu et Matata Ponyo Mapon de renchérir : « Cette candidature, on en a besoin surtout pour éviter la triche ». Leur logique : avec moins de candidats, il y aurait moins de dispersion de voix, ce qui compliquerait les tripatouillages électoraux. Cette alliance s’arrêtera-t-elle à ces cinq personnalités ? C’est aussi la question à laquelle vont devoir répondre les émissaires cette semaine en Afrique du Sud. D’autres candidats pourraient prendre le train en marche. Dans l’entourage de l'ancien militant de la société civile Floribert Anzuluni et du jeune homme d'affaires Seth Kikuni Masudi, on regrette que l’invitation de l’ITI n’ait pas été plus large. « En fait, il y a des divisions entre les candidats, certains sont pour une ouverture de la plateforme, d’autres non. On verra ce qui va en ressortir », précise un proche de Floribert Anzuluni.

Des discussions que suivra bien sûr de près le pouvoir en place. « Leur seule chance contre nous, c’est d’arriver à s’unir. Car au moins, ils pourront exister», confie un proche conseiller du président Tshisekedi. «Le pouvoir a donc tout à gagner d’une dispersion de l’opposition, poursuit Kibangula, d’autant plus que Félix Tshisekedi a, lui, réussi à garder des soutiens. Les Vice-Premiers ministres Jean-Pierre Bemba Gombo et Vital Kamerhe Lwa Kanyingini Nkingi, le président de l'Assemblée nationale, Christophe Mboso N’Kondia Mpwanga, celui du Sénat, Modeste Bahati Lukwebo, ou encore Christophe Lutundula Apala Pen’Apala, l’un des anciens lieutenants de Moïse Katumbi Chapwe, actuellement Vice-premier ministre en charge des Affaires étrangères. « Si jamais une dynamique se met en place à Pretoria, le pouvoir devra revoir sa stratégie ». Reste la question : après Genève qui avait fait un flop, la ville sud-africaine de Pretoria saura-t-elle tenir ? Même si rien n'est impossible en politique, ce qui n'a su produire  hier peut-il produire aujourd'hui? Reconnu désormais comme congolais, Moïse Katumbi saura-t-il encore passer la main?

LE SOFT, RFI 

 

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