- mar, 15/04/2025 - 11:53
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1634|MARDI 15 AVRIL 2025.
Il est dit que l'argent n'aime pas le bruit. Ce qui arrive au Rwanda est dans la logique des choses. Le pays des mille collines était passé maître dans la propagande. «Meeting in Rwanda», campagne qui présente «the land of a thousand hills» comme «an excellent hub for meetings and events». «Investment», autre campagne qui vante ce pays comme «the second easiest place to do business in Africa by the World Bank and has been awarded for its leadership in tourism and economic competitiveness by the World Travel and Tourism Council, WTTC and the World Economic Forum respectively». «Visit Rwanda» qui, en 2018, parraine le club anglais de football Arsenal.
Le dernier accord signé était de plus de 12 millions d'euros (13.663.500 $US) par an. En 2023, un partenariat de cinq ans passé avec le club omnisports allemand, FC Bayern de Munich pour le développement du football et la promotion du tourisme avec le Rwanda. « Visit Rwanda » était depuis 2019 un sponsor du PSG, le Paris Saint-Germain Football Club. Le Rwanda ne visait pas que le foot. Pour son image internationale, le pays en était jusqu'au cyclisme dont le Tour du Rwanda compte cette année sa 17ème édition. Mais le régime de Kigali ne mise pas que sur le sport.
Il dispose dans les ciels du monde une compagnie aérienne Rwandair. Celle qui se présente comme « le rêve de l'Afrique » («the Dream of Africa») dispose, en avril 2025, de deux dessertes au Rwanda mais de 21 destinations dans 20 pays. Rwandair atterrit à Londres Heathrow, Paris-Charles-de Gaulle, Bruxelles, Bujumbura, Entebbe, Nairobi, Douala, Yaoundé, Johannesburg, Lusaka, Juba, Dar es Salaam outre les États-Unis, le Canada, des pays d'Asie.
Mais voilà que tout ça reçoit un coup. Une image qui se dégrade. Fin février 2025, le Parlement européen a, dans une résolution, demandé l’annulation des Mondiaux de cyclisme sur route organisés fin septembre au Rwanda par l’Union Cycliste Internationale.
Les Députés européens estiment que «le contexte géopolitique et la position belligérante de l’armée rwandaise rendaient l’organisation des championnats du monde de cyclisme sur route de l’Union Cycliste Internationale organisés en 2025 à Kigali fin septembre pas acceptable. Plusieurs formations politiques européennes de différents bords politiques ont donc demandé son annulation (…) si le Rwanda ne modifie pas sa position».
Présent à Kigali le 23 février pour une rencontre avec le président rwandais Paul Kagame lors du Tour du Rwanda qui a lancé sa première étape le même jour, le président de l’Union Cycliste Internationale, l'homme politique français David Lappartient, membre des Républicains, a indiqué que son instance « appelle à la désescalade et à la paix » entre le Congo et le Rwanda.
« Aujourd’hui, très clairement, les conditions sont remplies pour que ces championnats du monde se déroulent », a assuré le Breton. Mais l’équipe professionnelle belge de cyclisme sur route Soudal-Quick-Step n'a pas été au Tour du Rwanda.
IL SE VOULAIT «RESPECTABLE».
Des députés français en sont désormais en pointe. Ils interpellent leur Gouvernement et ont rédigé une proposition de sanctions dans le cadre d'une PPRE, Proposition de Résolutions Européennes en envisageant le gel des avoirs, la saisie des biens, l'interdiction de circulation dans l'espace de l'Union Européenne tant qu'il n'y aura pas de cessez-le-feu dans la guerre rwandaise au Congo.
«C'est absolument hallucinant qu'on puisse avoir à Paris, aujourd'hui, une société de conseil minier qui soit immatriculée, qui ait son siège dans les beaux quartiers, qui soit dirigée par un des porte-parole du M23 sans que la France ne trouve rien à redire. Cette société doit être fermée. C'est bien que la France s'engage pour que nous puissions plus avoir des criminels de guerre qui puissent immatriculer leur société de manière absolument libre en France.
Ça passe aussi par la fin de ce qu'on appelle les accords de coopération militaire avec le Rwanda. La France a un accord historique depuis 1975 de coopération militaire. Nous demandons aujourd'hui que cet accord soit suspendu. Dans le même état d'esprit, en avril 2024, la France a passé ce qu'on appelle un accord d'assistance militaire avec le Rwanda qui entraîne le versement de 400 millions d'euros de la France au Rwanda et nous demandons que cet accord soit aussi suspendu et que les versements d'argent soient totalement arrêtés parce que si aujourd'hui ces partenariats et ces accords continuent, la France se rend complice du massacre de dizaines de milliers de civils et nous ne pouvons pas accepter, nous parlementaires, que la France soit complice du massacre de ces personnes-là», a déclaré lors d'une plénière à Paris un Député français dans une vidéo qui fait le buzz sur Internet.
«Nous sommes face au conflit le plus meurtrier depuis la seconde guerre mondiale, avec des millions de déplacés. Chaque jour, des gens qui sont massacrés, des enfants qui sont réduits à l'état d'esclavage pour aller travailler dans des mines pendant que certains s’enrichissent et cette PPRE répond aussi à un objectif : c'est-à-dire qu'il y a des moyens d'action pour la France et pour l'Europe, il y a des sanctions politiques diplomatiques et économiques qui sont possibles et des leviers sont à disposition des responsables politiques et nous on est parlementaires, donc on souhaite que la France s'engage et sorte du silence complice qui est le sien aujourd'hui et prennent des décisions concrètes», poursuit ce Député.
«Il faut également mettre fin à la participation aux événements culturels et sportifs qui se tiennent au Rwanda, notamment sur la question sportive (...).
Le Rwanda utilise le sport, le cyclisme, la formule 1, le basket, évidement le foot, pour refaire une virginité et se présenter à la face du monde comme un État respectable et fréquentable, alors qu’au même moment, son armée massacre des milliers de personnes. Nous demandons évidemment la fin du partenariat de la honte entre ce qu'on a appelé «Visit Rwanda» et le Paris Saint Germain, qui rapporte chaque année 15 millions d'euros au Paris Saint-Germain, mais 15 millions d’euros qui sont tâchés de sang et permettent au Rwanda chaque semaine de s'afficher sur des millions de télévision à travers le monde.
Ce partenariat, il est aussi passé avec Arsenal et le Bayern de Munich en Europe et nous appelons une grande mobilisation le 6 avril prochain, dimanche à 14h00’ devant le Parc des Princes pour mettre le Paris Saint-Germain face à ses responsabilités pour demander la suspension de ce partenariat».
Sur le cyclisme, le député poursuit : «la Fédération International de Cyclisme a décidé d’attribuer les championnats du monde de cyclisme au Rwanda et ils vont se dérouler du 21 au 28 septembre prochain à Kigali. Nous demandons à ce que la France et la délégation française ne participent pas à ces Championnats du monde de cyclisme pour ne pas être complice de ce que fait aujourd'hui l'armée rwandaise. Nous demandons d'ailleurs que la Fédération Française de Cyclisme mette la pression à la Fédération Internationale pour faire en sorte que ces championnats du monde de cyclisme n'ait pas lieu au Rwanda, mais se déplacer ailleurs.
J'ai appris aussi que le Rwanda avait candidaté pour accueillir un grand prix de Formule 1 dans les prochaines années, là aussi nous serons très vigilants pour le sport ne serve pas d'opération de blanchiment à des gouvernements qui se livre à des atrocités.
Évidemment la condamnation très claire de l'exploitation des ressources naturelles dans l’Est du Congo a un objectif : piller les ressources naturelles de la République Démocratique du Congo qui sont extrêmement riches, qui aujourd'hui servent à financer une armée criminelle et quelques dirigeants rwandais qui s’en mettent dans les poches, au niveau européen, suspension de l'accord de coopération minière signé avec le Rwanda en 2024, ce qui est absolument pour nous aussi hallucinant, c'est-à-dire que en 2024 la situation n’était pas nouvelle et pourtant l’Union Européenne a signé un partenariat avec le Rwanda mais malheureusement l'Union Européenne n'est pas à son coup d'essai puisque nous mobilisons aussi depuis des mois pour suspendre l’accord d’association entre l’Union Européenne et l’État d’Israël, au regard du massacre commis à Gaza et on voit que l'Union Européenne préfère regarder ailleurs, privilégie ses intérêts y compris financiers alors qu'il y a des peuples qui sont massacrés et un embargo sur tous les minerais, les minerais dit «T3», qui sont aujourd'hui des minerais de guerre, je pense au coltan, à l’étain, au tungstène et au cobalt qui sont aujourd'hui pour la plupart, extrait en RDC acheminés au Rwanda et après exporter. Pour donner un exemple illustré de ce qui se passe, 90% des volumes de coltan qui sont aujourd'hui exportés par le Rwanda, provienne du Congo».
«Des multinationales européennes et françaises sont complices, surtout Total est sur place et continue de verser des dividendes à ses actionnaires, des dividendes qui sont aujourd’hui des dividendes de mort, puisque l’exploitation de ces mines, elle est permise parce qu'on a des armées criminelles notamment le M23 qui en a pris possession, qui permet d'exporter les ressources au Rwanda pour financer tout ce qui se passe et enfin dernier élément, suspension de tous les accords économiques avec le Rwanda c'est pour nous quelque chose de très important parce que l'économie rwandaise, elle est très dépendante des aides et des partenariats extérieurs, un tiers du budget rwandais dépend aujourd'hui d'aide ou de prêt étranger donc la question du levier économique et des sanctions économiques pour faire payer un gouvernement et faire cesser ce qui est en train de se passer, elle doit être à l'ordre du jour»
LE «VA AU DIABLE DE KAGAME».
Puis : «Je terminerai en disant que cette proposition s'inscrit dans ce que nous, nous croyons de la politique, c'est-à-dire une action, pas d'indignation géométrie variable, pas de discours véritablement une volonté politique de faire respecter le droit international.
On peut pas avoir un Président de la République et un gouvernement qui fait des leçons à longueur de journée sur les valeurs de la République, sur le droit international, sur la paix dans le monde, qui parle à longueur de journée de sanctions légitimes contre les oligarques russes, mais qui sur d'autres conflits ne prend pas de position, ne prend pas de décision comme s’il y avait des conflits de seconde zone, comme s'il y avait des citoyens et des habitants du monde qui étaient des habitants de seconde zone qui ne méritaient pas que la France s'engage pour sauver leur vie parce que c’est de ça dont on parle aujourd’hui, c’est de sauver la vie de dizaines de milliers de personnes».
Lors de son discours du 7 avril 2025 prononcé à Kigali lors du début des commémorations du génocide des Tutsi de 1994, le président rwandais a eu ces mots, à l'adresse des pays qui sanctionnent le Rwanda: «Allez au Diable». «Si quelqu'un vient (...) et dit : «Hé, nous allons vous sanctionner». Quoi ? Allez au diable».
Puis : «Vous avez vos propres problèmes à régler. Allez régler vos propres problèmes. Laissez-moi m'occuper des miens». Selon la journaliste belge Colette Breackman, qui a repris des propos d'un proche de Kagame, sans citer son nom, «même ceux qui connaissent les colères du «Boss» ont été surpris par la virulence de ses propos».
Il semble que l'ancienne puissance belge ait été particulièrement visée par Kagame, accusée d’avoir œuvré pour que l’Union Européenne décide, à l’unanimité, le 17 mars, d’infliger à son tour des sanctions mais après notamment le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada.
La veille de ce vote du Parlement Européen, devant une foule lors d'un meeting matinal à Kigali, Kagame avait déjà fait montre de sa grande colère face à «la petite Belgique». « L’un de nos malheurs est d’avoir été colonisés par un petit pays, la Belgique, qui a divisé notre nation pour la faire paraître aussi petite que lui». Signe que les sanctions font leur effet...
De passage à Kigali, venant de Kinshasa, Massad Boulos, le conseiller principal de Donald Trump en charge de l'Afrique a parlé en diplomate mais tout y était dans son verbe.
«Le Président Kagame et moi avons discuté d’une vision pour un partenariat plus étroit à l’avenir. Un partenariat qui repose sur la stabilité régionale et la paix ainsi que sur le développement économique. Avant ma visite ici, j’ai eu le plaisir de m’entretenir avec le Président Tshisekedi, le Président Ruto et le Président Museveni de ces visites. Il m’est apparu clairement à quel point une paix durable est d’une importance vitale pour cette région.
Nous soutenons la sécurité et l'intégrité territoriale de tous les États de cette région, de nombreuses entreprises américaines ont déjà investi au Rwanda, le gouvernement du Rwanda a une vision de devenir un leader économique et dispose d'une société prête à faire avancer cette vision. Nous sommes prêts à travailler avec le Rwanda pour atteindre cet objectif. C'est pourquoi trouver une résolution au conflit dans l'Est du Congo est si essentiel car cela libérera le potentiel inexploité de la région.
Lors de nos discussions, le président Kagame s'est engagé à poursuivre cette vision de paix. Je peux confirmer et je peux affirmer que les États-Unis restent également engagés dans cet effort et sont prêts à faciliter une fin au conflit évidemment une fin pacifique à ce conflit, une fin qui permet aux pays de sécuriser leurs frontières et posent les bases d'une économie régionale prospère. Cette relation a un grand potentiel et nous apprécions l'opportunité de discuter de la voie à suivre avec nos homologues ici à Kigali. Nous aimerions absolument voir une paix durable dans la région.
Le président Trump est un président de paix. Il soutient la paix. Il est le seul président dans l'histoire récente des États-Unis, dans l'histoire moderne, qui n'a pas commencé de nouvelles guerres. Il est celui qui, lors de son premier mandat, a mis fin à de nombreuses guerres.
Il a retiré nos troupes de tant d'endroits et de zones de conflits dans le monde. C'est un homme de paix. Nous avons vu qu'immédiatement après son élection pendant la période de transition, il s'est engagé dans ses discussions de paix que ce soit au Moyen-Orient ou en Europe de l'Est entre la Russie et l'Ukraine. Nous avons vu que comme par magie en quelques semaines après son élection, un cessez-le feu a été atteint entre Israël et le Liban et quelques semaines après, un cessez-le feu a été atteint à Gaza et un grand nombre de otages ont été libérés.
Et nous, nous voyons ce qui se passe en ce moment en ce qui concerne le conflit Russo-ukrainien, que nous espérons voir résolu très rapidement et c'est pour cette raison que je suis ici cette semaine, que depuis la semaine dernière en fait, avec mes collègues, c'est la raison pour laquelle nous sommes ici parce que le président Trump est un président qui veut voir la paix réalisée. Il veut que ces conflits se terminent. Il veut qu'ils se terminent rapidement.
Il croit fermement que les gens ont souffert énormément et c'est assez, il est temps. Ce conflit particulier dure depuis près de trois décennies. Il est temps de voir une fin, une fin pacifique à cela. Les habitants de cette région des Grands Lacs, du Congo, du Rwanda, des Grands Lacs en général, méritent mieux.
Nous avons vu la perte de centaines de milliers de vie, des millions de déplacés et les gens ont souffert trop longtemps. Il est temps d'y mettre fin». Selon tous les observateurs, avec ces développements, Kagame a certainement déjà ordonné à ses 4.000 soldats de quitter le Congo.
D. DADEI.